samedi 26 décembre 2009

Recherches ADN pour les enfants adoptifs de la patronne de Clarín [Actu]

Ernestina Herrera de Noble, veuve de Roberto Noble, et propriétaire du quotidien Clarín et du groupe de presse homonyme depuis la mort de son époux il y a de nombreuses années, a adopté en 1976, les 13 mai et 7 juillet, deux enfants, une fille, Marcela, et un garçon, Felipe. Dans les deux cas, les géniteurs sont inconnus et dans les deux cas, il y a des irrégularités flagrantes dans la procédure judiciaire d'adoption.
Pour Marcela, c'est un témoin à l'audience qui a nié, en 2001, avoir jamais exercé les fonctions qu'il était censé exercer au moment de la procédure et l'autre témoin qui s'avère n'avoir jamais habité l'adresse figurant au dossier.
Pour Felipe, c'est l'absence de toute investigation sur l'identité de la mère biologique supposée, Carmen Luisa Delta, qui pose problème (normalement, en cas d'abandon d'un enfant en vue de son adoption par un tiers, la justice aurait dû ordonner et mener une enquête sur les causes de l'abandon par la mère naturelle). Or non seulement il n'y a pas trace au dossier de cette enquête préalable, pourtant obligatoire, mais il semblerait, en outre, d'après des recherches menées par l'association Abuelas de Plaza de Mayo, que Carmen Luis Delta n'ait jamais existé.
Par conséquent, étant donné la date où les deux bébés ont été trouvés et adoptés, un doute sérieux plane sur leur identité de naissance. Ils se peut qu'ils soient des enfants volés à des opposants à la Dictature militaire de 1976-1983. Il existe 22 familles dont il n'est pas invraisemblable qu'ils soient issus.
Une chambre de justice du Gran Buenos Aires vient donc d'ordonner la réalisation de tests ADN immédiats concernant les deux jeunes gens et un juge a été nommé pour s'en occuper sans discontinuer, comme le réclamait, depuis un an et demi, l'avocat de Abuelas.
Du côté de l'ONG et vu la complexité du dossier et la fortune de la mère adoptive, qui n'a jamais été très coopérative sur cette affaire, on craint des tentatives d'entrave ou d'obstruction de la part de la famille, comme la substitution de matériel génétique de domestiques à ceux de Marcela et Felipe au moment où seront opérées les saisies (brosses à cheveux, brosses à dents, vêtements) au domicile des intéressés.
S'il s'avérait que ces deux personnes, Felipe et Marcela, sont bien apparentées à l'une ou l'autre des familles qui recherchent des enfants disparus (1), Madame Herrera de Noble risque des poursuites judiciaires susceptibles d'entraîner son arrestation et sa mise sous écrou, puisqu'elle serait alors suspecte d'être une apropiadora (une voleuse d'enfants). Lorsque la loi sur la collecte de matériel génétique en vue de rechercher l'identité des personnes a été votée il y a quelques semaines (voir mon article du 19 novembre 2009), une partie des adversaires de cette réforme judiciaire avait argué qu'elle n'avait qu'un seul but, nuire à Madame Herrera, et qu'à travers elle, ce qui était visé, c'était en fait le très puissant groupe Clarín, qu'une récente loi sur les médias oblige à se défaire de plusieurs de ses actifs pour ne pas tomber sur le coup de la nouvelle législation, pour concentration de presse abusive. Une théorie du complot qui pourrait reprendre du poil de la bête, après l'humiliante défaite que le parti des dinosaures (2) vient d'essuyer avec la démission hyper-rapide (et qui manque singulièrement de panache) d'Abel Posse, éphémère ministre de l'Education du Gouvernement portègne (voir mon article sur cette démission intervenue le 22 décembre).

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 d'aujourd'hui
Pour aller plus loin :
tous les articles de Barrio de Tango portant sur les questions relatives aux droits de l'homme sont rassemblés sous le mot clé JDH dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, en haut, sous le titre, ou sous l'intitulé Justice et droits de l'homme dans la Colonne de droite (partie supérieure).

(1) De toute manière, la mauvaise volonté de Ernestina Herrera à coopérer avec la justice de son pays sur cette affaire peut avoir une cause sans aucun rapport avec la Dictature et ses sbires.
(2) les militants démocrates argentins appellent dinosaurios les thuriféraires de la Dictature militaire de 1976-1983. Or Abel Posse en fait partie et les adversaires du changement de loi sur la collecte du matériel ADN aussi, eux qui avaient trouvé, à l'appui de leurs thèses presque révisionnistes, l'étrange soutien d'une personnalité politique au comportement de plus en plus erratique et capricieux, Elisa Carrió, ex-candidate malheureuse à la présidence de la République et leader d'une Coalición Cívica mourante, puisque toutes ses composantes s'en détachent les unes derrière les autres depuis presque un an (lire
mon article sur la querelle faite par Elisa Carrió à Abuelas en novembre de cette année).