Par la voix du Ministre du Travail, Carlos Tomada, le Gouvernement fédéral a annoncé le 17 septembre que les allocations familiales versées aux salariés qui cotisent au système et qui sont donc déclarés par leur employeur (ce qui n'est pas le cas de tous les salariés) sont augmentées à compter de septembre d'une manière significative et conforme à l'inflation qui ravage l'économie du pays.
L'organisme de sécurité sociale argentin, l'ANSES (Administración Nacional de SEguridad Social), recueille les cotisations réglées par les employeurs sur les salaires et répartit les allocations, indemnités et pensions aux ayant-droits du régime. Ces droits sociaux, nettement moins nombreux que dans nos systèmes européens, sont pour la plupart soumis à plafond de ressources et ne bénéficient aux salariés des entreprises affiliées au système. Ne sont pas affiliés à l'ANSES les entreprises du secteur agricole et de l'enseignement, la fonction publique, qu'elle soit fédérale ou territoriale, et les particuliers qui salarient des employés de maison. Quelques uns de ces secteurs ont des régimes distincts à couverture équivalente peu ou prou, l'enseignement et les fonctions publiques par exemple. J'ignore si les travailleurs organisés en coopérative (il y en a pas mal en Argentine, et dans tous les secteurs d'activité) sont ou non couverts par l'ANSES, puisque par définition ils ne travaillent pas sous le régime de la soumission hiérarchique (situación de dependencia). L'ANSES a été créée en 1990 par la fusion de différentes caisses, elle a pour autorité de tutelle le Ministère du Travail fédéral et couvre les salariés de l'industrie et des services ainsi que, pour certaines prestations, les travailleurs indépendants.
A compter de septembre, l'allocation (asignación familiar) mensuelle versée par l'ANSES passe de 100 $ à 135 $ par enfant à charge pour les salariés ayant une rémunération comprise entre 100 et 2400 $ bruts/mois (ce plafond était de 2000 jusqu'à présent). Pour la seconde tranche, soit les salaires entre 2400 et 3600 $, l'allocation n'est plus que de 101,30 $ (contre 75 $ jusqu'à présent). Enfin, pour la 3ème et dernière tranche, qui va de 3600 à 4800 $, l'allocation est réduite à 67,50 $ (elle était de 50 $ jusqu'en août).
L'allocation est versée jusqu'à la majorité de l'enfant à charge (18 ans).
Lorsque l'enfant est handicapé, l'allocation, versée sans limite d'âge, est plus élevée. Les montants seront désormais de 540 $ (Tr. 1), de 405 (Tr. 2) et de 270 (Tr. 3). La même allocation est versée pour le conjoint handicapé d'un travailleur touchant une retraite de l'ANSES.
On estime que l'ANSES verse 57 600 allocations mensuelles handicapés au titre de la population de salariés actifs et à 61 500 (pour enfants et conjoints confondus) au titre de la population des retraités.
L'ANSES a bâti son budget sur le recensement de 4 083 000 enfants de salariés actifs, 229 967 enfants de retraités ainsi que 701 588 conjoints handicapés.
Pour les allocations mensuelles, l'augmentation est de 35%. L'élévation de 20% des seuils définissant les trois tranches permet d'élargir le nombre des bénéficiaires. Pour être bénéficiaire, il faut être un salarié titulaire d'un contrat de travail sous autorité hiérarchique (trabajadores en relación de dependencia) ou un chômeur indemnisé (beneficiaros de prestación de desempleo) ou avoir été déclaré invalide du travail (beneficiarios de la Ley de Riesgos del Trabajo).
C'est, a annoncé le Directeur Exécutif de l'ANSES, Amado Boudou, quelque 400 millions de pesos qui seront ainsi redistribués d'ici à la fin de l'année en cours.
Se voient aussi augmentées les primes exceptionnelles versées en une fois au moment du mariage d'un salarié, d'une naissance et d'une adoption. Pour le mariage, la prime (asignación familiar extraordinaria) est de 900 $ (contre 600 auparavant), pour la naissance elle passe de 400 à 600 et pour l'adoption de 2400 à 3600 $. Ces deux derniers montants peuvent paraître exorbitants aux Européens que nous sommes, car nous avons l'habitude de voir au mieux assimiler naissance et adoption en terme de droits financiers, ce qui est chez nous une tendance récente (il n'y a pas si longtemps l'adoption ne donnait aucun droit et, en France, les droits pour adoption n'ont été assimilés à ceux de la naissance que très récemment).
Ceci dit, les chiffres avancés par l'ANSES sont éclairants : l'organisme annonce 5846 primes de mariage (sans préciser s'il s'agit d'un chiffre réel ou d'une estimation pour anticiper l'impact des récentes mesures gouvernementales sur son budget), 15895 primes de naissance et ... 44 primes d'adoption. Il faut donc soutenir l'adoption.
Peuvent toucher ces primes les salariés titulaires d'un contrat de travail,les chômeurs indemnisés et les invalides du travail (comme pour les allocations mensuelles) ainsi que les anciens combattants de la guerre des Malouines (1). Il n'y a pas de conditions de ressources maximum pour ces primes.
Pour les primes exceptionnelles, l'augmentation est de 50%.
On parlait de ces réajustements depuis le mois de juillet, depuis que les partenaires sociaux s'étaient accordés pour relever le niveau du salaire minimum. Et la ligne de partage entre organisations salariales est la même qu'alors : la CGT (confédération générale des travailleurs, péroniste depuis 1945) se dit satisfaite et applaudit la mesure attribuée, par le Premier Ministre Sergio Massa, à la Présidente elle-même. La CTA (un syndicat récent et plutôt radical, type Sud en France) estime l'augmentation insuffisante, elle réclame l'universalisation de l'allocation, c'est-à-dire son extension à tous les enfants de travailleurs, déclarés ou non, en activité ou au chômage et quelque soit leur statut juridique. Quand on sait combien de salariés travaillent au noir dans le pays, on s'imagine sans peine que la revendication est peu réaliste, sur le strict plan de la comptabilité publique en tout cas. Mais la CTA (centrale des travailleurs argentins) estime que les bénéficiaires sont les enfants (et non les parents) et qu'à ce titre, tous doivent être couverts. Le raisonnement a sa logique, même s'il n'est pas applicable dans les faits.
(1) les soldats qui ont combattu aux Malouines (et l'ont très lourdement payé) étaient pour beaucoup d'entre eux de simples appelés, en tout cas en ce qui concerne les soldats du rang. Il n'en va pas de même des officiers. Pour tous ces anciens combattants, a été mis en place tout un système complexe et assez complet de primes et de pensions, y compris d'invalidité. Ceci n'empêchait pas au mois d'août quelques vétérans d'exprimer publiquement certains motifs de grogne. J'en ai vu une petite poignée, dont certains avec des mines et des allures assez patibulaires, genre traumatisés de guerre pas vraiment peace & love, faire quelques jours de sitting sur la place du Congrès avec drapeaux, banderoles et tout l'attirail du parfait manifestant. On trouve aussi, aujourd'hui encore, parmi les bénéficiaires de pensions honorifiques au titre de la participation à ce conflit (cause nationale s'il en est) des officiers supérieurs par ailleurs recherchés pour faits de torture durant la dernière Dictature militaire (ce qu'on appelle des represors en Argentine). Les associations de droits de l'homme, au premier rang desquelles las Madres de Plaza de Mayo, las Abuelas de Plaza de Mayo et H.I.J.O.S, dénoncent la co-existence sur la même personne d'un avis de recherche et du versement d'une pension officielle. D'où actuellement certaines opérations, menées avec plus ou moins de zèle, de de tri entre les bons et les méchants et de radiation d'un certain nombre de personnes.