jeudi 24 décembre 2009

Démission d’Abel Posse [Actu]

Une de Página/12 avec un "léger" montage à partir de la photo de la prestation de serment du nouveau et ex-ministre

Après dix jours d’une contestation forte et ininterrompue d’une large partie de l’opinion publique, opposition politique, syndicats, ONG des droits de l’homme, dirigeants et travailleurs de nombreuses institutions culturelles municipales, artistes et notamment les écrivains invités de la Nuit des Librairies de samedi à dimanche dernier, Abel Posse (à gauche sur la photo, comme vous pouvez le deviner grâce au ressort sur lequel il est monté), tout récent ministre de l’Education du Gouvernement de la Ville autonome de Buenos Aires, a finalement démissionné, malgré le soutien affiché de Mauricio Macri (à droite sur la photo), qui, pour lui sauver la mise, était même allé il y a quelques jours, depuis Copenhague, jusqu’à prétendre que jamais Abel Posse n’avait travaillé pour la Dictature Militaire, sous laquelle il a pourtant occupé plusieurs postes diplomatiques.
Les lecteurs de Barrio de Tango se souviennent qu’il y a quelques jours, la nomination de cet intellectuel, très fidèle au vocabulaire et à la vision politique de la Junte, avait publié dans le journal La Nación, dont il était un chroniqueur régulier jusqu’à sa nomination ministérielle, un papier incendiaire contre l’action du Gouvernement national argentin, accusé d’être "infecté" par un "virus trotskoléniniste", et contre les syndicats d’enseignants. Propos qu’il avait réitérés dans une interview au quotidien de gauche Página/12 le lendemain de sa prestation de serment en l’aggravant encore sur le plan culturel, puisqu’il s’en prenait en plus ce jour-là au tango et au rcok nacional, deux expressions artistiques du peuple argentin et singulièrement du peuple de Buenos Aires. Propos qu’il a tenu à maintenir lors de la conférence de presse de démission. L’une de ses premières décisions avait été, au début de cette semaine, de confier à la police de Buenos Aires le soin de former les enseignants à la lutte contre l’usage de drogue dans les établissements scolaires. Ce qui lui avait valu une nouvelle levée de boucliers (lesquels n’avaient jamais été baissés d’ailleurs) de la part des enseignants et des gens de culture qui préconisent une politique de prévention et une information des élèves plutôt que des mesures de répression, dont on sait qu’elles sont très peu efficaces et qu’elles coûtent très cher à la société (force de police, arrestation, emprisonnement, procès...).

Cette démission, intervenue dans la soirée d’avant-hier, est donc une grande victoire pour l’opposition à Macri, après l’obtention de la démission de Daniel Pastor, un avocat lui aussi soupçonné de sympathie (voire plus) avec l’idéologie de la junte, et placé par le chef du Gouvernement portègne à la tête de l’Ecole de Police de la Ville de Buenos Aires qu’il n’a jamais pu diriger réellement. Tous les militants de la démocratie, dans un pays qui a vécu une cinquantaine d’années de suite, de 1930 à 1983, sous divers régimes autoritaires ou dictatoriaux, ont donc poussé un immense soupir de soulagement hier et aujourd’hui.

Il y a quelques jours, la nouvelle Legislatura s’est mise en place, celle issue des élections du 28 juin 2009 et là encore, l’ensemble des formations d’opposition a tenu tête aux partisans de Mauricio Macri, qui ne sont pas parvenus à obtenir les présidences de commission qu’ils convoitaient (les députés PRO n’ont pas la majorité à la chambre des députés ou Legislatura de la Ville).

En remplacement d’Abel Posse, Mauricio Macri a nommé Esteban Bullrich, un député national du PRO, un homme qui, selon les uns, aurait refusé ce même poste lorsque Macri le lui a offert il y a quelques semaines et, selon les autres, avait été écarté du poste au profit de Posse. Le nouveau ministre ne pourra prendre ses fonctions qu’après en avoir obtenu l’autorisation de la Chambre des Députés au Congrès.

En attendant, la rage qu’exprime Abel Posse à l’heure de démissionner, en se qualifiant lui-même d’"intellectuel indépendant", en rejetant la faute sur les autres, en traitant de lâches les élus de droite dont il attendait le soutien indéfectible (mais même certains d’entre eux se sont désolidarisés de lui), en accusant le Gouvernement national d’avoir monté contre lui, notamment à travers le Sénateur Daniel Filmus, ancien Ministre de l’Education nationale, une campagne de calomnie et en suggérant qu’il s’en va parce qu’il a peur d’être assassiné dans les semaines à venir, tout comme la mauvaise foi du premier ministre portègne, qui maintient que le choix de Posse n’était pas une erreur politique mais bien un acte de courage de la part du Gouvernement, tout cela fait bien rigoler l’opposition, comme en témoigne l’édition de Página/12 aujourd’hui, sans gagner le soutien de La Nación, qui tient des propos prudents et distanciés sur son ancien chroniqueur, devenu depuis un bien éphémère ministre.

Pour aller plus loin :
Lire l’article d’hier de Página/12
Lire l’article de Página/12 sur la signification politique de cette démission pour Macri
Lire l'article de Pagina/12 sur la lettre de démission
Lire l’article de Clarín sur la démission dans l’édition datée du 22 décembre
Lire l’article de Clarín dans l’édition d’hier au sujet de la lettre de démission
Lire l’article de La Nación sur le démission dans l’édition d’hier
Lire l’article de La Nación sur le soutien apporté par le Gouvernement de Macri au ministre démissionnaire
Lire l’article de La Nación dans l’édition d’aujourd’hui
Lire l’article de Crítica de la Argentina d’aujourd’hui qui s’accompagne aussi d’un document audio de Posse après sa démission.
A noter que vous trouverez le texte intégral de la lettre de démission en format pdf sur le site de Página/12 (édition du 24 décembre) et sur celui de Crítica de la Argentina (édition du 24 décembre). Vous trouverez les sites de ces deux quotidiens publiés à Buenos Aires soit à travers les liens ci-dessus soit dans la rubrique Actu, dans la partie basse de la Colonne de droite.