mardi 2 mars 2010

La fête fut splendide et populaire à Montevideo [Actu]

Me comprometo por mi honor a desempeñar lealmente el cargo que se me ha conferido y a guardar y defender la Constitución de la República.

Je m’engage sur l’honneur à exercer loyalement la charge qui m’a été conférée et à garder et défendre la Constitution de la République.

Un grand merci à Pablo Vignali qui m'a envoyé aujourd'hui, depuis Montevideo, les photos qui illustrent cet article. Pablo Vignali est l'un des grands photographes de presse d'Uruguay. Et il est devenu avec le temps un correspond de grand luxe pour ce modeste blog européen...


José Mujica a prêté serment hier devant le Parlement uruguayen et dans les mains de son épouse, Lucía Topolansky, présidente temporaire du Sénat pour cette séance solennelle (voir mon précédent article sur l’ouverture de la nouvelle législature en Uruguay). Ainsi donc le discours inaugural du nouveau Chef de l’Etat a commencé par "Querida Lucía" (ma chère Lucía).

Cette première adresse au Parlement a duré 50 minutes, elle a été fort applaudie, y compris par l’opposition qui l’a jugée mesurée et polie (mesurado y educado). Discours développé sur trois thèmes essentiels : l’importance de la légalité, du respect du contrat social et la volonté de dialogue avec l’opposition. Le patronat lui aussi a estimé que ce discours augurait bien du quinquennat qui s’ouvrait donc hier.

Après la cérémonie au Parlement, le Chef de l’Etat a pris place dans un véhicule électrique, aussitôt surnommé Pepemovil. On avait déjà eu Habemus Pepe, au soir du 2ème tour des élections, la presse uruguayenne aurait eu tort de s’arrêter en si bon chemin.

Puis une nouvelle cérémonie, moins guindée, s’est déroulée sur Plaza Independencia, devant la statue du libérateur de l’Uruguay, José Artigas. Le nouveau Président avait entre temps laissé tomber la cravate et même déboutonné son col. La première dame et ex-présidente du Sénat (le Vice-Président l’a remplacée) était en chemisier blanc et en pantalon clair. Bref, un nouveau couple présidentiel aussi peu conventionnel que possible pour une transmission de l’écharpe présidentielle dans un cadre inhabituel.

"Amigos, ¿por qué esta transmisión de mando, un poco inusitada en la plaza pública, acá, no sólo a la intemperie sino ante la estatua de Artigas? Quienes organizaban esto me atormentaban: ¿Y si llueve? Y si llueve nos mojamos todos les decía yo. ¡Qué incrédulo!. Qué sé yo. No se puede estar temblándole a todo. Mala suerte si llueve... Tuvimos suerte. ¿Por qué? ¿Qué simboliza el monumento? Este monumento simboliza para los uruguayos dos cosas: unidad nacional y concepción latinoamericana. Unidad de los pueblos de América Latina. Ese es el sentido y el símbolo. Hacerlo en la plaza pública para que la gente lo vea. Es aburrido como toda cosa protocolar. Ahora estamos santificados. Está la firma del señor escribano. Hemos procedido en regla. No dirán que no soy una criatura domesticada. Pero amigos, estas formalidades que dan garantías, podrán ser aburridas, pero son una necesidad institucional que hay que defender. Pero ¡ay de nosotros si no las tenemo!, y cuando las hemos perdido, sólo les damos el valor cuando nos damos cuenta del papel de representación que cumple para con una nación.
José Mujica, Plaza Independencia, 1 de marzo de 2010

"Mes amis, pourquoi cette transmission du pouvoir, un peu inhabituelle sur la place publique, ici, non seulement exposée aux intempéries mais surtout devant la statue de Artigas ? Ceux qui organisaient tout ça me cassaient les pieds : "Et s’il pleut ?" Eh bien, s’il pleut, on sera mouillé, que je leur répondais ! Tu parles d'un problème ! Est-ce que je sais, moi ? On ne peut pas avoir peur de tout. Pas de chance s’il pleut... Et on a eu de la chance. Pourquoi ? Que symbolise ce monument ? Ce monument-là symbolise pour les Uruguayens deux choses : l’unité nationale et la conception latino-américaine. L’Unité des peuples d’Amérique Latine. C’est cela, le sens et le symbole. Faire ça sur la place publique pour que les gens le voient. C’est ennuyeux comme toute chose protocolaire. Maintenant nous voici marqué du signe. Il y a là la signature du notaire. Nous avons procédé dans les règles. Vous ne pourrez pas dire que je ne suis pas un animal domestiqué. Mais mes amis, ces formalités qui donnent des garanties, elles ont beau être ennuyeuses, elles sont une nécessité institutionnelle qu’il faut défendre. Malheur à nous si nous ne les avons pas ! Et c’est seulement quand nous les perdons que nous leur donnons leur valeur, quand nous nous rendons compte du rôle de représentation dont une nation a besoin."
(Traduction Denise Anne Clavilier)
L'éloquence de Danilo Astori, nouveau vice président et nouveau président du Sénat

Nouveaux discours. Nouvelles acclamations aussi pour Tabaré Vázquez (que l'on voit dans la photo du haut, en train d'applaudir son successeur), qui avait déjà été amplement salué dimanche pour ses propres adieux (voir mon article d’hier à ce sujet). Accolade très théâtrale et néanmoins visible sincère entre les deux hommes. Puis le Président a tombé la veste et la fête est devenue un grand happening populaire avec la participation de plusieurs artistes, sous l’oeil impavide de l’aide de camp du Chef de l’Etat, avant que le couple présidentiel entraîne tous les invités officiels vers le LATU, le Laboratoire Technologique d’Uruguay, où devait se tenir le dîner, comme prévu.


La foule montevidéenne avec la présence toujours visible des noirs dont l'apport à la culture uruguayenne et notamment au candombe est si important

Les observateurs politiques ont surtout souligné la bonne réaction de l’opposition, la présence de Lacalle, le leader du Partido Nacional et candidat malheureux à l’élection, l’absence de Bordaberry, l’autre chef de l’opposition et candidat malheureux lui aussi, visiblement moins fair-play (1), la réaction positive de la Fédération patronale, la présence souriante et aimable d’Hillary Clinton et la réconciliation spectaculaire et inattendue entre Tabaré Vázquez et Néstor Kirchner, l’ancien Président argentin, eux qui s’évitaient délibérément depuis 5 ans dans tous les sommets internationaux, à cause du contentieux argentino-uruguayen provoqué par l’installation, sur la rive orientale du fleuve frontière Uruguay, d’une papeterie, dans des conditions dont les Argentins disent qu’elles ont violé un accord bilatéral de co-gestion de cette zone fluviale et frontalière.


La revue de presse d’aujourd’hui est donc, comme vous pouvez l’imaginer, particulièrement abondante. J’attire en particulier l’attention des internautes sur les documents audio (Mp3) qui accompagnent les articles du quotidien uruguayen El País.

Pour aller plus loin :
Lire l’article principal de El País
Lire l’article de El País sur la réaction de l’opposition politique au discours inaugural de Mujica
Lire l’article de El País sur la réaction du patronat à ce même discours
Lire l’article de El País sur les rencontres internationales qui ont eu lieu, et notamment le salut cordial échangé entre Vázquez et Kirchner
Lire l’article de La República sur le discours de Pepe Mujica
Lire l’article de La República sur la fête populaire qui a suivi.

De l’autre côté du Río de la Plata, la presse argentine a, elle aussi, rendu compte de l’événement, malgré une rentrée politique et scolaire très chargée :

Lire l’article principal de Página/12 sur les deux discours de Mujica
Lire dans Página/12 l’interview du président du Frente Amplio, José Brovetto, sur les défis à relever pendant ce quinquennat
Lire l’article de Página/12 sur les relations bilatérales entre les deux pays
Lire l’article de Clarín
Lire l’article de La Nación


(1) Il n’a pas voulu suivre le cortège qui partait vers Plaza Independencia, après la prestation de serment constitutionnelle dans l’enceinte législative. Ce qui n’est guère étonnant puisque Pedro Bordaberry est le fils d’un des dictateurs de la dernière dictature et qu’il n’a rien renié de l’oeuvre politique paternelle. Rappelons que Pepe Mujica a passé plusieurs de sa vie à combattre dans la guerrillera urbaine contre les régimes anti-constitutionnels et qu’il a pour cela aussi passé plusieurs années en prison, où il a connu la torture.