Lundi prochain, à 19h30, au Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, au Museo Mundial del Tango, siège de la Academia Nacional del Tango (avenida de Mayo 833), aura lieu un Plenario consacré à un double hommage à Pascual Contursi et à Francisco Canaro, tous deux nés en novembre 1888, le premier le 18, le second le 26, deux grands maîtres auxquels le tango doit beaucoup de ce qu'il est aujourd'hui.
Pascual Contursi (18 novembre 1888 - 29 mai 1932) est le père du tango-canción, dont on fixe symboliquement l'apparition à l'année 1916 quand il écrivit le texte de Mi noche triste sur une partition instrumentale de Samuel Castriota et sans la permission de celui-ci. Pascual Contursi était alors un chanteur a la gorra, qui gagnait difficilement sa vie en chantant dans les cafés, à Buenos Aires et à Montevideo. Il n'en était pas à son premier coup du genre. Mais cette fois-ci, le compositeur était vraiment en colère et ne le lâchait rien. Alors Pascual Contursi eut l'idée de proposer sa chanson à un chanteur de musique campera qui remportait un très beau succès dans un restaurant à la mode du bois de Palermo, l'Armenonville. Le chanteur en question mit Mi noche triste à son répertoire. C'était la première fois qu'il chantait un tango (il s'en était gardé jusque là parce que les textes de tango, à l'époque, ne volaient pas haut). Ce fut un succès et ce succès décida de la carrière du chanteur de l'Armenonville et consacra Pascual Contursi comme letrista au point qu'il abandonna rapidement la carrière de chanteur pour celle d'écrivain de chansons, de revue et de saynete (un théâtre populaire très fécond alors à Buenos Aires et qui disparut dans les années 30). Mi noche triste fut enregistrée pour la première fois en 1917, par ce même chanteur qui venait de sauver la mise à Contursi et qui lui porterait secours encore plus tard, en 1932, lorsqu'à Paris, il fallut le rapatrier d'urgence parce que le poète montrait les premiers signes de la maladie qui allait l'emporter. C'est cet enregistrement qui sera l'un des deux tangos rituels de lundi soir.
De son côté, Francisco Canaro (26 novembre 1888 - 14 décembre 1964) est le premier musicien à avoir donné au tango une dimension de musique de masse. Il dirigeait des orchestres de taille gigantesque pour l'époque (32 musiciens), jouait dans des lieux immenses. Il fut une sorte de Robert Hossein du tango des années 20 à 40. Touche à tout, il a composé, écrit, dirigé, fait du cinéma, fait travailler quasiment tous les artistes de tango de son époque, fondé la Société des Auteurs-Compositeurs Argentins (la SADAIC), monté des tournées, servi d'intermédiaire pour les frères Lombard.... On n'a pas encore terminé l'inventaire complet de ses enregistrements (on les estime à plusieurs milliers de morceaux !). Francisco Canaro souffre d'une horrible réputation d'Harpagon, qu'il semble bien n'avoir pas méritée, les anecdotes sur sa générosité étant nombreuses mais peu médiatisées, et sa vie privée, celle d'un mari volage, jette une ombre sur sa mémoire. Aussi il faut visiter au minuscule et surencombré musée de la SADAIC pour constater l'affection et l'admiration que ses successeurs, compositeurs, lui conservent.
L'Academia marquera ce double anniversaire avec deux tangos rituels (ce qui est tout à fait inhabituel), Mi noche triste, de Samuel Castriota et Pascual Contursi, chanté par Carlos Gardel (vous l'aviez reconnu ?) et De vuelta al bulín (de retour dans ma piaule), de José Martínez et Pascual Contursi chanté par Raúl Berón, avec l'orchestre de Aníbal Troilo, d'une part, et une conférence du Président (2) intitulée Francisco Canaro, précurseur et acteur central du Tango 120 ans après sa naissance (3), d'autre part. Gabriel Soria, le vice-président, assistera pour l'occasion le Maestro Ferrer.
La partie artistique de la soirée sera en effet consacrée à la projection d'extraits de films dans lesquels a joué Francisco Canaro, et les rétrospectives cinématographiques, Gabriel Soria, Directeur et fondateur du Museo Mundial del Tango, fait ça (et pas que ça) à la perfection...
Ce Plenario sera aussi le cadre d'une remise de titre à deux Académicos, Silvio Soldán, reçu Académico Emérito, et Marcelo Oliveri, qui sera reçu Académico Titular.
(1) campera : de la campagne (campo), rural, des champs.
(2) Horacio Ferrer, of course !
(3) "Francisco Canaro, precursor y protagonista del Tango a 120 años de su natalicio".