Hier, au Buenos Aires Club de la rue Perú (à la hauteur du 571), dans le quartier de Monserrat, la Orquesta Típica La Vidú, un groupe de 13 musiciens presque tous originaires de la grande banlieue sud de la capitale argentine, présentait leur premier CD où ils ont mélangé des classiques dans des arrangements originaux (1), comme Tu pálida voz, Trenzas et María, des pièces originales de tango proprement dit et des pièces originales de fusion entre tango et rock, comme Blues de la Artillería.
L'orchestre est dirigé par le compositeur de la bande, Gabriel Bartolomel. Et il était interviewé, avec quelques uns des musiciens du groupe, hier par Cristian Vitale, dans le supplément culturel de Página/12 (toujours le même quotidien qui part défricher les terrains encore inconnus...).
Verbatim :
“Era muy difícil pensar esto desde Florencio Varela.” Gabriel Bartolomel tiene 36 años, melena al hombro y una boina negra. Nació, creció y vive en los pagos de Defensa y Justicia –el Defe–, allí donde el sur suburbano se hace más sur. Más lejano. E intenta explicar por qué. “¿Cómo hacías para que un pianista, un contrabajista o un violinista, de los pocos que hay allá, apostara a un proyecto de cero en vez de venirse a trabajar a Capital? Un rollo grandísimo”, pregunta y se responde: “Pero creímos, y acá estamos”
Página/12
"C'était très difficile d'imaginer ça depuis Florencio Verela". Gabriel Bartolomel a 36 ans, les cheveux jusqu'aux épaules et une casquette noire. Il est né, il a grandi et il vit dans les parages de Defensa y Justicia, el Defe, là-bas, là où le sud banlieusard se fait plus sud encore. Plus lointain (2). Et il essaye d'en expliquer le pourquoi. "Comment tu te débrouilles pour qu'un pianiste, un contrabassiste ou un violoniste, vu le petit nombre qu'ils sont ici, misent sur un projet démarrant de zéro au lieu d'aller travailler dans la Capitale ? Faut pas être bien !". Il pose la question et il fait la réponse : "Mais on y a cru et on est là".
(Traduction Denise Anne Clavilier)
- Viene de familia tanguera...
- El otro día escuchaba a Lidia Borda hablar de “Barrio de tango”, que es el tango que a mí me identificaba de chico. ¡Los perros ladrándole al farol!... A mí me pasaba lo mismo. De chico tocaba con Ernesto Porto, un gran maestro que pocos conocen en Capital, en el Club Varela Juniors donde, durante la época de oro, tocaban Pugliese o D’Arienzo, porque Varela era muy tanguero, el Club Zeballos competía con los carnavales de Racing, con la desventaja de que en los ’40 quedaba más lejos que ahora.
Página/12
- Vous venez d'une famille tanguera...
- L'autre jour, j'écoutais Lidia Borda qui parlait de Barrio de Tango, qui est le tango auquel je m'identifiais petit. "Les chiens aboyant contre le bec de gaz !" Moi, je vivais la même chose. Petit, je jouais avec Ernesto Porto, un grand maître que peu connaissent dans la Capitale, au Club Varela Juniors, où, pendant l'âge d'or, jouaient Pugliese ou D'Arienzo, parce que Varela était très tanguero, le Club Zeballos était le concurrent des carnavals de Racing, avec le désavantage que, dans les années 40, Varela était encore plus reculé qu'aujourd'hui.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Dice Marcia Manduca, violinista: “La verdad es que nos vinimos a ensayar a Boedo porque se nos hacía imposible conseguir bandoneonistas que fueran a ensayar de Capital a Varela. Yo misma, cuando empecé con la Orquesta, me tomaba el tren desde José Mármol y pensaba ‘¿qué estoy haciendo acá, a las diez de la noche, volviendo a casa?’. Sí, Varela sigue quedando lejos”. Sigue Gabriel: “La decisión la tomó Eliana (Sosa, la cantante) cuando dijo ‘vamos para el centro pero tomémoslo como un crecimiento, no como abandonar este lugar’. Ella nos convenció”.
Página/12
Marcia Manduca, la violoniste, prend la parole : "A dire vrai, on est venu répéter à Boedo parce que ça nous devenait impossible de trouver des bandonéonistes qui seraient partir de la Capitale pour répéter à Varela. Moi-même, quand j'ai commencé avec l'Orchestre, je prenais mon train à José Mármol et je pensais : Mais qu'est-ce que je fiche ici, à dix heures du soir, à rentrer à la maison ! Pour ça, oui, Varela reste loin". Gabriel continue : "La décision, c'est Eliana (Sosa, la chanteuse) qui l'a prise quand elle a dit Allons dans le centre mais prenons ça comme une preuve qu'on a grandi, pas comme un abandon de ce lieu. Elle nous a convaincus".
(Traduction Denise Anne Clavilier)
L'interview complète est à lire sur le site de Página/12, dans l'édition d'hier.
Et pour découvrir la musique de La Vidu, il faut visiter leur page Myspace.
(1) La Vidú fait partir de la UOT, Unión de Orquestas Típicas, installée à Boedo, et co-organisatrice au début mars du 1er Festival de Tango Indépendant auquel ils ont participé, dont je vous ai parlé dans ce blog. Or l'une des conditions qu'il faut remplir pour adhérer à la UOT est d'avoir ses propres arrangements de tout ce qu'on joue. Les autres conditions sont d'être un orchestre composé d'instruments traditionnels (pas de guitare électrique par exemple) et d'avoir au moins une partie de son répertoire constituée de compositions originales.
(2) Cristian Vital reprend ici des images inventées par Homero Manzi essentiellement dans Barrio de Tango et Sur, qui sont deux tangos composés par Aníbal Troilo, deux letras, qui ont permis de construire l'identité urbanistique et culturel du sud de Buenos Aires et de sa région, à partir de souvenirs que Manzi s'était constitué dans les années 20 dans les quartiers de Nueva Pompeya et Boedo, où il a passé son adolescence. Ces images seront reprises aussi par Gabriel Bartolomel lorsqu'il parlera un peu plus bas de Barrio de Tango et de son rapport à ce tango fondateur du répertoire, jusqu'à paraphraser un des vers de Manzi. Florencio Varela se situe à une bonne quarantaine de kilomètres de Buenos Aires et est desservi par la ligne de chemin de fer Rocca qui part de la gare de Constitución, avec un service qui laisse toujours beaucoup à désirer.