lundi 19 avril 2010

Quand Litto Nebbia célèbre le rock nacional [Disques & Livres]

Une du supplément culturel d'hier.
Cliquez sur l'image pour la télécharger et faites attention au torticoli !

L'auteur compositeur interprète Litto Nebbia (au centre, sous l'espèce du M des graffitis), que les lecteurs de Barrio de Tango connaissent bien désormais (je lui ai consacré de nombreux articles dans ce blog) vient de réaliser l'un de ses rêves les plus fous, lui qui n'est pas avare en la matière : réunir 300 musiciens pour enregistrer 200 morceaux de rock argentin des 10 dernières années. Et ce ne sont pas moins de 9 CD que Melopea vient de sortir, avec un DVD, un livre abondamment illustré et une carte présentant l'arbre généalogique du rock argentin, pack collector impressionnant dont Litto Nebbia, artiste et producteur, dit qu'il s'agit seulement "de la pointe de l'iceberg d'un répertoire de grande valeur".

Parmi les artistes qui ont participé à cette opération : quelques uns des meilleurs représentants du genre, Ricardo Soulé, Emilio Del Guercio, Fito Páez, Rodolfo García, Litto Nebbia lui-même, León Gieco, Silvina Garré et Miguel Cantilo, photographiés dans cet ordre, de bas en haut (ou de gauche à droite) par Pablo Piovano sur cette une renversante du supplément culturel de Página/12 dans son édition d'hier, dimanche 18 avril 2010. Et Cristian Vitale les a rassemblés et les a laissé discuter entre eux. Il en a tiré un entretien à 8 voix publié hier et dont je vous donne en espagnol et en français quelques extraits :

León Gieco: –¿Cómo se te ocurrió hacer semejante cosa?
Litto Nebbia: –Hace años tenía la idea de hacer un songbook mezclando gente de diversas generaciones, famosa y desconocida.
L. G.: –¿Los temas los elegiste vos?
L. N.: –El 40 por ciento del comienzo sí, pero después empecé a oír otras voces, a invitar gente que conocía. Entonces se me acercaba uno y me decía “che, no puede ser que no esté tal tema”.
Emilio del Guercio: –Ese era un lobbista (risas).
Página/12

León Gieco : Comment t'est venue l'idée de faire un truc pareil ?
Litto Nebbia : Il y a des années, j'avais l'idée de faire un recueil de chansons en mélangeant des gens de différentes générations, des gens célèbres et des gens inconnus.
L.G. : Les morceaux, c'est toi qui les as choisis ?
L.N. : 40% du début, oui, mais après j'ai commencé à entendre d'autres voix, à inviter des gens que je connaissais. Alors il y avait Untel qui venait me trouver et me disait : "dis donc, c'est pas possible que tel morceau n'y soit pas !"
Emilio del Guercio : C'était un lobbyiste, celui-là (rires).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Luego de una sesión de fotos callejera que aglomeró a medio Villa Urquiza en un mediodía de sol, los siete rodean a Nebbia. Abrazan al “padre del rock argentino”, según Gieco. Lo exaltan. Lo miman. El toma cerveza y se ríe. Está ansioso y feliz: es anfitrión, centro y parte. “Lo interesante de esto es que es como un espejo en el que nos miramos nuevamente y con otras versiones, con versiones de otros. Acá está su solidez”, se planta Del Guercio, sobre el espíritu de esta colección que el ex Los Gatos trabajó durante tres años para ofrecer al mundo en un paquete esencial.
Página/12

Sous le préteste d'une séance photo dans la rue qui a attiré là la moitié de Villa Urquiza (1) un jour de soleil à midi, les sept entoure Nebbia. Ils étreignent le "père du rock argentin" (2), comme dit Gieco. Ils le portent aux nues. Ils le chouchoutent. Et lui, il boit une bière et rigole. Il est inquiet et heureux, il est l'Amphitryon, le centre et un participant. L'intéressant là-dedans, c'est que c'est comme un miroir dans lequel nous nous regardons à neuf et dans d'autres moutures, des moutures faites par d'autres. C'est ça, sa solidité, déclare Del Guercio, en parlant de l'esprit de cette collection que l'ex-Los Gatos (2) a travaillée pendant trois ans pour offrir le monde dans un ensemble fondamental.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

“Hay gente de las nuevas generaciones o de las generaciones intermedias que no conoce cierto material, incluso muchos de los que empezaron con nosotros. Tenemos una radio de rock que sigue pasando ‘Jugo de tomate frío’, ‘Muchacha’ y ‘La balsa’. ¿Y estos temas, loco? ¿Qué pasa? A lo mejor, esta caja sirve para que un tipo escuche ‘Cruzando la calle’, y de hecho la cruce para comprarse un disco de Aquelarre. O para que otros no sigan pensando que Los Mockers eran un chocolate”, se embala Litto [...], tratando de encontrarle otro núcleo al compendio que condensa canciones del período 1963-1973, desde las más diversas miradas y enfoques, estéticos y generacionales. Y que será mostrado en vivo –por todos los que están sentados ante Página/12– el 21 de mayo en plena 9 de Julio, como parte de los actos del Bicentenario. Todos quieren hablar de la multijugada de Litto apoyada por la Secretaría de Cultura de la Nación.
Página/12

Il y a des gens des jeunes générations ou des générations intermédiaires qui ne connaissent pas certaines musiques, y compris beaucoup de ceux qui ont commencé avec nous. Nous avons une radio de rock qui continue à passer Jus de tomate glacé, Fillette et Le radeau... Et ces morceaux-ci, pardi ? Tu en fais quoi ? Au moins, ce pack servira à ce qu'un type entende En traversant la rue et effectivement qu'il la traverse pour s'acheter un disque de Aquelarre. Ou à ce que d'autres arrêtent de penser que Los Mockers, c'est un chocolat chaud, dit Litto lancé à fond de train à la rechercher d'un autre noyau dur pour contrebalancer le condensé de chansons de l'époque 1963-1973, depuis les points de vue et les angles d'attaques les plus divers, esthétiques et générationnels. Et tout cela sera présenté au public, par tous ceux qui sont là, assis face à Página/12, le 21 mai dans l'avenue 9 de Julio, dans le cadre des manifestations du Bicentenaire. Tous veulent parler de la brillante partie jouée par Litto en simultané avec le soutien du Secrétariat d'Etat à la Culture.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Páez arranca: –La sensación primera y hermosa es que Litto, en su carácter de productor antropólogo de la Argentina, tiene la idea de juntar todo este repertorio y encima hacer nuevas versiones, porque esto también hay que contarlo como un gesto artístico de gran riesgo. Es de un valor importantísimo para la cultura argentina.
L. G.: –Porque no es sólo buscar los temas ya grabados y ponerlos en un disco. Hay que tener ganas y ánimo para hacer esto... Hay que sentirlo, y más viniendo de él, que nunca hace nada si no lo siente.
Silvina Garré: –Creo que este proyecto se puede hacer porque el que convoca es Litto.
Página/12

[Fito] Paez démarre : La première chose qui me touche, et ce qui est beau là-dedans, c'est que Litto, avec son côté producteur anthropologue de l'Argentine (3), ait eu cette idée de rassembler tout ce répertoire et de faire en prime de nouvelles moutures, parce que ça aussi il faut le lui compter comme geste artistique et grande prise de risque. C'est extrêmement précieux pour la culture argentine.
L.G. : Parce que ce n'est pas seulement de chercher des morceaux déjà enregistrés et de les mettre sur un disque. Il faut avoir envie et il faut avoir du courage pour faire ça... Il faut le sentir, et surtout si ça vient de lui, qui ne fait jamais rien s'il ne le sent pas.
Silvina Garré : Je crois que ce projet peut se faire parce que celui qui l'a lancé, c'est Litto.
(4)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Ce n'est pas l'envie que me manque de continuer à tout vous traduire.
Si vous lisez ce blog depuis un moment, vous connaissez la cordialité qui me lie à Litto Nebbia et l'admiration que je porte à son travail. Mais hier, dans ce supplément Culture et Spectacles de Página/12, il y avait un autre article, de Carlos Bevilacqua, qui parlait de Alan Haksten et de son ensemble. Alors, aujourd'hui, je me partage entre tous. Je quitte Litto Nebbia et sa collection sur le rock pour rédiger cet autre billet sur Haksten. Et j'ai aussi quelques infos à vous donner sur Luis Filipelli et Marisa Vazquez qui se produisent tous les deux mercredi soir, l'un à Clásica y Moderna, l'autre au CCC, et sur Taquetepa, qui donne un concert à Clermont-Ferrand samedi prochain pour une milonga de Tango Volcanique. Je garde Patricia Barone pour demain, ainsi que quelques articles qui restent en suspens depuis jeudi midi et la suite de l'hommage de Luis Alposta au poète et dramaturge César Tiempo sur Noticia Buena (lire mon précédent article sur la première partie de l'hommage)...

Je vous laisse donc comme des grands cliquer sur le lien vers l'article de Página/12 et si vous avez besoin encore d'un peu d'aide pour comprendre cette interview dans le texte, vous disposez d'un outil de traduction en ligne très performant, Reverso, dont vous trouverez le lien dans la rubrique Cambalache (casi ordenado) de la partie basse (sur fond blanc) de la Colonne de droite (5).

Et pour le reste, vous savez vous débrouiller : vous disposez en haut, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, de mot-clés qui vous permettront de faire remonter des articles en fonction de certains thèmes appartenant à cet article et dans la partie haute de la Colonne de droite de raccourcis, classés du plus large au plus précis, qui vous feront remonter d'autres articles en fonction de toutes les thématiques abordées dans Barrio de Tango, depuis le début, le 19 juillet 2008.

(1) Le studio de Melopea se trouve dans le quartier de Villa Urquiza.
(2) Litto Nebbia est le créateur du premier rock à texte d'expression hispanique, La Balsa (le radeau), sorti en 1967. Il faisait alors partie d'un groupe de jeunes musiciens baptisés Los Gatos (les chats ou les rien du tout, selon que vous prenez l'un ou l'autre sens qu'a en Argentine le terme gato). Ce groupe s'est dissous en 1969 et s'est reformé temporairement en 2007 pour une tournée qui a eu un grand succès et dont vous trouverez de nombreux témoignages vidéo sur les sites de partage en ligne comme You Tube ou Dailymotion. Melopea en a tiré aussi un disque qui vaut le coup. Vous pouvez lire, en français,
l'histoire de la carrière de Litto Nebbia sur le site de Melopea puisqu'il m'en a confié il y a un an la traduction.
(3) Le catalogue de Melopea est reconnu en Argentine comme l'un des labels indépendant argentins les plus exhaustifs en matière de musique populaire de qualité. Et Litto est connu lui-même pour ne travailler qu'avec ce qu'il aime et ceux qu'ils aiment. Il ne fait jamais rien pour l'argent, ni pour la gloire. Ce qu'il aime, c'est être libre de faire ce qu'il veut et ce en quoi il croit. C'est la raison pour laquelle j'avais sollicité Litto en avril 2008 pour le disque qui accompagne ma première anthologie bilingue de tango argentin, Barrio de Tango, ed. du Jasmin : il a réalisé une compilation de 22 pistes qui semble plaire beaucoup aux happy fews qui ont déjà pu l'écouter en avant-première. Melopea n'est pas très bien distribué en Europe francophone malheureusement mais une quantité astronomiques de leurs albums sont disponibles sur la boutique en ligne de Zivals, Tangostore, dont vous trouverez le lien dans la Colonne de droite, dans la rubrique Les Commerçants del Barrio de Tango, pas très loin du lien vers le site de Melopea lui-même...
(4) Si vous avez l'occasion de parler avec de nombreux artistes à Buenos Aires, c'est quelque chose de très étonnant à constater : l'admiration éperdue et cette tendresse très fraternelle qu'une grande majorité d'entre eux éprouvent à son endroit. On retrouve ici toute la couleur de ces sentiments qu'il fait naître autour de lui. Et rassurez-vous, Litto a aussi quelques ennemis qui ne lui épargnent pas leur venin. Il m'a été donné d'entendre aussi quelques discours nauséeux.
(5) Attention tout de même : de la traduction automatique reste de la traduction automatique (ce n'est que du dépannage). En plus, là, l'espagnol de référence est celui qui se parle outre-Pyrénées et l'argentin présente des différences non négligeables avec la langue de l'Espagne.