Todas las músicas est le nom du programme de concerts gratuits de la Ville de Buenos Aires.
Pendant la première quinzaine du mois, Buenos Aires a accueilli un festival international d’orgue dont les concerts se sont déroulés dans plusieurs églises de la ville ainsi que dans une école (le Colegio Nacional, l’équivalent du collège en France) de la calle Bolivar. La Cathédrale a accueilli le concert du dimanche 7 septembre à 16h30 (avec l’organiste Enrique Rimoldi) et le dernier concert (Osvaldo Guzmán) a été donné au Couvent San Domingo, le couvent dominicain situé à l’angle des rue Belgrano et Defensa, dimanche dernier, à 17h.
En cette deuxième partie du mois de septembre, c’est un festival de musique klezmer qui investit la Capitale : 1er Encuentro Mundial de Música Klezmer en Argentina. Toute cette semaine, entre mardi midi et samedi, cette rencontre prend la forme de 11 concerts dont cinq en extérieur, sur la scène installée à l’angle entre Diagonal Norte et Plaza de la República (nom du terreplain central où se dresse l’Obélisque). Le concert de mardi soir aura lieu au Teatro Alvear et l’un de ceux de jeudi (18h30) à l’Ambassade de Pologne (ce qui est bien réconfortant, quand on sait l’histoire difficile du judaïsme dans ce pays). Le dernier événement, le samedi, de 17h à 22h, la Klezfiesta, aura pour décor l’amphithéâtre grec de la Costanera Sur, l’une des deux bandes de terre conquises sur le Río et qui servent de promenade romantique (surtout celle du sud) aux amoureux et aux rêveurs de Buenos Aires...
Ce festival a quelque chose d’émouvant puisque la musique du tango, notamment le violon de la Orquesta Típica, doit beaucoup à la musique ashkénaze. La musique juive de l’Europe de l’Est et Centrale a un point commun avec le tango : toutes les deux sont des musiques de gens marginalisés, privés de parole comme de droits sociaux et politiques, une musique qui est la voix des sans-voix. Rien d’étonnant dès lors à ce que du flot considérable d’immigrants juifs qui, de Pologne, de Russie, des Pays Baltes et d’Ukraine, pour fuir les pogroms de la Russie tsariste puis bolchévique (tout aussi racistes l’un que l’autre), immigrèrent à Buenos Aires, surtout entre 1880 et 1920, soient sortis d’excellents artistes de tango, musiciens, danseurs, poètes et compositeurs, depuis des piliers de la Guardia Vieja comme le violoniste Tito Roccatagliatta ou le compositeur et multi-instrumentiste Arturo Bernstein, des artistes des années 30 et 40, les frères Rubinstein, par exemple, plus connus sous leurs noms de plume, Luis Rubistein et Oscar Rubens, jusqu’à nos jours, avec, entre autres exemples, un poète de la taille d’Alejandro Szwarcman.
Sans oublier le grand artiste du fileteado que fut le peintre León Untroib, l’auteur du mural d’hommage à Carlos Gardel à l’entrée de la station de métro à l’Abasto, un véritable fondateur de tradition dans cet art plastique populaire propre à Buenos Aires.
D’ailleurs à Buenos Aires, quand on parle, aujourd’hui encore, d’un "ruso", la plupart du temps il s’agit d’un juif, et ce quelque soit les origines géographiques de sa famille, et sans l’ombre d’une nuance raciste (contrairement à notre lexique où, à part le terme "juif", tous les adjectifs, tous les substantifs sont chargés d’une histoire ignoble, même le très biblique "israëlite", empoisonné par son emploi dans la propagande antisémite de l’Occupation). Aníbal Troilo racontait que lorsqu’il avait 8-9 ans, sa mère avait acheté son premier bandonéon à un ruso, dont il n’a jamais su ni le nom ni le destin. L’homme a un jour disparu et personne n’a jamais su ce qu’il était devenu. Et le petit garçon n’a jamais pu lui régler les 8 dernières échéances du paiement à crédit de l’instrument. Aussi, adulte, regrettait-il de n’avoir jamais revu ce mystérieux inconnu pour lui dire ce qu’il devait à ce premier instrument, dont il a joué toute sa vie.
A côté de ce festival de musique klezmer, la ville de Buenos Aires offre aussi le traditionnel programme de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires. Par exemple, et pur ne parler que des concerts encore à venir, jeudi 18 à 20h30, au Teatro 25 de Mayo, la grande formation fondée par Raúl Garello, ruso mais d’origine italienne (c’est encore autre chose), aura pour invitée la chanteuse, elle aussi d’origine italienne, Susana Rinaldi (on la surnomme même La Tana, la Ritale. Et là non plus nulle trace de xénophobie).
La Orquesta de Tango sera à nouveau dans ce même théâtre le 24 à la même heure et le lendemain, elle se produira dans une école, le Colegio Sarmiento (Libertad 1257), le Colegio étant l’équivalent de notre école primaire.
Et à venir aussi, un concert de la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce le samedi 27 à 17h dans les locaux de la Bibliothèque Nationale (située rue Agüero 2502).
Plusieurs concerts de musique classique complètent comme toujours la programmation de Todas las músicas.