dimanche 7 septembre 2008

Disques et livres à partager [disques & livres]

A Buenos Aires, j'ai été couverte de cadeaux, notamment de livres et de disques offerts par les artistes, par les éditeurs, parfois par les deux... Le moindre des égards envers eux et envers vous est de vous partager tout cela, au moins ceux de ces livres et disques qui sont disponibles dans le commerce.

Les livres :

1000 versos a Picasso (1000 vers pour Picasso), par Horacio Ferrer, édité par Fondación Banco de la Provincia de Buenos Aires, 2001.
Reproductions en couleurs et grand format de tableaux face à des poèmes que le Maestro Horacio Ferrer a écrits entre avril et août 1999 à Buenos Aires, Paris, Montevideo (sa ville natale, la capitale de l'Uruguay), Barcelona et Sant Elm de Majorca. Le livre est accompagné d'un disque où il interprète, avec cette diction impeccable et sobre qui n'appartient qu'à lui, plusieurs poèmes publiés dans l'ouvrage. Si la catégorie Beaux-livres n'existait pas en librairie, il faudrait l'inventer pour cette pièce de bibliophilie. Je vous concède que ce livre ne se trouve pas sous les pieds d'un cheval, mais si vous avez la possibilité d'aller là-bas, vous pourrez vous le procurer à la Academia Nacional del Tango (à condition d'avoir un budget à cet effet).

Una mirada, Reflexiones & anecdotas de vida (Un regard, réflexions et anecdotes de vie), par Litto Nebbia, ed. Catalogos, Buenos Aires 2004 (avec le mécénat de Banco de Santa Fe). Tout à la fois très beau et très agréable en main, ce livre (disponible sur le site de Melopea Discos) est accompagné d'un CD de musique inédite de Litto Nebbia.
Il s'agit d'un ensemble de réflexions admirablement écrites dont cet auteur-compositeur-interprète n'a pas encore fait des chansons (je cite son introduction) et que lui a suggéré un de ses amis, Alberto Fernández. Litto Nebbia est un prince de la culture populaire argentine (on dit là-bas un prócer), il est en particulier le premier musicien à avoir chanté (et écrit) du rock en espagnol. Litto Nebbia a très vite intégré l'univers du tango et il a enregistré et produit des disques et DVD d'anthologie, notamment avec le grand poète de tango que fut Enrique Cadícamo (1900-1999) et le non moins grand chanteur Roberto Goyeneche dit el Polaco (1926-1994). Un jour que j'évoquais ma future rencontre avec lui dans les locaux de Melopea, j'ai entendu un de mes amis me faire un très beau portrait du musicien qu'il est et cela s'est terminé sur cette phrase qui en dit long sur l'admiration que le travail de musicien et d'éditeur de disques de ce grand monsieur inspire aux tangueros là-bas : "Litto Nebbia nos salvó al Polaco" (Litto Nebbia nous a sauvé el Polaco).

Con un cacho de nada (avec un bout de rien), par Luis Alposta, Ed. Corregidor, Buenos Aires 2001. Un recueil de poèmes d'un poète très original, au parcours pas vraiment classique (il est médecin, ce qui n'est pas courant dans le monde du tango).

Du même auteur : Mosaicos porteños (mosaïques portègnes), Marcelo Héctor Oliveri Editor, Buenos Aires, 2005 (recueil de textes en vers et en prose sur Buenos Aires).

Du même auteur mais hors tango :
El ojo en boca de todos (l'oeil sur les lèvres de tout le monde), Ed. Junta de Estudios históricos del Barrio de Boedo, Buenos Aires 2008. Une étude linguistique répertoriant les expressions idiomatiques portègnes qui utilisent le mot oeil (comme en français : mon oeil, pour ses beaux yeux, à l'oeil, faire les gros yeux...). Cette monographie est illustrée par l'auteur lui-même et Luis Alposta possède un coup de crayon que de bien des caricaturistes professionnels peuvent lui envier !
¡Araca Lacan! (22, voilà Lacan !) par Luis Alposta et José Retik, ed. Acervo Editora Argentina de Mario Banchik, Buenos Aires 2007 (1). Il s'agit d'un dialogue entre un poète médecin et un psychanalyste sur les points communs qui existent entre la pensée de Jacques Lacan et la culture tanguera. La psychanalyse est très développée à Buenos Aires, où tant l'école viennoise que l'école française s'épanouissent. De nombreux praticiens juifs d'Europe Centrale ont trouvé refuge en Argentine, peu avant ou juste après l'Anschluss, en 1938.

Les médecins, psychologues et psychanalystes et les étudiants dans ces domaines, qui me font l'honneur de lire ce blog, seront peut-être intéressés de savoir que Luis Alposta contribue beaucoup à la littérature médicale et para-médicale et qu'il fait le lien entre tango et santé physique et mentale, avec pertinence et sans chercher midi à quatorze heures. L'enseignement du tango en Europe serait sans doute de meilleure qualité générale et la lombalgie mieux prévenue si nos professionnels de santé connaissaient et diffusait auprès de leur patientèle cette réflexion d'un confrère argentin qui a toute autorité pour la faire.

Del Cachafaz al Tango, un recueil de poèmes de Nicandro Pereyra, publié par Albino y Asociados editores, 1992, Buenos Aires. Un cadeau que m'a fait Ildefonso Pereyra, le Président de la Unión de Orquestas Típicas. Il n'en a été édité que 1000 exemplaires. C'est donc un incunable. Nicandro Pereyra était un poète d'une intensité peu commune et que je découvre avec bonheur en ouvrant ce livre. Avec l'autorisation d'Idelfonso, j'espère trouver le temps au cours de l'année de vous présenter quelques poèmes et de vous les traduire. Nicandro Pereyra était né en 1911 (ou en 1914, on trouve deux dates selon les sources) dans la ville provinciale de Santiago del Estero. Il est décédé à Buenos Aires en 2001. Dans ce recueil, il rend hommage à un danseur légendaire du début du 20ème siècle, Ovidio José Bianquet, surnommé El Cachafaz.

Les disques (plus faciles à se procurer, au moins sur les sites de vente en ligne)

Pompeya no olvida (Pompeya n'oublie rien), Javier González (interprété par Patricia Barone), Ed. PAI, 1999
Gestación, Patricia Barone y Javier González Cuarteto, Ed. PAI, 2004
Sur Patricia et Javier, vous pouvez lire l'article que je leur ai consacré dans Chroniques de Buenos Aires en cliquant sur ce lien.

Diálogos de Poeta y Bandoneón, Raúl Garello y Horacio Ferrer, 2004, Pichuco Records
Tocata para Sexteto, Raúl Garello, 2008, Pichuco Records
Pichuco Records est la maison de disques des petits-enfants de Zita Calahi de Troilo, l'épouse d'Aníbal Troilo, sous la direction de Francisco Torne, qui est aussi le directeur du site sur Aníbal Troilo. Francisco est un pilier de l'authenticité tanguera et il édite là deux artistes qui partagent un lien extrêmement fort de filiation artistique et d'affection personnelle avec le grand maître que fut Pichuco, el Bandoneón Mayor de Buenos Aires. L'un comme l'autre, le poète et le compositeur ont su défendre et imposer leur propre univers (ce n'est pas le cas de tous les artistes marqués esthétiquement et affectivement par un maître). Le site sur Aníbal Pichuco Troilo figure dans la liste des liens à droite.

Tangos camperos (Tangos des champs), Beatriz Suárez Paz, RGS Music, 2008.
Voir l'article publié le 15 août dans Chroniques de Buenos Aires.

Puñales de Plata (Poings d'Argent/du Río de la Plata), Marcela Bublik, ed. PAI
Gallo de Fuego (Coq de Feu), Marcela Bublik, ed. Fonocal, 2005
Marcela Bublik est chanteuse mais aussi poète et compositrice. Ses disques mêlent des compositions personnelles et des classiques. Je l'ai croisée un peu par hasard, mais était-ce vraiment un hasard ?, aux 5 ans de la radio Fractura Expuesta au CCC Floreal Gorini et elle a eu la gentillesse de traverser tout Buenos Aires pour venir me retrouver, le jeudi avant mon départ, pour qu'on puisse un peu mieux faire connaissance... Je ne l'en admire que plus parce que la traversée de Buenos Aires en colectivo un soir de semaine entre 19h et 20h, cela relève du sacerdoce... Pour connaître son travail, vous pouvez commencer par visiter son site.

Tangos nuevos y usados (tangos neufs et d'occasion) et La carnada (l'hameçon), tous deux de Angel Pulice et Ruth de Vicenzo et leur sextuor, auto-produits, sans date (mais Tangos nuevos y usados est récent).
Voir mon article du 25 juillet.
Mon agenda ne m'a malheureusement pas permis de les voir sur scène mais merci à Angel de s'être déplacé jusqu'à la pizzeria del Tio Felipe, au dernier jour de mes vacances, pour que nous puissions au moins connaître nos visages respectifs...

El último Zorzal, le dernier disque de Tito Reyes, décédé à l'automne 2007, ed. Melopea Discos. Tito Reyes a été le dernier chanteur masculin de l'orchestre de Pichuco.
Tango y Nocturno, Litto Nebbia Quartet, 2004, ed. Melopea Discos (mélange de classiques et de morceaux de Litto Nebbia, composés seul ou avec Tito Reyes).
Sur Melopea, voir aussi les liens à droite.

Inmigrantes, de Siglotreinta et De corte antiguo, de Néstor Tomassini, ed. Epsa Music.
Sur Néstor Tomassini, voir son site et mon article du 29 juillet (Néstor m'a dit et d'autres m'ont répété qu'il se reconnaissait dans ce que j'avais écrit, ce qui m'honore au-delà de ce que je peux dire, j'espère qu'il le sait). Néstor doit tourner bientôt en Europe (sauf en France malheureusement). Je vous donnerai dans les jours qui viennent les dates et les lieux...

Aquí y ahora tangos (tangos, ici et maintenant), de Jacqueline Sigaut, auto-produit. Jacqueline Sigaut est une chanteuse qui ose bâtir tout son album avec des poètes que les autres enregistrent tous les 36 du mois (et que personnellement j'aime beaucoup) : Héctor Negro, Alejandro Szwarcman, Raimundo Rosales... Idem pour les compositeurs (José Teixido, Saúl Cosentino, José Ogivieki). Elle a ajouté une pincée de classique, juste ce qu'il faut et plutôt des titres que l'on trouve rarement dans la production discographique des gros labels internationaux (Mi ciudad y mi gente de Eladia Blázquez, Una canción de Pichuco et Cáluto Castillo et Poema en si mayor du binôme Piazzolla-Ferrer). Encore une artiste rencontrée grâce au hasard, qui fait superbement les choses, au bar El Faro de Villa Urquiza, à l'anniversaire du cycle El Tango vuelve al Barrio de Cucuza et Moscato. Pour visiter le site de Jacqueline, cliquez ici.
(1) araca : interjection lunfarda signalant un danger (plus ou moins notre "22, v'là les flics !", mais araca peut s'employer pour un autre "danger" que l'arrivée de la police. Un célèbre tango de la Troupe Ateniense de Montevideo, daté de 1930, s'intitule Araca París et raconte la mésaventure d'un jeune portègne bon danseur de tango venu tenter l'aventure de vivre en gigolo à Paris aux crochets de vieilles rombières pas aussi cruches que ce qu'on lui avait raconté à Buenos Aires, à une époque où la France accusait un gros déficit démographique après l'hécatombe masculine de la Grande Guerre.