mardi 9 septembre 2008

El Tata Cedrón en scène avec Jaime Torres [à l’affiche]


Un guitariste et chanteur de tango argentino-français partageant la scène avec un musicien de folklore argentin d’ascendance bolivienne, l’un vivant à Boedo, l’autre à San Telmo, le tout au Centro Cultural Torcuato Tasso à San Telmo le vendredi et le samedi soir... Peut-être la base, disent-ils, d’un futur concert intégré que les deux amis pourraient bien monter ensemble dans les prochaines années...


Juan Cedrón, dit el Tata (le Papounet) est un guitariste, un chanteur et un compositeur de tango né en Argentine au sein d’une famille d’artistes liée d’amitié avec l’écrivain argentin pro-castriste né à Bruxelles et exilé en France Julio Cortázar (1914-1984) qui parle de cette fratrie dans ses oeuvres. Juan Cedrón a vécu 30 ans en France, au point d'avoir un passeport de l’Union Européenne-République Française. C’est un excellent connaisseur de notre langue et de notre culture. Depuis 4 ans il est retourné vivre à Buenos Aires dont il a été fait citoyen d’honneur (ciudadano ilustre), une distinction extrêmement prestigieuse en Argentine. On lui doit de nombreux disques enregistré avec le Cuarteto Cedrón ou avec la Orquesta Típica Cedrón, il a beaucoup travaillé sur les oeuvres peu connues d’authentiques grands poètes. Il a consacré tout un album à Raúl González Tuñón, poète et écrivain communiste des années 40 et 50 (l’album est épuisé sous forme CD mais est disponible en téléchargement légal). Un autre album est consacré à des inédits de Homero "Barba" Manzi (1907-1951), il a été monté l’année dernière, avec Acho Manzi, le fils du poète et le compositeur de El último organito (1948), à l’occasion du centenaire de la naissance de l’artiste. Enfin Juan Cedrón est aussi l’auteur d’un CD contenant uniquement des compositions signées sur des textes que Julio Cortázar écrivit lors de son exil français.
La chanteuse Lidia Borda vient de rendre hommage au Tata avec son dernier CD, Ramito de Cedrón (un bouquet de cédratier/Cedrón), dont tous les titres sont de la composition du Tata.

Au Torcuato, el Tata chante, s’accompagne lui-même à la guitare et est entouré de Miguel Priano (violon alto) et Miguel López (bandoneón).

Jaime Torres est quant à lui un folklorista. La musique folklorique de l’intérieur du pays tient une grande place dans la culture argentine, jusques et y compris à Buenos Aires où c’est pourtant presque devenue une musique d’importation interne. Cette musique est riche de styles, de rythmes et de traditions variés, elle utilise bon nombre d’instruments que nous ne connaissons pas et qui viennent souvent des Indiens qui habitèrent ces terres avant d’en être chassés, voire d’être exterminés surtout dans le sud du pays (les Quechuas sont un peuple andin installé au Pérou, en Bolivie et dans le nord-ouest de l’Argentine, certains mots de leur lexique se retrouvent dans le lunfardo portègne ; les Guaranis sont des Indiens du nord, vers le Paraguay et le Brésil, c’est à eux que l’Argentine doit la tradition du mate ; les Mapuches sont du sud, c’est le peuple dont était issu le bienheureux Ceferino Namuncurá dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler).

Parmi ces instruments folkloriques, la quena, une immense flûte de 50 cm de long et le charango, un petit instrument quechua à cordes pincées dont Jaime Torres est un des meilleurs interprètes actuellement. La forme générale du charango rappelle la guitare mais ses proportions sont différentes. Le charango possède un manche très large (10 cordes) et une caisse de résonance de guitare bonzaï. La guitare elle-même est aussi très populaire dans la musique de l’intérieur ainsi que l’accordéon (celui de Raúl Barboza, par exemple, le roi du Chamame, cette musique de la frontière argentino-bolivienne). La musique folklorique fait aussi appel au violon et à tous les instruments à vents et à percussion possibles et imaginables. Au Torcuato, Jaime Torres est accompagné par Goyo Alvarez (guitare), Javier Sepúlveda (quena) et Néstor Pastorive (percussion). Parmi les grands musiciens avec lesquels a souvent joué Torres, le percussionniste Minimo Garay (très populaire en Argentine) et le compositeur de la très célèbre Missa Criolla (si facile à se procurer sous nos latitudes), Ariel Ramirez...

Le programme de ces concerts est en fait constitué de la juxtaposition des deux artistes, chacun occupant une partie de la soirée, avec une conclusion pendant laquelle ils jouent ensemble un petit nombre de morceaux. D’où l’idée d’un concert véritablement partagé dont ils évoquent la possibilité future dans l’interview que leur consacre Página/12 aujourd’hui (9 septembre 2008) sous le titre "Nous nous faisons plaisir en jouant tout ce que nous aimons".