samedi 15 novembre 2008

Noche de los Museos : idiosyncrasies argentines [à l’affiche]

La Noche de los Museos (nuit des musées) est une nocturne spéciale au cours de laquelle la quasi-totalité des 135 musées qu’on dénombre à Buenos Aires ouvriront leurs portes au public, gratuitement, le 15 novembre à partir de 19h et au moins jusqu’à minuit et pour beaucoup d’entre eux bien plus tard encore.

Evita
Au Museo Evita, Lafinur 2988 : trois expositions. L’exposition permanente sur la vie de María Eva Duarte de Perón, décédée à 32 ans en 1952 d’un cancer de l’utérus et grande égérie du féminisme et des luttes sociales en Argentine. Une exposition intitulée Iglesias Brickles y una mirada particular sobre Eva Perón (Iglesias Brickles et son regard particulier sur Eva Perón) présente des gravures et des peintures sur bois. La troisième exposition s’appelle 60 años de la Fundación Eva Perón, cette fondation qui permit de construire foyers, hôpitaux, dispensaires, jardins d'enfants etc...
Il est prévu des visites guidées du musée toutes les 90 minutes, deux concerts, un spectacle de théâtre et deux projections cinématographiques : La Cabalgata del Circo, avec Libertad Lamarque, chanteuse et actrice mexicano-argentine, Hugo del Carril, chanteur et compositeur de tango mais aussi acteur et réalisateur de cinéma (politiquement fort engagé dans le mouvement péroniste) et... María Eva Duarte bien sûr. Evita était actrice, comédienne de radio et de cabaret avant de se marier avec Perón. C’est d’ailleurs comme comédienne très populaire à la radio qu’elle le rencontra en 1943, au Luna Park, dans une soirée de bienfaisance au bénéfice des victimes d’un tremblement de terre. Il représentait le Gouvernement de fait issu du coup d'Etat de juin 43 comme Secretario del Trabajo (le Secrétaire d'Etat au Travail, un portefeuille ministériel créé pour lui et qu'il a si fortemetn marqué de son empreinte). La Cabalgata del Circo passera à 20h. A 1h du matin, on projettera La Pródiga, un autre long métrage dont Eva Duarte était l’unique vedette.

Inmigración
Au Museo Conventillo histórico El Rincón de Lucía à La Boca (Del Valle Iberlucea 1196). Installé dans un conventillo typique de la Boca, construit en 1876, au tout début de la grande vague migratoire qui culminera dans les années 1880, ce musée retrace l'histoire de l'immigration dans le quartier portuaire de La Boca (qui occupe l'angle entre le Riachuelo qui ceinture Buenos Aires au sud et le Río de la Plata, qui délimite la ville à l'est, à l'embouchure du premier dans le second).
Toutes les 30 minutes, parcours guidé à travers cette histoire.
A 21h, une conférence-débat sur Immigration et tango à la Boca, par Norberto Pagano et Carlos Monzani.
Au Museo judío de Buenos Aires Dr. Salvador Kibrick, sur la plaza Lavalle (Libertad 769) et à la Grande Synagogue (juste à côté) : visite guidée, parcours de présentation de la Torah, de ses origines et de son contenu (1) et de la musique liturgique en continu depuis 21h30 jusqu'à minuit et demi à la Grande Synagogue (appelée Templo Mayor). L'immigration juive, principalement en provenance des pays de l'est de l'Europe (Empire russe, Pologne, pays baltes) a joué un rôle très important dans la genèse du tango. La musique ashkenaze avait elle aussi la caractéristique d'être celle d'un peuple opprimé et sans droit à la parole. Le violon tanguero doit beaucoup au violoneux des fêtes juives du yiddishland.

La mala vida
Autre importante source artistique du tango naissant dans les années 1880 : les voyous et autres petits voleurs vivant d'expédients dans une ville où la vie était encore plus difficile qu'aujourd'hui.
Au Museo Penitenciario Argentino Antonio Ballvé, Humberto Primero 378 (dans le quartier de San Telmo) : deux expositions, l'une, permanente, composée d'objets provenant des différents ateliers pénitentiaires du pays et fabriqués par les détenus et les bagnards au long des décennies, archives photographiques, modèles réduits permettant de prendre conscience de ce qu'a été le monde carcéral de la jeune Argentine et la nature de la répression pénale qui s'y exerçait, l'autre consacrée à l'oeuvre réalisée par les différentes congrégations religieuses en faveur des condamnés et de leur réinsertion sociale pour autant que cela était possible (Compagnie de Jésus entre 1734 et 1767, après quoi les Jésuites ont été expulsés des terres du Roi d'Espagne parce que leur travail s'avérait par trop subversif pour le système colonial en place dans toute l'Amérique Latine, les Bethlémitaines entre 1795 et 1821 et la congrégation Notre-Dame de la Charité du Bon Pasteur qui oeuvra de 1890 à 1974).
Cette seconde exposition, intitulé Y pasaron haciendo el bien (et ils passèrent en faisant le bien), est accompagnée d'une conférence de Gustavo Gonçalves.
Le tango sera présent, avec le jazz et la marche (musique de carnaval et de fête) à travers un concert de la Fanfare de l'Ecole Pénitentiaire à 22h puis, en plein air, dans la cour de ce qui fut la prison de San Telmo, à 23h30 il y aura un show de tango (musique et danse) s'il ne pleut pas.
A 20h, dans cette même cours, un spectacle de danse folklorique sera proposé sur une idée du Professeur Dario Abranovich (quand je parlais d'apports culturels en provenance du Yiddishland !).

Au Museo de la Policía Federal Argentina, San Martin 353 (quartier de San Nicolás), l'exposition permanente est ouverte et des visites guidées thématiques sont proposées :
20h : Uniforme, armes et contrôles des bonnes moeurs entre 1821 et 1900
22h : Délits et crimes au 20ème siècle (1900 à 1980) : crime de sang, proto-histoire de l'usage de drogues à Buenos Aires, vol, escroquerie et racket en tout genre
Minuit : Policiers de roman et de laboratoire : de la fiction à la police scientifique, criminologie dans la littérature policière avec la présence d'écrivains du roman noir invités.
C'est dans ce milieu hors la loi qu'est né le lunfardo, ce parler populaire dont le tango se nourrit depuis qu'un Pascual Contursi lui a donné sa toute première dimension poétique. C'est aussi le milieu d'où ont jailli les premiers lieux de tango : cabarets, bordels et autres tripots clandestins où s'est épanouie une vie nocturne qui devint très vite aussi une vie artistique d'une rare richesse. Aujourd'hui le monde culturel de la nuit s'est tout à fait séparé du milieu et des malfrats et ce depuis la fin des années 50 mais un Carlos Gardel l'a côtoyé toute sa vie et de nombreux et très grands musiciens ont été employés par des patrons de cabarets qui n'étaient pas des enfants de choeur !

Du côté institutionnel
Museo Casa Rosada, Hipólito Yrigoyen 219 (tout près de la Plaza de Mayo, bien sûr). Au milieu des souvenirs des présidents de la République et des grandes gloires militaires de la Nation, le Musée de la Résidence officielle propose à 19h30 un concert de musique traditionnelle... japonaise (Choeur de l'Association universitaire Nikkei), à 21h30 un concert de musique classique et de musique populaire et ) 21h30 puis à 23j30 un spectacle de tango.

A la Legislatura de la Ciudad de Buenos Aires (Parlement de la Ville autonome) : plein, plein, plein de concerts de toutes sortes de musique dont je retiens ici le cours de tango qui sera donné à 21h et le concert de tango que donnera en soliste le bandonéoniste Julio Coviello.

Et en plus
Au Museo Argentino del Titere (musée argentin de la marionnette), toute une nuit avec la grande manipulatrice argentine Sarah Bianchi avec tout plein de spectacles de marionnettes à fils, à gaine et à doigts, avec à 23h et à 1h du matin un tour de chant de Lucrecia Merico avec les pantins de Sarah Bianchi (voir à ce sujet mon article sur Lucrecia du 17 octobre dernier).

(1) Torah (dénomination hébreue) ou Pentateuque (dénomination grecque) : les 5 premiers livres de la Bible, à savoir la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome.