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D’ordinaire, le tango est associé à l’oeillet, la fleur que les messieurs arborent volontiers à la boutonnière à Buenos Aires. Et l’oeillet rouge aussi, pour une autre raison : c’était la fleur que, sous l’un ou l’autre régime anticonstitutionnel, que l’Argentine a subi à partir de 1930, les musiciens plaçaient sur le tabouret du piano lorsque Osvaldo Pugliese était en prison et que son orchestre jouait tout de même, sans pianiste. Cet oeillet rouge que vous trouvez aujourd’hui encore sur la tombe du compositeur au cimetière de la Chacarita et sur le piano du monument à sa mémoire, qui se dresse à l’entrée de Villa Crespo, à quelques mètres du lieu où il était né en 1905, aujourd’hui la esquina Corrientes y Scalabrini Ortiz. Et l’oeillet de toutes couleurs dont Horacio Ferrer orne le revers de son veston à peu près tout le temps, et celui que Juan Carlos Cobián et Carlos Di Sarli arborent sur leurs photos les plus célèbres qui trônent dans la galerie des portraits du Museo Mundial del Tango (Academia Nacional del Tango, Avenida de Mayo, 833, à Buenos Aires).
En France, le 1er mai est associé à une autre fleur, une petite fleur des sous-bois, qui se vend ce jour-là librement, à tous les coins de rue. Cette fleur, c’est le muguet, les petites clochettes blanches ou roses qui symbolisent si bien l’arrivée du printemps.
Alors va pour le muguet ! D’autant qu’il a la réputation de porter bonheur, comme, à Buenos Aires, la triple invocation du nom de Pugliese (1).
Or à Arras, la grande cité qui domine l’Artois, dans le nord de la France, se tient tous les 1ers mai depuis 9 ans un Salon du Livre d’expression populaire et de critique sociale. Il est organisé par l’association Colères du Présent, qui s’est donné pour objectif de faire apprécier la culture populaire et de populariser la lecture et le livre à travers une manifestation qui culmine le jour de la Fête du Travail mais se prépare dans le courant du mois d’avril à travers des concerts, des conférences, des projections, des expositions et des ateliers, dans divers lieux de cette cité historique qui est la préfecture du Pas de Calais, pour intéresser un large public et l’attirer au Salon, qui se tient au théâtre municipal, dans le Quartier des Arts.
Comme l'année dernière, les Editions du Jasmin participent à cette journée du livre, avec, entre autres ouvrages exposés et présentés, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, dont ce sera l’une des toutes premières apparitions publiques (2). Pour ma part, je serai présente sur le stand et me réjouis déjà de cette première rencontre avec le public calaisien, boulonnais, lensois, flamand, picard et ch’ti, sans oublier les amis belges qui viennent souvent visiter ce blog, du côté francophone comme du côté néerlandophone, ce que je tiens pour un honneur.
Cette année, le Salon du Livre d’Arras sera placé sous le double signe du centenaire de la naissance de Jean Amila-Meckert, considéré comme l’un des pères du roman noir français et représentant imminent de la littérature populaire et sociale de l’Hexagone et sous celui du cinquantenaire des indépendances des pays d’Afrique de l’Ouest, anciennement colonisés par la France.
Cinq pôles structurent le Salon :
Roman, roman noir et anticipation : la fiction explore les luttes sociales d’hier à demain.
Autour de ce thème, Colères du Présent a invité 39 auteurs, dont Gérard Mordillat, Valère Staraselski et Jacques Weber.
Essais et sciences humaines et sociales : analyser et proposer
25 auteurs, sociologues, politologues et journalistes, sont invités, dont Olivier Le Cour Grandmaison, qui fera une conférence sur le droit des étrangers en partenariat avec Réseau Education sans frontières (salle polyvalente de la Médiathèque), et Florence Aubenas, journaliste au Nouvel Observateur, qui a récemment publié deux livres, l’un sur la précarisation des travailleurs non qualifiés dans Le Quai de Ouistreham et l’autre sur une gigantesque et scandaleuse erreur judiciaire qui a ravagé la vie de 18 personnes en France il y a quelques années, dans La Méprise, l’affaire d’Outreau.
25 auteurs, sociologues, politologues et journalistes, sont invités, dont Olivier Le Cour Grandmaison, qui fera une conférence sur le droit des étrangers en partenariat avec Réseau Education sans frontières (salle polyvalente de la Médiathèque), et Florence Aubenas, journaliste au Nouvel Observateur, qui a récemment publié deux livres, l’un sur la précarisation des travailleurs non qualifiés dans Le Quai de Ouistreham et l’autre sur une gigantesque et scandaleuse erreur judiciaire qui a ravagé la vie de 18 personnes en France il y a quelques années, dans La Méprise, l’affaire d’Outreau.
Bandes dessinées et dessins de presse : la bulle en lutte
Avec 17 invités, dont Boucq, Cabu, Faujour, Trouden, Tronchet et Yacine
Avec 17 invités, dont Boucq, Cabu, Faujour, Trouden, Tronchet et Yacine
Littératures étrangères : actualités des luttes d’ailleurs
Avec 6 invités, dont Leïla Shahid, qui fut la très médiatique représentante de la Haute Autorité Palestinienne en France sous Yasser Arafat, et des délégations réunionnaise et kanak.
Avec 6 invités, dont Leïla Shahid, qui fut la très médiatique représentante de la Haute Autorité Palestinienne en France sous Yasser Arafat, et des délégations réunionnaise et kanak.
La littérature jeunesse, le pôle le plus récent dans cette manifestation culturelle et sociale, pôle auquel est associé un Prix Ados en Colère, qui sera décerné par les élèves de 8 établissements scolaires du Bassin minier, le 23 avril à 12h, dans la Salle des fêtes de Grenay.
13 auteurs sont invités au titre de la littérature jeunesse, dont Charlotte Mollet : son travail d’illustratrice aux Editions Didier Jeunesse fera l’objet d’un exposition rétrospective sur le Salon.
Les Editions du Jasmin, qui, dans les premières années de leur existence, étaient essentiellement spécialisées dans la littérature jeunesse, proposeront naturellement un fonds éditorial particulièrement riche en la matière. Il y a 3 ou 4 ans, cette maison d’édition a fait le choix de se diversifier et a ouvert aussi ses collections aux cultures du monde à travers des ouvrages destinés à un public généraliste adulte, ouverture dont la publication de Barrio de Tango est l’une des illustrations.
13 auteurs sont invités au titre de la littérature jeunesse, dont Charlotte Mollet : son travail d’illustratrice aux Editions Didier Jeunesse fera l’objet d’un exposition rétrospective sur le Salon.
Les Editions du Jasmin, qui, dans les premières années de leur existence, étaient essentiellement spécialisées dans la littérature jeunesse, proposeront naturellement un fonds éditorial particulièrement riche en la matière. Il y a 3 ou 4 ans, cette maison d’édition a fait le choix de se diversifier et a ouvert aussi ses collections aux cultures du monde à travers des ouvrages destinés à un public généraliste adulte, ouverture dont la publication de Barrio de Tango est l’une des illustrations.
Au programme des animations du 1er mai au Théâtre municipal d’Arras, plusieurs propositions ont retenu mon attention, même si je doute fort de pouvoir en profiter sur place :
Des contes en langue des signes par l’association Trèfle, dans la salle de spectacle,
Une ronde de conteurs réunionnais à l’Ecurie
Une conférence sur le thème : 50 ans après les indépendances, où en est l’Afrique ? dans la salle des concerts
Une autre conférence intitulée : Service publics, la grande braderie : la souffrance au travail, dans la salle des concerts
Une conférence sur les sources du roman noir et Dashiell Hammett, dans la salle polyvalente de la Médiathèque...
Le Salon d’Arras rassemble tous les ans 80 auteurs en moyenne, une cinquantaine d’éditeurs, des bouquinistes, des associations, et attire environ 15 000 visiteurs.
A Arras, en ce 1er mai 2010, alors que l’Argentine entrera dans le mois où les fêtes du Bicentenaire de son indépendance vont culminer (24 et 25 mai), le tango sera donc parfaitement à sa place : expression artistique éminemment populaire, il a été et il demeure un vecteur habile et audacieux d’une critique sociale à la force réelle dans un pays qui a longtemps connu la censure et qui, aujourd’hui encore, continue de subir la corruption (3) et une inégalité sociale, dont l’injustice persistante recule à peine depuis que la démocratie politique est revenue, il y a plus de 25 ans maintenant (quoi qu’en dise l’INDEC, voir mon article d’hier à ce sujet).
Parmi les letras au contenu clairement social et politique que j’ai traduites et présentées dans Barrio de Tango, on peut citer :
Cambalache, Yira yira, deux classiques de Enrique Santos Discépolo sur l’injustice sociale et la corruption politique, La limosna et Batallón de cirujas sur la misère et l’indigence, Juan Manuel, Azabache et Tocá Tangó, sur la nostalgie de la Buenos Aires métissée (disparue vers 1880), Acquaforte (qui fut censuré à plusieurs reprises), Carne de cabaret ou De mi barrio, trois tangos évoquant le triste sort fait aux femmes dans les années 20, La guita, qui s’en prend vertement et avec humour au règne de l’argent et du profit dans l’Argentine de Menem (et ça n’a pas beaucoup changé depuis), Sentencia et El penado 14, sur la justice de classe pratiquée par les juges des années 20 et 30, Puente Alsina et Al pie de la Santa Cruz, sur la répression du mouvement ouvrier (cf. mon article du 8 mars 2010 sur la table des matières de l'anthologie)...
Le 1er mai, le Salon du Livre d’expression populaire et de critique sociale est ouvert au public de 10h à 21h, au Théâtre municipal, 7 place du Théâtre, à Arras, dans le Pas de Calais (62).
L’entrée est libre et gratuite.
L’entrée est libre et gratuite.
Pour aller plus loin et connaître le programme complet, vous pouvez visiter la page du Salon, sur le site de l’association Colères du Présent.
Pour en savoir plus sur le Jasmin, vous pouvez consulter son site et les articles que j’ai déjà consacrés dans ces colonnes à sa participation à différents salons du livre régionaux, à Bondues, à Saint Germain-les-Arpajon, à Eaubonne et à Orsay (cliquez sur le mot-clé Jasmin dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus).
Pour en savoir plus sur le Jasmin, vous pouvez consulter son site et les articles que j’ai déjà consacrés dans ces colonnes à sa participation à différents salons du livre régionaux, à Bondues, à Saint Germain-les-Arpajon, à Eaubonne et à Orsay (cliquez sur le mot-clé Jasmin dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus).
Et pour terminer en musique, ou tout du moins en poésie, à l’intention de mes lecteurs argentins, uruguayens et américains en général, voici la chanson populaire et sociale par excellence en France, Le temps des cerises, du poète Jean Baptiste Clément (1836-1903) et du compositeur Antoine Renard (1825-1872), qui n’est pas une gentille ritournelle d’un romantisme un peu mièvre (cursi) mais le rêve utopique d’une société enfin prospère et bienveillante pour tous, y compris les ouvriers. Clément l’a composée en 1866, quelques années avant le soulèvement de la Commune de Paris à laquelle il prit part et pendant laquelle il dédia cette chanson, que chantaient tous les insurgés, à la révolutionnaire Louise Michel. A cause de ce lien avec la Commune de Paris, Le Temps des cerises est devenu l’emblème musical du 1er mai en France.
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur...
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur. (4)
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur...
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur. (4)
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreille !
Cerises d'amour aux robes pareilles,
Tombant sur la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant !
Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour,
Evitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai point sans souffrir un jour...
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi vos peines d'amour.
J'aimerai toujours le temps des cerises :
C'est de ce temps là que je garde au coeur
Une plaie ouverte.
Et dame Fortune, en m'étant offerte,
Ne pourra jamais fermer ma douleur...
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur.
Pour écouter le dernier couplet chanté du Temps des cerises, cliquez sur ce lien vers le site français Musica et Memoria.
Quelques associations et institutions de tango dans le Nord-Pas de Calais :
le site de l'association Chti Tango à Lens (Pas de Calais)
Le blog de l'association Chti Tango (Lens)
Le site de l'association Tango ? Tango ! installée à Villeneuve d'Ascq, dans le Nord (59)
Le site du 8 Renversé à Lille (préfecture du Nord, et préfecture de la Région Nord-Pas de Calais)
Le site de Au 202, à Lille et sa région
Le site de Sous les marroniers, autre association lilloise
Le site de Tangotez-o-Touquet, une association du Touquet-Paris-Plage (Pas de Calais)
Le site de Tango del Mar, à Dunkerque (Nord), dont je vous avais déjà parlé au sujet du Carnaval de Dunkerque (lire mon article du 1er février 2010 au sujet de cette manifestation festive d'hiver)
le site de l'association Chti Tango à Lens (Pas de Calais)
Le blog de l'association Chti Tango (Lens)
Le site de l'association Tango ? Tango ! installée à Villeneuve d'Ascq, dans le Nord (59)
Le site du 8 Renversé à Lille (préfecture du Nord, et préfecture de la Région Nord-Pas de Calais)
Le site de Au 202, à Lille et sa région
Le site de Sous les marroniers, autre association lilloise
Le site de Tangotez-o-Touquet, une association du Touquet-Paris-Plage (Pas de Calais)
Le site de Tango del Mar, à Dunkerque (Nord), dont je vous avais déjà parlé au sujet du Carnaval de Dunkerque (lire mon article du 1er février 2010 au sujet de cette manifestation festive d'hiver)
(1) Pugliese est invoqué par de nombreux artistes et par d’autres gens, au-delà du monde artistique, pour toutes sortes de chose, la réussite d’un projet, le bon déroulement d’un concert, le succès d’un livre ou d’un disque, la conclusion d’un contrat ou l’achat d’une maison ou tout ce qui peut vous importer dans la vie... Il existe des témoignages très impressionnants sur les grâces que diverses personnes assurent avoir reçues après avoir invoqué l’aide du musicien au point qu’il a été canonisé, à titre profane bien entendu, et qu’il existe une prière, extrêmement belle et juste, à San Pugliese... Doña Lydia Elman de Pugliese, la veuve de Pugliese, m’a gentiment offert une de ces images pieuses, avec prière inscrite au dos, en août 2007, pour qu’elle me soit auspicieuse dans mes démarches pour la publication de mon bouquin. Et le résultat est là... Comme quoi, la sainteté, si sainteté il y a, peut se loger partout, y compris chez un militant communiste, parfaitement athée au demeurant, mais qui a, avec constance et bienveillance, toujours cherché à vivre dans ce monde en toute cohérence et justice. Beba Pugliese, la fille du Maestro, vient de publier sa propre biographie de son père et l’a présenté en mars à la Academia Nacional del Tango (lire mon article à ce sujet).
(2) La première fournée de disques vient d’arriver à destination. L’éditeur attend le livre lui-même qui est encore sous presse. Puis les premiers livres partiront chez les souscripteurs et le livre sera considéré comme publié.
(3) comme cette vingtaine d’officiers de la police portègne dont on a découvert récemment qu’ils avaient un casier judiciaire.
(2) La première fournée de disques vient d’arriver à destination. L’éditeur attend le livre lui-même qui est encore sous presse. Puis les premiers livres partiront chez les souscripteurs et le livre sera considéré comme publié.
(3) comme cette vingtaine d’officiers de la police portègne dont on a découvert récemment qu’ils avaient un casier judiciaire.
(4) Ici, Clément parle du merle moqueur (el mirlo burlon). Pour les Argentins, le merle est d'abord chanteur et dans cette famille d'oiseaux, il y en a un qui est particulièrement connu pour son talent musical : le turdus musicus, en français la grive musicienne. A Buenos Aires, le zorzal. Celui qui a donné son principal surnom à Carlos Gardel : el Zorzal criollo.