Le groupe Les Luthiers, un quintette de musiciens fantaisistes qui ne sont pas sans rappeler ce qu'ont pu être Les Frères Jacques pour la scène francophone, reviennent à Buenos Aires, au Teatro Rex, sur avenida Corrientes, à quelques mètres de l'Obélisque, avec un nouveau spectacle, qu'ils sont allés créer à Rosario, comme d'habitude.
Le spectacle s'appelle ¡Chist! et rassemble une sélection des meilleurs morceaux du groupe, qui a parodié tous les genres musicaux, y compris le tango, en 1972, au plus profond de la déprime qu'il a traversé entre la chute de Perón (1955) et le retour de la démocratie (1983).
Ce retour sur scène a donné à Clarín un prétexte pour aller les interviewer tous les cinq, dans un hôtel de la Costanera, le long du Río de la Plata, dans la zone est de Buenos Aires. Et ils se révèlent à peu près aussi déjantés que sur scène...
Verbatim (à lire au second degré de bout en bout)
“Te mentiríamos si dijéramos lo contrario: estamos cada vez mejor, nos llevamos bárbaro. Un dato: antes de este nuevo show nos tomamos vacaciones, algo impensado en otra época”, cuenta Carlos Núñez Cortés.
Clarín
On te mentirait en disant le contraire (1) : on se bonifie en vieillissant, on s'entend comme larrons en foire. Pour te dire : avant ce nouveau spectacle, on s'est pris des vacances. Un truc impensable à une autre époque, raconte Carlos Núñez Cortés
(Traduction Denise Anne Clavilier)
¿Para qué sirven las antologías?
Mundstock: Sirven.
Carlos López Puccio : Hay preguntas que preferimos no contestar...
Núñez : No, hablando en serio, creemos que hay mucha gente que no ha visto estas obras en vivo. Todo nuestro material está disponible en disco y videos.
Daniel Rabinovich : O pueden verlo en YouTube.
Núñez : Sí, pero nada equivale al vivo, esa magia increíble que tiene la gente al poder ver a Les Luthiers en directo, y en un teatro. Según lo que he leído por ahí, “es algo indescriptible” ( sonríe ). Y en cuanto a una antología, este formato permite que toda esa gente que no pudo ver esos espectáculos, pueda vernos ahora.
Clarín
- A quoi ça sert, les best-offs ?
Mundstock : ça sert.
Carlos López Puccio : Il y a des questions auxquelles nous préférons ne pas répondre...
Núñez : Non, pour parler sérieusement, nous croyons qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas vu ces oeuvres sur scène. Tout ce qu'on fait est disponible en disques et en videos
Daniel Rabinovich : et ça peut se regarder sur You Tube
Núñez : Bien sûr, mais rien ne vaut la scène, cette magie incroyable qu'il y a chez les gens quand ils peuvent voir Les Luthiers en direct, et dans un théâtre. D'après ce que j'ai lu quelque part par là, c'est quelque chose d'indescriptible (il sourit). Et pour ce qui est du best-off, c'est un format qui permet à tous ces gens qui n'ont pas pu voir ces spectacles de nous voir maintenant.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
- Pensaba en las antologías como una sucesión de imágenes virtuosas, útiles para el consumo y la búsqueda de popularidad.
Mundstock : Eso explicaría el posible interés de la gente. Nosotros queremos hacer el mejor show que podemos en este momento, y eso puede venir con material nuevo o a través de una selección que se fue mejorando. Este es un material de mucho valor y creo que estamos haciendo un gran show.
Puccio : Las antologías sirven para seguir rescatando el valor a ese material viejo... Es distinto vernos rodeados de mil personas que te siguen el timing que vernos en una pantallita. Toda esa gente que conoce estas obras por YouTube debería darse cuenta que, en vivo, Les Luthiers es muy diferente.
Rabinovich: El grupo hace este show no sólo para recuperar un acervo propio, sino porque nos viene muy bien, muy cómodo, para cuando tenemos que montar un espectáculo nuevo y estamos cansados o medio agotados, cosa que en 45 años de existencia nos ha pasado cada 45 minutos. Uno se agota de inventar cosas y poder manotear el propio patrimonio, y poder usarlo, es algo fantástico.
Clarín
- Je pensais aux best offs comme succession d'images virtuoses, prêtes à consommer et à provoquer du succès
Mundstock : Cela expliquerait l'intérêt que les gens peuvent nous porter. Nous, nous aimons faire le plus beau spectacle que nous pouvons au moment où nous le faisons et ça, ça peut se faire avec des nouveaux morceaux ou à travers une sélection qui se bonifie avec le temps. Ce qu'on fait là a une grande valeur et je crois qu'on fait un très beau spectacle.
Puccio : Les best-offs, ça sert à continuer de sauvegarder la valeur de ces vieux morceaux... Ce n'est pas la même chose que de nous voir entourés de mille personnes qui te suivent le timing et de nous voir sur un petit écran. Tous ces gens qui connaissent ces oeuvres à travers You Tube devraient se rendre compte que, en public, Les Luthiers c'est tout autre chose.
Rabinovich : Le groupe fait ce spectacle non seulement pour renouer avec sa propre réaffirmation mais parce que c'est très bien pour nous, très confortable, par rapport à quand il faut qu'on monte un nouveau spectacle, et qu'on est fatigués, à moitié crevés, un truc qui en 45 ans d'existence nous est arrivé toutes les 45 minutes. On finit par s'épuiser à inventer des trucs, alors pouvoir manipuler notre propre patrimoine et nous en servir, c'est quelque chose de fantastique...
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Signalétique hospitalière argentine, avec infirmière à bibi d'hôtesse de l'air - Voir le rapport ci-dessous
¿Entonces lo de “ ¡Chist!” va dedicado a todos los periodistas que puedan quejarse del grandes éxitos?
Rabinovich : Jajajá, puede ser uno de los tantos significados. Se le ocurrió a Jorge (Maronna) como una broma que mezcla lo de silencio hospital y lo de a callarse con chiste: falta la e para completar esa palabrita. Marcos, hace cinco años me dijiste que el 90 % de la gente no conocía a Les Luthiers y que vos no lo considerabas un grupo popular.
Rabinovich : Yo no comparto lo que dijo él.
¿Qué no compartís?
Rabinovich : Ni eso ni nada ( risas ).
Clarín
- Alors ¡Chist!, vous le dédiez à tous les journalistes qui pourraient s'agacer des beaux succès ?
Rabinovich : Tiens, tiens, tiens ! c'est peut-être bien l'un des sens. C'est une idée qui est venue à Jorge (Maronna) comme une blague qui mélange le chut de Silence, Hôpital ! à "on la boucle" avec une blague : il manque le e pour finir le mot (2). Marcos, il y a 5 ans, tu m'as dit que 90% des gens ne connaissaient pas Les Luthiers et que toi, tu ne considérais pas que c'était un groupe populaire.
Rabinovich : moi, je ne suis pas d'accord avec ce qu'il dit, lui !
Avec quoi tu n'es pas d'accord ?
Rabinovich : ni avec ça ni avec rien (rires)
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Mundstock (más serio que Superman): Lo de la popularidad se mide. Es difícil ser objetivo. Cuando yo me subo a un escenario como el de este teatro de Rosario y me aplauden, yo me siento el tipo más popular del mundo, pero después están los números. Una temporada nuestra equivale a una sola noche de Marcelo Tinelli.
Rabinovich: ¡Muchísimo menos!
Mundstock : No hay misterio. Lo nuestro es una cosa más fina, más artesanal, y para una clientela más exclusiva. Tampoco somos desconocidos. Hay un humor más cerrado que el nuestro que sería el humor literario, donde se festejan entre el escritor y sus diez amigos. Creo que esto es lo que te quise decir.
Clarín
Mundstock (sérieux comme un pape) : L'histoire de la popularité, ça se mesure. C'est difficile d'être objectif. Quand je monte sur scène, moi, comme dans ce théâtre de Rosario, et qu'on m'applaudit, je me sens le type le plus populaire du monde, mais après il y a les chiffres. Une de nos saisons, c'est pareil qu'une seule nuit pour Marcelo Tinelli (3)
Rabinovich : Beaucoup, beaucoup moins !
Mundstock : Il n'y a pas de secret. Ce qu'on fait nous, c'est quelque chose de plus élégant, de plus artisanal, et pour une clientèle plus choisie. Nous ne sommes pas non plus de inconnus. Il y a un humour plus hermétique que le nôtre, ce serait l'humour littéraire, celui de l'écrivain au milieu de ses dix potes. Je crois que c'est ça ce que j'ai voulu dire.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Rabinovich: El tipo que compra una entrada para Les Luthiers, un altísimo porcentaje digo, seguro que nos ha visto y cuando sepan que se trata de una antología, seguro que la mayoría ha visto todo.
Mundstock : Disculpame, no estoy de acuerdo.
Puccio : Si vos vas a ver al San Martín una obra de Tennessee Williams no entrás un rato antes a Internet para ver de qué se trata. No vas a estar revisando otras versiones, ¡al contrario!: decís qué lindo, ¡voy a ver la obra! y tratás de no acordarte de qué se trataba.
Rabinovich : Yo estudié este espectáculo en YouTube, como me aconsejaron todos ustedes. Pinché en la compu y veía: 1.656.898 visitas, 797.300 visitas...
Clarín
Rabinovich : Le type qui prend une entrée pour Les Luthiers, je veux dire un très grand pourcentage, c'est sûr qu'il nous a vus et pour peu qu'on sache qu'il s'agit d'un best-off, et tu es sûr que la majorité a déjà tout vu.
Mundstock : Excuse-moi, mais je ne suis pas d'accord.
Puccio : Quand toi tu vas voir au San Martín une oeuvre de Tennessee Williams, tu ne te mets pas à Internet juste avant pour voir de quoi il s'agit. Tu vas pas te mettre à revoir d'autres moutures. Au contraire ! Tu dis : chouette, je vais voir l'oeuvre. Et tu essayes de ne pas te souvenir de quoi ça parle.
Rabinovich : Moi, j'ai étudié ce spectacle sur You Tube, comme vous me l'avez tous conseillé. J'ai appuyé sur l'ordi et j'ai vu : 1 656 898 visites, 797 300 visites...
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Pour le reste, allez directement lire la suite ou la totalité de l'interview sur le site de Clarín et puis dépêchez-vous d'aller ajouter votre visite perso sur You Tube. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps... (4)
Ajout du dimanche 5 juin 2011 :
Ce matin, 5 juin, Página/12 fait du groupe le sujet de la première page de son cahier culturel quotidien et leur consacre un long article interview. Une lecture à savourer...
(1) Le journaliste vient de leur parler de la longévité de leur groupe (une cinquantaine d'années ensemble, en Argentine et dans tout le monde hispanophone) et de la bonne entente qui règne entre eux.
(2) Série de jeux de mots à peu près intraduisibles. Chist, c'est chut en Argentine. Et chiste, c'est une blague, une bien bonne...
(3) Marcelo Tinelli est un présentateur de télé et de radio très populaire. Une sorte de Guy Lux mâtiné de PPDA et d'Eugène Saccomano, pour ne prendre des exemples qu'à la télévision française.
(4) Pour les disques et DVD de Les Luthiers, ils sont disponibles sur la boutique en ligne de Zivals, Tangostore, dont vous avez le lien en permanence dans la rubrique Les commerçants del Barrio de Tango, dans la partie inférieure de la Colonne de droite.