Le nouveau ministre de l'Education du gouvernement de la Ville de Buenos Aires, Abel Posse, maintient les idées qu'il avait abordées dans un article de La Nación et où il tenait un discours très hostile au gouvernement argentin actuel (péroniste) et très indulgent pour les pratiques et l'héritage de la Junte au pouvoir entre 1976 et 1983, régime inconstitutionnel auquel il a prêté son concours comme diplomate (voir mon article du 11 décembre 2009).
Dans un interview accordée aujourd'hui au quotidien de gauche, Página/12, très hostile au gouvernement de la ville de Buenos Aires, il défend l'idée d'une amnistie (1) en faveur des accusés et condamnés au titre des divers crimes politiques commis pendant la Dictature (enlèvements, arrestations arbitraires, tortures, disparitions d'opposants, c'est-à-dire assassinats, vols de leurs enfants et dissimulation de l'identité familiale de ces derniers), il met en doute le nombre des victimes des disparitions, un peu comme chez nous les négationnistes par rapport au massacre des juifs par le régime nazi, et il s'en prend à nouveau aux syndicats enseignants, qui sont très actifs dans l'opposition au gouvernement de Macri. Il s'en prend aussi à diverses formes artistiques, dont le rock qu'il méprise ouvertement. A lire cette incise dans l'interview principale, il est plus que probable qu'il met le tango dans le même sac (le tango qui est une expression de contestation sociale et politique très nette, comme le montre différentes conférences dont j'ai déjà parlé dans ce blog, et récemment dans un article sur une conférence de Walter Piazza, de la Academia Nacional del Tango).
Avoir cette opinion sur le tango et sur le rock est son droit, à titre individuel. Qu'il l'exprime en sa qualité de ministre et de ministre d'une ville qui est le berceau du tango (comme du rock argentin) revêt une tout autre valeur. Et dans tous les cas de figure, de telles prises de position montrent clairement son caractère sectaire, fermé et peu en prise avec la sensibilité de la jeunesse portègne actuelle, lui qui prend pourtant les rênes d'un ministère qui intéresse la jeunesse au premier chef...
Et le plus drôle, vu d'Europe (vu d'Argentine, je doute que ce soit vraiment drôle), c'est qu'il se déclare contre les fast-food, ce qui est plutôt un signe d'intelligence, au moins diététique, et nous le rendrait presque sympathique, pour peu que nous n'ayons pas beaucoup de mémoire. Mais le Ministre l'a assuré, il ne va pas pour autant fermer les Mac Donald. Encore heureux mais c'est une grosse blague ! Comment un thuriféraire d'une Dictature militaire, mise en place en sous-main par la CIA en 1976, pourrait-il menacer aujourd'hui les intérêts économiques de l'Oncle Sam ?
L'énorme Mac Do, qui défigure l'un des angles de l'esquina Corrientes y 9 de Julio, peut faire son chiffre d'affaires en toute tranquillité : il a pris la place du Café el Nacional (où Osvaldo Pugliese a fondé son grand orchestre en 1939) et le Café El Nacional n'est pas prêt de ressusciter...
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 de ce jour
lire l'article sur le rock et le tango
Lire l'analyse de Página/12 sur la stratégie de provocation délibérée poursuivie par Mauricio Macri à la tête du gouvernement portègne.
lire l'article de Página/12 de ce jour
lire l'article sur le rock et le tango
Lire l'analyse de Página/12 sur la stratégie de provocation délibérée poursuivie par Mauricio Macri à la tête du gouvernement portègne.
(1) Il a déjà existé une loi d'amnistie, dans les toutes premières années du retour à la Démocratie, sous le mandat présidentiel du défunt Raúl Alfonsín, parce qu'il n'était pas possible à l'Etat de se priver de ses piliers que sont l'Armée, le corps des magistrats, la police... Cette loi d'amnistie a été rapportée depuis et le gouvernement actuel, présidée par une ancienne avocate, Cristina Fernández de Kirchner, est le premier gouvernement argentin à faciliter la tenue des procès, dont récemment ceux du dernier dictateur, l'ex-général Bignone, et pas plus tard que le jour même de la prestation de serment du nouveau ministre portègne, d'une brochette de tortionnaires, dont l'ex-capitaine Astiz de sinistre réputation, déjà condamné par coutumace dans plusieurs pays d'Europe dont il a assassiné divers ressortissants, parmi lesquels deux religieuses françaises.