Un logo relooké par les monteurs de Pagina/12 le 22 juillet 2008
C’est en adoptant et en adaptant une citation biblique (l’ordre de Jésus au paralysé de Capharnaüm et au fils de la veuve de Naïm mort sur son brancard : "lève-toi et marche", "levántate y anda" en espagnol) que la télévision publique argentine, Canal 7, a choisi d'intituler le documentaire de son journaliste Miguel Rodríguez Arias, qu’elle a diffusé hier soir sur l’histoire d’Aerolineas depuis sa privatisation en 1990 jusqu’à ce jour, à l’heure même où le Sénat débattait sur la loi de renationalisation de cette société, longtemps fierté nationale argentine. Les militants syndicaux de la Compagnie qui faisaient du sitting aux abords du Palais du Congrés pour réclamer un vote positif ont pu voir le film en direct sur écran géant.
Le vote a été acquis avec une large majorité, 46 oui et 21 non, ce qui entérine la loi déjà votée par l’Assemblée des Députés. L’Argentine récupère SA compagnie d’aviation avec une dette colossale de 890 millions de dollars américains (en Argentine, les évaluations importantes sont toujours faites en dollars américains eu égard à la volatilité du peso). L’accord entre l’Etat et Marsans doit intervenir avant le 30 septembre.
La lecture des journaux est intéressante, de droite comme de gauche, l’événement est traité dans les gros titres. Les journaux de gauche insistent sur la récupération (rescate) d’un bien de famille et Clarín retrace toute l’histoire de la société avec un diaporama d’images d’archives en insistant surtout sur la période privatisée : vente en 1990 à Iberia, triple de crise de 2001 (krac bancaire argentin, 11 septembre et vente de la société à Marsans pour 1 euro symbolique) et les deux moments où la Compagnie, qui a beaucoup souffert après l’attentat de New York, a failli déposer le bilan et choisit de faire un entrefilet sur le documentaire au titre enthousiaste de la veille sur la chaîne publique. Tandis qu’à droite, le ton est au sarcasme et au pessimisme, La Nación doutant même de l’avenir de la société (en mettant entre guillemets le terme de rescate) et en intitulant son très beau, très riche article multimédia : Aerolineas, la historia de un fracaso (l’histoire d’un échec), où le quotidien donne la parole à tous les bords (interview de Pino Solanas, le cinéaste socialiste auteur du documentaire El Saqueo sur le krac bancaire de 2001) et de 4 hommes politiques, 3 de gauche (radicaux et Frente para la Victoria, la coalition au pouvoir) et 1 de droite (Coalición civíca).
Reste désormais aux législateurs (legisladores comme on dit là-bas), terme qui désignent les députés et les sénateurs, à établir le prix qui sera proposé à Marsans, ce qui n’est pas facile en l’absence de comptes publiés. Clarín prévoit que Marsans ne se laissera pas faire et refusera le prix proposé quel qu’il soit, ce qui obligera le Gouvernement à entamer une procédure lourde et complexe d’expropriation... Encore une période d’incertitude difficile à vivre pour les personnels, qui ramènent pourtant leur entreprise à un niveau de qualité commerciale dont les Argentins doutaient fort il y a encore un mois... Et pourtant, ils le font !