jeudi 8 avril 2010

Optimisme de rigueur à l’INDEC [Actu]

D’après l’institut des statistiques national argentin, l’INDEC, la pauvreté est en régression constante dans le pays. Au 4ème trimestre 2009, les hausses de salaire auraient profité aux ménages à revenus bas et moyens et contribué à faire baisser les différences entre riches et pauvres. Le coefficient GINI qui mesure cette différence par foyer est passé de 0,414 à la fin 2008 à 0,409 à la fin 2009, 1 étant la valeur conventionnelle attribuée au plus bas niveau de revenu et 0 celle attribuée au plus haut niveau.

On attend l’enquête portant sur le 1er trimestre de cette année pour savoir si la création récente d’une allocation familiale universelle, distribuée aussi aux chômeurs et aux travailleurs au noir, aura une influence ou non et si oui, à quelle hauteur elle portera (voir mon article du 26 novembre 2009 sur cette nouvelle disposition sociale).

Bien entendu, comme toutes les enquêtes de niveau de vie de l’INDEC, celle-ci est prise avec des pincettes par de très nombreux commentateurs : d’ordinaire, l’INDEC est soupçonné de fournir des chiffres faux, confectionnés pour cautionner la politique menée par le Gouvernement.

Ainsi, si vous passez en revue la presse, vous pouvez aller d’un article qui reprend en les commentant les données de l’INDEC comme dans Página/12, très optimiste, à un article de Clarín beaucoup plus circonspect, qui commence par "Si l’on accepte les données qu’élabore sur la réalité le controversé Institut..." et finir sur un article de La Nación qui conteste tout simplement la sincérité des données publiées. D’après La Nación, le nombre de pauvres qu’avance l’INDEC, 5,2 millions de personnes, est ridiculement bas. L’INDEC aurait tout simplement oublié de comptabiliser 7,7 millions de personnes. Rien que ça.

Autant Página/12 reste prudent et dans l'expectative sur les effets de la nouvelle allocation familiale, autant La Nación affirme d'emblée qu’elle n’a apporté aucune amélioration réelle.

De son côté et à peu près en même temps, Clarín consacre un petit dossier à un élément de vie quotidienne dans la Province de Buenos Aires (gouvernée à gauche, par le péroniste Daniel Scioli, l'ancien Vice Président de Néstor Kirchner) : la Province a relevé à 3 pesos par repas (comida ou almuerzo) la subvention versées aux cantines scolaires. L’ancienne allocation était de 2 pesos.

En Argentine, l’école publique dispose obligatoirement d’un service de cantine gratuite pour le déjeuner. Y prennent leurs repas uniquement les enfants que leurs parents ne peuvent pas nourrir à midi, ce qui indique, dans l'écrasante majorité des cas, que la famille est pauvre, pour ne pas dire plus. Tous les parents disposant en effet d’un tant soit peu d’aisance font déjeuner leurs enfants à la maison ou chez des voisins qui s’en occupent. La cuisine des cantines scolaires est réputée pour être infecte. Mais pour une grande majorité d’enfants d’âge scolaire, l’école est le seul lieu où ils peuvent vraiment manger à leur faim. Les cantines scolaires offrent donc en plus du déjeuner le petit-déjeuner (desayuno) et le goûter (merienda) à un certain nombre d'écoliers, le goûter étant en Argentine une coutume qui s’étend à tous, y compris aux adultes. Cette coutume existe aussi en Espagne. Et en Angleterre, où elle prend la forme du five o’clock tea...

Dans la Province de Buenos Aires, il y a donc 6 000 écoles publiques qui servent des repas, y compris pendant les vacances scolaires, à quelque 700 000 bambins (de 7 à 14 ans).

Le Ministère du développement social bonaerense a annoncé des chiffres qui nous interpellent, nous, en Europe :
150 000 enfants de la Province sont inscrits dans les écoles sous le régime d’alimentation double, à savoir comida et merienda, pour lesquels la subvention vient de passer de 2,30 $ à 3,5 $ par enfant et par jour et 7 000 sont inscrits en régime d’alimentation complète, à savoir desayuno, comida et merienda, pour lesquels la subvention vient de passer de 2,70 $ à 4 $ par enfant et par jour.

Or d’après les nutritionnistes de l’UBA (Université de Buenos Aires), il est impossible de proposer un repas équilibré répondant aux besoins d’un enfant en pleine croissance pour moins de 5 $. C'est le prix auquel ils évaluent un repas complet qui comprendrait une portion de pâtes, céréales ou légumineuses, deux portions de légumes, une portion de viande (ou d’oeufs ou de poisson), un fruit et un morceau de pain. Aujourd’hui, les menus des cantines scolaires ne proposent pas assez de légumes, ni de fruits, ni de viande ni de produits laitiers (ces derniers étant horriblement chers en Argentine, voir mes articles sur le panier de la ménagère du 10 septembre 2008 et du 17 octobre 2009).

Les résultats de cette diète scolaire, insuffisante et mal équilibrée, se voient sur le tableau clinique des gamins, et surtout des plus pauvres : surpoids, déficiences de calcium et de vitamines A et C. L’alimentation est trop riche en matières grasses saturées et en sucres rapides et manque de sucres lents et de protéines.

Pour aller plus loin :
Lire l’article de Página/12 sur l’enquête INDEC
Lire l’article de Clarín
Lire l’article de La Nación
Sur les cantines scolaires de la Province de Buenos Aires, lire l’article principal de Clarín et les entrefilets associés.

Voir aussi mon article du 27 septembre 2008 sur le menu soja qu'avait inventé le Gouvernement libéral de Buenos Aires pour répliquer à la politique fiscale de la Présidente sur l'exportation du soja produit à grande échelle en Argentine.