J’ai bien dit Jactance et Pinta et non pas Jactance et Pintance. Faut pas tout mélanger.
Voici, pour continuer de fêter la Semaine du Goût dans la joie et la bonne humeur, malgré la Bourse qui se prend pour le Titanic et le Merval qui boit la tasse comme tous les autres, une communication très sérieuse (je vous en laisse juges) adressée le 12 septembre dernier par le Maestro Luis Alposta à la Academia Porteña del Lunfardo. Le texte est long malgré les quelques coupures claires que j'ai pratiquées ici ou là, donc je vais alterner texte original et traduction...
Dicen, los que entre pizza y pizza se han dedicado a historiarla, que todas las civilizaciones la han conocido. Que bajo distintas formas y gustos ya cumplió tres mil años y que su antepasado remoto, la chozna de la chozna de su chozna, fue una simple hogaza [...]
Ceux qui entre deux pizzas se sont consacrés à en faire l’histoire disent que toutes les civilisations l’ont connue. Que sous des formes et des goûts variés, elle a dépassé les 3000 ans et que son ancêtre éloigné, l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrrière grand-mère était une simple fougasse [...]
Siglos después, también los griegos, pero esta vez los asentados en el sur de Italia y especialmente en Sicilia, serían los que en tiempos de la proto-pizza darían un paso al frente aderezando el pan antes de hornearlo.
Más tarde, los romanos, adaptando y adoptando recetas y métodos de preparación de etruscos y griegos, inventaron para siempre lo que sería la redondez de la pizza y pasaron al panis focacius, que cocinaban las mujeres en hornos comunales. Una masa cocida similar al pan, condimentada con hierbas y semillas o, simplemente, con lo que se tenía a mano.
Una hogaza redonda que los antiguos –dicen- comenzaron utilizando como mantelito individual o como plato en el que apoyaban todo lo que comían y que terminaron comiendo.
Catón el Viejo, el que vivía obsesionado con la destrucción de Cartago, hace algo más de dos mil años, hablaba en uno de sus escritos de «una masa redonda aderezada con aceite de oliva, hierbas y miel, horneada sobre piedras». Se estaba refiriendo a una “dulce pizza” sin saberlo.
En el transcurso de los siguientes siglos, mediante las conquistas de Roma y las consecuentes adopciones de las costumbres romanas en las regiones colonizadas, este alimento se difundió en toda Italia llegando hasta las Galias.
Fueron surgiendo así diversas variantes regionales. Variantes que, aún hoy, ignorando al tomate, se siguen preparando con los mismos ingredientes de antaño. Y vaya como ejemplo la pizza que se hace en Apulia, la “focaccia pugliese”, cuya versión porteña, de existir, exigiría que se la amasase al compás de “La Yumba” [...]
Des siècles plus tard, les Grecs eux aussi, mais cette fois-ci (1) ceux qui s’étaient établis dans le sud de l’Italie et tout spécialement en Sicile, seraient ceux qui aux temps de la proto-pizza ont fait un pas en avant en agrémentant le pain avant de l’enfourner.
Plus tard, les Romains, adaptant et adoptant des recettes et des méthodes de préparation des Etrusques et des Grecs, inventèrent pour toujours ce qui allait devenir la rondeur de la pizza et passèrent au panis focacius que cuisaient les femmes dans des fours communaux. Un appareil cuit similaire au pain assaisonné d’herbes et de graines ou simplement avec ce qu’on avait sous la main.
Une fougasse ronde que les Anciens, dit-on, commencèrent à utiliser comme set de table ou comme assiette que lequel on plaçait tout ce qu’on mangeait et qu’on terminait par manger aussi.
Caton l’Ancien, lui qui vivait dans l’obsession de détruire Carthage, il y a quelque chose comme 2000 ans, parlait dans l’un de ses écrits d’"une pâte à pain ronde agrémentée d’huile d’olive, d’herbe et de miel, cuite au four sur des pierres". Il se référait à une pizza sucrée sans le savoir.
Dans le cours des siècles suivant, par le biais des conquêtes de Rome et de l’adoption qui s’en est suivi des coutumes romaines dans les régions colonisées, cet aliment s’est répandu dans toute l’Italie au point d’arriver jusque dans les Gaules.
C’est ainsi que surgirent diverses variantes régionales. Des variantes qui, encore aujourd’hui, par ignorance de la tomate, continuent d’être préparées avec les mêmes ingrédients que jadis. Prenez comme exemple la pizza qui se fait dans les Pouilles (Apulia), la focaccia pugliese (la fougace des Pouilles), dont la version portègne, pour exister, exigerait d’être pétrie au rythme de La Yumba (2).
Quinientos años después, fue con la llegada de los longobardos a Italia que hizo su aparición la mozzarella, elaborada con leche de búfala.
Y han tenido que pasar muchos más, descubrimiento de América mediante, para que hiciese su aparición el tomate. [...]
500 ans plus tard, ce fut avec l’arrivée des Lombards (3) en Italie que la mozzarella (4), élaborée avec du lait de bufflonne, fit son apparition.
Et il a fallu qu’il en passe beaucoup plus, avec la découverte de l’Amérique au milieu, pour que fasse son apparition la tomate. [...]
A partir de entonces, muchos creyeron ver en esta preparación una simbólica representación de la ciudad de Nápoles. El borde negro, como quemado por los ríos de lava del Vesubio, las blancas islas de mozzarella como si fuesen barrios y el rojo del tomate como un canto a la vida. [...]
A partir de ce moment-là, beaucoup ont cru voir dans cette préparation une représentation symbolique de la ville de Naples : le bord nord, comme brûlé par les fleuves de lave du Vésuve, les îles blanches de mozzarelle comme si c’était des quartiers et le rouge de la tomate comme un chant à la vie. [...]
Si bien la Antigua Pizzería Port’Alba, en Nápoles, fundada en 1738, es considerada como la primera pizzería del mundo, la historia nos cuenta que fue un único hombre el que creó la pizza tal y como la conocemos actualmente. Se llamaba Raffaele Esposito, propietario de la Pizzería “Pietro... e basta cosi” (literalmente "Pedro... y esto es todo"), fundada en 1780. Él fue quien preparó, en 1889, una pizza especial para agasajar al Rey Umberto Primo y la Reina Margarita. Cuentan que a la reina, especialmente exigente con la comida, no le gustaban los sabores fuertes. Así que Esposito, como tributo a los reyes en su visita y para dar un toque patriótico a la pizza, la elaboró con los colores de la bandera italiana: rojo, verde y blanco, esto es, salsa de tomate, albahaca y queso de búfala, la auténtica mozzarella. A la reina Margarita le gustó tanto este plato, que bautizaron la creación con su nombre. Y así nació la pizza Margarita.
Y ahora, en tren de actualizarle el título a esta historia, propongo éste: “La pizza: de Esposito a Soletik”. Y ya veremos por qué.
Mais si la Antigua Pizzeria Port’Alba à Naples, fondée en 1738, est considérée comme la première pizzeria du monde, l’histoire nous dit qu’il y eut un seul homme pour créer la pizza telle que nous la connaissons actuellement. Il s’appelait Raffaele Esposito, il était le propriétaire de la Pizzeria Pietro ... e basta cosi (littéralement Pierre et ça suffit comme ça), fondée en 1780. C’est lui qui prépara en 1889 une pizza spéciale pour recevoir avec tous les honneurs le Roi Humberto 1er et la Reine Margarita. On raconte que la reine, particulièrement difficile en matière de nourriture, n’aimait pas les saveurs fortes. Alors Esposito, en guise d’hommage au Roi et la Reine pour leur visite et pour donner une touche patriotique à la pizza, l’élabora aux couleurs du drapeau italien : du rouge, du vert et du blanc, c’est-à-dire de la sauce tomate, du basilic et du fromage de bufflonne, l'authentique mozzarella . Ce plat plut tellement à la reine Margarita qu’on baptisa la création de son nom. Ainsi est né la pizza Margarita.
Et maintenant, afin d’actualiser le titre de cette histoire, je vous propose : La pizza : de Esposito à Soletik. Et on va voir pourquoi.
Ya entre nosotros, inmigración mediante, hablando de la pizza- nostra, recordemos que la leyenda nos cuenta que la fainá es un invento porteño. Que el xeneise Agustín Banchero inventó la fugazza con queso. Que Calé y Medrano la incluyeron en sus dibujos sin necesitar dar explicaciones; que el pasado 12 de mayo se inauguró en la ciudad de Córdoba el primer museo del mundo dedicado a la pizza; y que esta tarde nos hemos reunido aquí, en la Academia Porteña del Lunfardo, para darle la bienvenida a una Oda que le acaban de dedicar.
Esta vez no se trata de sonetos escritos con ese de Soletik, como ya este poeta nos tiene acostumbrados; sino de una Oda escrita con O mayúcula, una O tan redonda como la pizza a la que le canta y tan de admiración, como la que se nos dibuja en la boca al escucharla.
[...]
Maintenant parmi nous, grâce à l’immigration, quand on parle de pizza nostra, souvenons-nous que la légende dit que la fainá est une invention portègne (5). Que l’étranger Agustín Banchero (6) a inventé la fugazza au fromage. Que Calé et Medrano (7) l’ont incluse dans leur dessins sans qu’on ait besoin d’expliquer pourquoi, que le 12 mai dernier a été inauguré dans la ville de Córdoba (8) le premier musée au monde consacré à la pizza et que ce soir, nous sommes réunis ici, à la Academia Porteña del Lunfardo, pour souhaiter la bienvenue à une Ode qu’on vient tout juste de lui dédier.
Cette fois, il ne s'agit pas de sonnets écrits avec cet accent de Soletik (9), comme ce poète nous y a habitués mais d'une Ode écrite avec un O majuscule, un O aussi rond que la pizza qu'il chante et aussi admirable que celui qui se dessine sur nos lèvres lorsqu'on l'écoute.
[...]
En esta Oda, Antonio Soletic le canta a la pizza en forma simple y directa, en la que el discurso poético, ya desde el primer verso, fluye con naturalidad. Con esa misma naturalidad con la que nos llevamos una porción de pizza a la boca.
Es éste un libro de alabanza a las bondades de la pizza. Con tapa y contratapa ilustradas por Beatriz Anselmi. Pinturas en las que en “un reloj de aceitunas”, la aguja del obelisco da las doce.
La oda es siempre un canto, y este tejido elemental de palabras es como un coro que entona una epifanía. La epifanía de nuestro encuentro con el milagro siempre renovado de lo cotidiano.
En síntesis:
Poesía sencilla y vital.
Algo que celebramos.
Dans cette Ode, Antonio Soletic chante la pizza d'une manière simple et directe, en quoi le discours poétique, et ce dès le premier vers, coule naturellement. Aussi naturellement que nous portons un morceau de pizza à la bouche.
Voilà un livre de louanges aux vertus de la pizza. Avec une couverture et une quatrième de couv illustrés par Beatriz Anselmi. Des peintures où sur un cadran d'olives, l'aiguille de l'Obélisque marque midi (10).
L'ode est toujours un chant et ce tissu élémentaire de mots est comme un choeur qui entonne une hymne d'Epiphanie. L'Epiphanie de notre rencontre avec le miracle toujours renouvelé du quotidien.
En résumé :
de la poésie simple et fondamentale.
Quelque chose qui s'arrose !
Luis Alposta, Academia Porteña del Lunfardo, 12 septembre 2008
Traduction Denise Anne Clavilier
Pour la pâte à pain, il faut de la farine, de l'eau, de la levure de boulangerie, du sel (mais après la première levée, sinon ça tue la levure), un coin chaud pour faire lever et un bon pétrissage. Bon courage et bon appétit...
(1) Luis Alposta avait déjà parlé des Grecs dans la partie que j’ai sautée...
(2) Ne me dites pas que vous ne l’aviez pas vue venir, celle-là... Je ne vous crois pas ! La Yumba, tango de Osvaldo Pugliese (1905-1995)
(3) Luis Alposta m’a raconté, le jour des ñoquis (ça ne s’invente pas), une théorie selon laquelle la mozzarella serait originaire de l'Orient persan ou indien... Le cheminement semble complexe mais ce ne serait pas la première grande invention alimentaire à avoir parcouru un trajet invraisemblable. En français, on appelle mousseline un tissu très fin de soie qui était tissé originellement dans la ville irakienne de Mossoul (sur la route de la soie de Marco Polo, qui rapporta en Italie une invention chinoise, les pâtes). Toujours est-il que le peu qu’on sache de la tribu barbare appelée en français Lombards (et en espagnol longobardos) et qui envahit l’Italie vers 581 parlait une langue germanique. Que les Lombards, définitivement italiens, beaucoup plus tard se firent connaître dans toute l’Europe comme banquiers (donc un peu prêteurs sur gage aussi -il faut bien des garanties) et que l’adjectif lombard en est donc devenu à signifier, en de nombreuses langues dont le français, voleur, voyou, escroc et c’est sans doute ce sens-là qui a abouti à Buenos Aires au substantif lunfardo, qui désigne ce qui fut d’abord un jargon parlé clandestinement par les vauriens de la ville désireux de ne pas être compris de la police... Je vous ai résumé là l’un de mes échanges avec Luis il y a 1 mois et demi...
(4) La muzzarella (sic) est la version porteña du fameux fromage au lait de bufflonne et elle est faite au lait de vache. Pasteurisé la plupart du temps ! A Buenos Aires, muzzarella (généralement on dit muzzarella grande, parce qu’on a très faim et qu’on est une grosse bande de copains), c’est quasiment un synomyme de pizza. C’est une pizza couverte de fromage de l’épaisseur d’un doigt... Un bon doigt !
(5) Je te m’en fiche, oui !.. La fainá, sorte de grosse farinette à base de farine de pois-chiche, c’est la socca niçoise ! Sont gonflés, ces Portègnes ! En Argentine, on sert ce solide en-cas avec la pizza... et c'est délicieux.
(6) fondateur d’une célèbre chaîne de pizzeria fondée dans le quartier populaire de La Boca et qui se vante tout à la fois d’avoir inventé la Fugazza con Queso (la fougace au fromage) et d’avoir eu pour habitué Benito Quinquela Martín. Ils sont sur Internet.
(7) Calé (Alejandro del Prado) et Medrano sont des dessinateurs de presse, de bd, des caricaturistes, des affichistes...
(8) la ville en Argentine, pas en Espagne.
(9) Antonio Soletik est un poète qui écrit beaucoup en lunfardo et participe à des tas d'activités organisées par la Academia Porteña del Lunfardo.
(10) las doce : c'est à la fois midi et minuit. J'ai choisi midi parce qu'on ne peut pas garder l'ambiguïté en français et que midi évoque plus la nourriture chez nous que minuit. Mais à Buenos Aires, il n'y a pas d'heure pour les braves et minuit est une très bonne heure pour s'avaler une pizza dans un bon nombre d'établissements spécialisés de la ville... L'Obélisque ici est le monument symbole de Buenos Aires qui se dresse à l'intersection des avenues Corrientes et 9 de Julio.