Un tribunal fédéral à Buenos Aires vient de rejeter la plainte de marques audio et vidéo pour contrefaçon au titre de la mauvaise qualité de la contrefaçon en question et en déclarant que l'affaire relevait d'un tribunal local et non fédéral (en l'occurence d'un tribunal de la Ville Autonome de Buenos Aires).
L'affaire a commencé en septembre dernier avec l'arrestation d'un de ces innombrables vendeurs de CD et de DVD qui exposent leur marchandise illégale en pleine rue ou dans des paniers qu'ils trimballent dans les voitures du métro. Les 50 CD et DVD contrefaits avaient été mis sous séquestre par la Police et le contrevenant déféré devant les instances juridictionnelles fédérales pour atteinte à la loi fédérale sur les marques.
Or la Chambre vient de déclarer qu'une contrefaçon grossière ne relève pas de cette loi car elle ne porte pas atteinte aux droits des clients qui ne peuvent que savoir qu'ils achètent du faux et non du vrai (ils ne sont pas trompés sur la marchandise) (1) et délaisse totalement l'atteinte à la bonne réputation de la marque elle-même et le préjudice qui lui est fait pour son chiffre d'affaire (toute contrefaçon étant un manque à gagner pour la marque contrefaite). En revanche, et c'est heureux, la Chambre a bien reconnu qu'il y avait dol pour ce qui est des droits des auteurs et des producteurs et qu'à ce titre, l'affaire devait passer devant un tribunal portègne. C'est la deuxième fois qu'un tribunal se prononce dans ce sens dans une affaire de ce type, en refusant de faire bénéficier de la protection de la loi fédérale les marques commerciales contre l'abus d'utilisation de leur nom sous prétexte que la falsification est identifiable au premier regard. Il est vrai que les marques commerciales concernées sont, la plupart du temps, des marques des Etats-Unis. Ceci explique-t-il cela ?
L'année dernière, à Buenos Aires, j'ai vu beaucoup de vendeurs à la sauvette chercher à écouler ainsi, dans les rames de métro, du matériel contrefait. En fait, c'était la première année que j'en voyais et j'en ai vu beaucoup. Je ne sais pas si la marchandise était ou non grossièrement contrefaite parce que je n'ai pas cherché à regarder ce qu'il en était mais c'était à l'évidence de la contrefaçon puisque le bonimenteur se vantait de diffuser des DVD de films nord-américains, en précisant qu'ils n'étaient pas encore sortis en Argentine. En revanche, en Europe, ils venaient de sortir et je savais donc de quoi il parlait pour avoir vu les affiches, de ce côté-ci de l'Atlantique, quelques semaines auparavant. Je n'ai personnellement jamais vu qui que ce soit acheter ces disques et DVD. En revanche, j'ai vu des gens acheter à ce genre de vendeurs-mendiants des stylos multicolores, des barettes à cheveux, des images édifiantes, des sticks à coller sur les pare-brises ou sur le frigo et de minuscules cahiers de coloriage pour des gamins...
Pour aller plus loin sur cet arrêt de justice :
Sur les questions de respect des droits d'auteur, voir aussi mon article du 1er mars 2010 où j'ai traduit un billet d'humeur du chanteur et producteur Litto Nebbia sur les pratiques habituelles (et condamnables) des filiales argentines de majors nord-américaines, c'était un billet paru dans Página/12.
(1) Encore faudrait-il être sûr que tous les consommateurs soient aussi bien informés et aussi capables de discerner le vrai du faux que cet arrêt le suppose. Quand on considère le niveau (très basique) auquel se situent les recommandations grand public des associations de protection des consommateurs en Argentine et dans un pays où l'économie au noir occupe 40% de toute l'activité économique, il est permis d'en douter très fort.