Le sénateur et cinéaste Fernando "Pino" Solanas, à la tête de Proyecto Sur (Projet Sud), un parti politique issu du PSA (Partido Socialista Argentino), l'un des nombreux partis se réclamant du socialisme dans le pays, vient de faire connaître la chanson qui accompagnera sa campagne électorale pour briguer la direction du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, où, dans les sondages, il arrive très, très loin derrière Mauricio Macri et son challenger, Daniel Filmus, qui n'est pas sans espoir de provoquer une élection à deux tours, un fait très rare dans le sous-continent, sur des scrutins uninominaux de cette nature (gouverneurs et chefs d'Etat).
Il s'agit d'une murga, ces chansons de carnaval qui sont caractérisées par la force de leur critique sociale et leur humour, à travers des jeux de mots, des pastiches, des allusions à des situations connues de tous.
Et, ô surprise, c'est le quotidien La Nación qui présente la chose à ses lecteurs, pour s'en moquer, naturellement puisque La Nación se situe sur une ligne politique frontalement opposée à celle de Pino Solanas.
Le texte promet de nettoyer la ville de Buenos Aires, au propre (c'est le cas de le dire) et au figuré (allusion aux pratiques de corruption déjà plusieurs fois dénoncées du présent Gouvernement portègne) et joue sur le sens du surnom du candidat. Pino, c'est aussi le pin, un conifère bien vert (un brin écolo, peut-être) qui serait planté en pleine ville (le jeu de mots avait été fait par le quotidien Página/12 après la première grande percée électorale de Solanas sur Buenos Aires en juin 2008)
La chanson électorale est une véritable tradition en Argentine. J'en ai même introduite une dans mon anthologie, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (ed. du Jasmin, mai 2010) : Hipólito Yrigoyen (page 183), un tube de l'année 1928, tango enregistré par le chanteur Ignacio Corsini pour soutenir l'ancien président radical, qui se présentait alors pour un nouveau mandat, après le passage à la Casa Rosada d'un autre radical, Marcelo T. de Alvear. Yrigoyen fut réélu, à peu près dans les conditions prédites par ce tango, mais ne survécut pas politiquement au déferlement de la Grande Dépression du Black Thursday sur l'Argentine. Son renversement, le 6 septembre 1930, initiait une série invraisemblable de coups d'Etats militaires, de révolutions de palais et d'élections truquées, de manière presque ininterrompue, jusqu'en 1983, année du retour durable à la constitutionnalité et à la démocratie.
Pour aller plus loin dans la connaissance concrète de ce qu'est cette campagne à Buenos Aires :
écouter la murga de Pino Solanas sur le blog de la rédaction politique de La Nación
visiter le site Internet de campagne du candidat (attention : Pino Solanas dispose aussi d'un site consacré à son travail cinématographique. Ne les confondez pas)
visiter le site Internet de Daniel Filmus (candidat du Partido Justicialista) – Vous y trouverez un spot de campagne qui ne dit pas grand-chose du programme péroniste mais démolit en règle la gestion de Mauricio Macri, avec sa réponse presque automatique à toutes les revendications sociales, éducative, sanitaire et culturelle : No se puede - C'est impossible.
visiter le site Internet de Mauricio Macri (candidat ultra-libéral à sa propre réélection et qui n'hésite pas à promettre, sur le site, de l'aide aux groupes de jeunes musiciens. Au fait, pourquoi a-t-il si peu fait pour eux depuis 3 ans et demi ?)