Le Maestro Horacio Ferrer est en Espagne pour une présentation du disque des 40 ans de la création de María de Buenos Aires, la version enregistrée au printemps à Grenade par Versus Ensemble. C'est Enrique Moratalla qui a signé les arrangements d'un choix d'oeuvres du duo Piazzolla-Ferrer. Ce chanteur flamenco grenadin a osé remplacer le bandonéon d'Astor Piazzolla par un saxophone (ou plutôt par deux, un soprano et un alto). En cela, il est très fidèle à l'esprit même du compositeur-bandonéoniste qui osait les plus violents sacrilèges, sacrilèges qui furent le plus souvent fort heureux. Dans cette Suite María de Buenos Aires édité sous le label de Naxos, la substitution donne un effet splendide.
Dans le récital comme dans l'enregistrement, Horacio Ferrer tient son rôle du Duende, rôle qu'il tenait à la création en mai 1968 et personnage qui lui valut ce surnom dont Piazzolla le baptisa et dont je crois qu'il l'aime bien... El Duende sort tout juste d'une série de représentations de cette même pièce, mais sous la forme intégral d'un spectacle complet avec chorégraphie et mise en scène qui s'est achevée le 26 octobre. C'était au Teatro Cervantes de Buenos Aires avec une autre distribution dans les autres rôles.
Dans le récital actuel, le rôle du Cantor (qui prend en charge plusieurs personnages, puisque l'intrigue nous conduit de la Buenos Aires des années 1880 qui virent naître le tango jusqu'à l'orée des années 1970 contemporaines de l'écriture) est tenu par Enrique Moratella.
Le rôle de María, jeune fille déchue que la mort transfigure et transforme en l'âme immortelle de la ville de Buenos Aires, est tenu par la soprano lyrique espagnole María Joly-Rey.
Le récital se compose de plusieurs instrumentaux d'Astor Piazzolla (Milonga del Angel, Verano Porteño, Libertango et Oblivión), les deux grands cantables devenus des classiques du genre (Balada para un loco et Chiquilín de Bachín), chantés par Moratalla, et cinq extraits de María de Buenos Aires dont le célébrissime Yo soy María.
La troupe composée du groupe Versus Ensemble, Enrique Moratalla, María Joly-Rey et Horacio Ferrer sera à Barcelone mardi soir, 4 novembre, à 21h, Sala Luz de Gaz, rue Muntaner 246 (entrée : 22 €) puis à Madrid, jeudi soir, 6 novembre à 21h, au Circulo de Bellas Artes, 2 rue Marqués de Casa Riera (entrée 17 € pour les adhérents et 20 pour le public général).
Le Circulo de Bellas Artes fait du récital un hommage à Astor Piazzolla.
Horacio Ferrer et Enrique Moratalla, grand connaisseur du tango qui évite magnifiquement le piège d'imiter les Portègnes, se sont connus et appréciés il y a plusieurs années au Festival de Tango de Granada, qui a fêté au printemps dernier sa 20ème édition. Le Maestro s'y rend tous les ans. Dans le vestibule de l'Academia Nacional du Tango, à Buenos Aires, figure en bonne place une grande affiche d'une ancienne édition de ce festival qui fut le tout premier consacré au Tango hors du continent sud-américain.
Dans son supplément culturel du samedi Babelia, le quotidien madrilène El Pais consacrait hier un article à l'événement avec une assez longue interview d'Horacio Ferrer où il revient sur la génèse de cette operita et sur son partenariat artistique avec Astor Piazzolla.