mercredi 22 juin 2011

Estella de Carlotto réagit au revirement des enfants Noble Herrera dans Página/12 [Actu]


Dimanche matin, le quotidien Página/12, qui est le quotidien national qui soutient le combat des Grands-Mères de la Place de Mai (Abuelas de Plaza de Mayo), publiait une interview assez longue de la présidente de cette organisation, Estela de Carlotto, qui réagissait au curieux revirement des enfants Noble Herrera qui a surpris tout le monde en Argentine vendredi dernier.

Dans cette interview, elle parle des deux jeunes gens qu'elle ne connaît pas personnellement en les appelant los chicos. Un terme quasiment impossible à traduire en français dans une telle situation. Il désigne les enfants en général (les petits), les adolescents, les jeunes adultes, les amis aussi... Or en français, on ne peut pas imaginer cette dame, qui n'a pas de relation personnelle avec ces deux trentenaires, arrogants et multi-milliardaires, parler d'eux comme de "petits". Estela de Carlotto n'a jamais un vocabulaire bêtifiant. Sa parole est toujours d'une grande dignité. Je vais donc naviguer dans la traduction qui suit entre différentes nuances, à peu près acceptables de notre langue, pour rendre au plus près de ce qu'il me sera possible d'atteindre, cette expression si courante et si fréquente en Argentine mais si limitée en français.

–¿Cómo tomó la noticia?
–La noticia nos sorprendió muchísimo. No fue de una alegría absoluta por dos razones: muchas veces en estos largos diez años brindamos por un triunfo por ciertas circunstancias que luego resultaron totalmente adversas, porque las opacaron las actitudes de los abogados de los chicos. Y por otro lado, el contenido de la decisión es muy extraño. Aceptar todo, no sólo los exámenes, sino la comparación con todo el Banco. Y además el pedido de urgencia. Que se avengan a todo después de haberlo discutido durante diez años de manera atroz y la urgencia, después de haber perdido diez años, es una cosa extraña. De todas formas, los que trabajamos en esto nos reunimos y no llegamos a ninguna aclaración formal. Pensamos que puede ser que estos dos jóvenes estén muy cansados de ser manejados. Ellos, por supuesto, nos echan la culpa a los demás, pero yo creo que están muy manejados por sus abogados y su entorno. A lo mejor, decidieron terminar con esta historia. No sé si les habrá entrado en algún momento el mensaje que mandamos acerca de que nada en la vida de ellos iba a cambiar, sino sólo saber la verdad. Porque nosotros nunca dijimos son, sino que dijimos que podrían ser. Podrían ser o no nuestros nietos, lo que ocurre es que las fuertes denuncias dan bastante seguridad, pero esto sólo lo puede decir la sangre. Salga lo que salga, esto es la respuesta a lo que buscamos desde hace tantísimos años. Y si no son hay una responsabilidad terrible de aquellos que hicieron sufrir a estas dos personas durante diez años de manera formal y mucho antes de que empezara el juicio también, que los victimizaron.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Comment avez-vous reçu la nouvelle ?
- La nouvelle nous a énormément suprises. Et ce n'a pas été une joie sans partage pour deux raisons : bien des fois durant ces dix longues années, nous avons levé nos verres à une victoire dans certaines circonstances qui par la suite se sont révélées totalement contraires, parce que les démarches des avocats de ces jeunes gens les ont opacifiées. Et par ailleurs, le contenu de la décision est très bizarre. Accepter tout, pas seulement les examens mais aussi la comparaison avec toute la Banque [nationale de données génétiques]. Et par-dessus le marché, la demande de traitement en urgence. Qu'ils se rendent à tout après avoir tout contesté pendant 10 ans d'une manière horrible. Et puis l'urgence, après avoir perdu dix ans, c'est quelque chose de bizarre. Ceux d'entre nous qui travaillons là-dessus, nous avons eu une réunion et, en prenant la chose de toutes les manières possibles, nous n'aboutissons à aucune explication satisfaisante. Nous pensons qu'il pourrait se faire que ces deux jeunes en aient eu assez d'être manipulés. Eux, bien entendu, ils rejettent la faute sur nous, sur les autres, mais moi je crois qu'ils sont manipulés par leurs avocats et leur entourage. Dans le meilleur des cas, ils auront décidé d'en finir avec cette histoire. Je ne sais pas si le message que nous leur avons adressé sur le fait que rien dans leur vie à eux n'allait changer, qu'il s'agissait uniquement de connaître la vérité, a fini par leur parvenir à un moment ou à un autre. Parce que nous, nous n'avons jamais dit "Ils sont nos petits-enfants", nous avons dit qu'ils pourraient l'être. Ils pourraient l'être ou ne pas l'être, ce qui se passe c'est que les plaintes solides s'avèrent plutôt sûres mais ça, il n'y a que le sang qui puisse le dire (1). Quoi qu'il en soit, c'est là la réponse à ce que nous cherchons depuis tant et tant d'années. Et s'ils ne sont pas nos petits-enfants, ceux qui ont manifestement fait souffrir ces deux personnes pendant 10 ans et bien avant que ne commence la procédure, ceux qui en ont fait des victimes, ceux-là, leur responsabilité est lourde.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–El argumento de sus abogados es que si el resultado no se supo antes es porque Abuelas no quiso, que ellos aportaron la sangre antes y que Abuelas puso las trabas...
–Eso no es cierto de ninguna manera. Primero, la señora (Ernestina Herrera de Noble) dijo en una carta pública, en una declaración pública, que ella más de una vez había hablado con ellos porque dudaba que podían ser hijos de personas detenidas o víctimas del régimen militar. Es decir que esto lo podría haber resuelto sin necesidad de que recurramos a nada, sino como una ciudadana con obligación de establecer el origen de los chicos. La responsabilidad empieza en esta persona. Esto dicho con mucha compasión, porque en realidad los expedientes contienen irregularidades muy sentidas, falsedades, historias que no son ciertas. Todo el proceso es dudoso. La responsabilidad de la situación de los chicos viene primero por quien los adoptó con tantas irregularidades y no les dio las respuestas necesarias. Nosotras fuimos a hablar dos veces con ella pero no nos recibió. Nos atendió el señor (Héctor) Magnetto. Queríamos buscar respuestas y soluciones de una manera rápida y discreta. Fue en el ’90 o ’91, mucho antes de que iniciáramos la causa, porque nosotras pensábamos que era una señora civil que habría adoptado dos chicos, quizá, sin saber el origen y dijimos, ‘vamos a hablar’, como lo hicimos en otros casos, porque eran personas de buena fe. Pero lejos de recibirnos nos mandó con este señor, que terminó queriendo cambiar información que él tenía por que nosotras denunciáramos a los denunciantes.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- L'argument de leurs avocats, c'est que si le résultat n'a pas été connu plus tôt, c'est parce que Abuelas n'a pas voulu, qu'eux ils se sont soumis à la prise de sang plus tôt mais que Abuelas leur a mis des bâtons dans les roues...
- Ça c'est faux de bout en bout. D'abord, cette dame [Ernestina Herrera de Noble, la mère adoptive] a dit dans une lettre ouverte, dans une déclaration publique, qu'à plusieurs reprises, elle avait parlé avec eux parce qu'elle soupçonnait qu'ils pouvaient être les enfants de personnes arrêtées ou victimes du régime militaire. Autrement dit, elle aurait pu résoudre cette histoire sans que nous ayons besoin de faire quelque recours que ce soit, en tant que citoyenne qui a l'obligation d'établir l'origine des gamins. La première responsable, c'est cette personne. Et je suis bien gentille de le dire comme ça, parce qu'en réalité, les prodécures [d'adoption] contiennent des irrégularités carabinées, des falsifications, des histoires qui ne tiennent pas debout. Toute la procédure est suspecte. La responsabilité de la situation des jeunes gens, c'est d'abord celle de qui les a adoptés avec autant d'irrégularités (2) et ne leur a jamais apporté les réponses indispensables. Nous, nous sommes allées parler deux fois avec elle mais elle ne nous a pas reçues. C'est Monsieur Héctor Magnetto qui s'est occupé de nous. Nous voulions chercher des réponses et des solutions avec rapidité et discrétion. C'était en 90 ou en 91, bien avant que nous n'entamions la procédure, parce que nous, nous pensions qu'elle était une dame de la société civile (3), qu'elle avait adopté deux gamins sans connaître leurs origines, si ça se trouve, et nous nous sommes dit "Allons lui parler", comme on l'a fait dans d'autres cas, parce que c'était des gens de bonne foi. Mais loin de nous recevoir, elle nous a adressées à ce monsieur, qui a fini par vouloir modifier les informations qu'il détenait pour que nous, nous portions plainte contre les familles qui avaient porté plainte (4).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Y una vez que se inició la causa, ¿cuáles fueron las trabas? Ellos sostienen que ya entregaron muestras de sangre.
–Dieron la sangre pero en un lugar totalmente desconfiable, en el Cuerpo Médico Forense, que estaba intervenido por irregularidades y no tiene un laboratorio. Y entregaron prendas que está claro que fueron contaminadas por varias personas. Eso ni hay necesidad de repetirlo. Además tenían la pretensión de que se cruzara sólo con dos o tres familias y que se destruyeran las muestras, que no quedara rastros de su sangre o estudio en el Banco, cosa que también es ilegal. Siempre buscaron la ilegalidad. Por supuesto que los que entorpecieron fueron ellos. Pero esto ya tiene un tiempo corto porque ahora la urgencia de ellos se suma a la urgencia nuestra. Yo me he cansado de decir que hay abuelas que han muerto esperando encontrar a sus nietos y si alguno de ellos es uno de esos nietos buscados, no van a poder conocer a sus abuelos. Quienes les negaron esa posibilidad fueron los de su entorno. Por eso tenemos dudas y podemos suponer muchas cosas, pero son todas cosas inconsistentes, sólo supuestos.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Et une fois que la procédure enclenchée, quels ont été les obstacles ? Eux soutiennent qu'ils se sont déjà soumis à des prises de sang.
- Ils ont eu des prises de sang mais dans un endroit absolument pas fiable, à l'Institut Médico-Légal (5), qui était alors sous tutelle pour des irrégularités et qui ne dispose pas d'un laboratoire. Et ils ont remis des vêtements dont il est clair qu'ils avaient été pollués par plusieurs personnes. Ce n'est même pas la peine de revenir là-dessus. En plus, ils avaient l'outrecuidance de réclamer qu'on recoupe seulement avec deux ou trois familles et qu'on détruise les preuves, qu'il ne reste aucune trace de leur sang ou des examens dans la Banque [nationale de données génétiques], chose qui est tout aussi illégale. Ils ont toujours recherché l'illégalité. Bien sûr que ceux qui ont tout embrouillé, c'est eux. Mais ça a fait son temps, parce que maintenant leur urgence à eux s'ajoute à notre urgence à nous. J'en ai assez de dire qu'il y a des grands-mères qui sont mortes en attendant de trouver leurs petits-enfants et si l'un d'eux est un de ces petits-enfants recherchés, ils ne pourront pas connaître leurs grands-parents. Ceux qui leur ont refusé cette possibilité, c'est les gens de leur entourage. C'est pour ça que nous avons des doutes et que nous pouvons faire beaucoup de suppositions, mais tout ça, c'est des choses qui ne reposent sur rien de concret, juste des hypothèses.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Por ejemplo?
–Por ejemplo, que puede haber diferencias en el propio emporio mediático. A veces esas cosas pasan. O que hay una decisión personal de ellos o que tiene que ver con la salud de la mujer. O cosas externas. Porque ellos también tienen intereses foráneos y hay un desprestigio. La frase devuelvan a los nietos, que se dice cuando se hace un reportaje, por ejemplo, que fue tomada por muchas personas, también es un descrédito para ellos, que tienen también que cuidar sus intereses económicos.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Par exemple ?
- Par exemple, il peut y avoir des différends dans leur propre empire médiatique (6). Des fois, ce sont des choses qui arrivent. Ou bien il y a une décision personnelle de leur part, ou ça a à voir avec la santé de cette femme [leur mère adoptive]. Ou des choses au-delà des frontières. Parce qu'eux aussi, ils ont des intérêts à l'étranger et il y a une dévalorisation de leur image. La phrase qui se dit quand on fait un reportage par exemple, qui a été entendue par beaucoup de gens, ça renvoie aux petits-enfants, et c'est aussi un discrédit pour eux, qui doivent aussi protéger leurs intérêts économiques.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Marcela y Felipe sostienen que se van a hacer el análisis para preservar a su madre adoptiva pero hasta ahora sostenían que se negaban a hacerse los estudios para preservarla. ¿Cómo se explica?
–Por eso hablamos en el comunicado de ser cautelosos. Nuestros abogados no han podido leer la presentación completa. Cuando tengamos la lectura completa de la presentación formal, podremos quizá sacar algún otro tipo de conclusión.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Marcela et Felipe soutiennent qu'ils vont faire faire l'analyse pour préserver leur mère adoptive mais jusqu'à maintenant, ils soutenaient qu'ils refusaient de faire les examens pour la préserver. Comme vous comprenez ça ?
- C'est pour ça que nous parlons dans le communiqué de rester prudents. Nos avocats n'ont pas pu lire la présentation complète. Quand nous aurons la lecture complète de la présentation effective, nous pourrons, si ça se trouve, en tirer un autre type de conclusion.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Ella fue sobreseída por las irregularidades en los expedientes de adopción?
–El delito de apropiación de menores durante la dictadura no prescribe y sólo cesa de ser delito a partir de que las personas víctimas recuperan sus derechos. Si no fueran nietos, los delitos que se han observado en los expedientes de adopción, que efectivamente están, ya prescribieron.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Elle [Ernestina Herrera de Noble] n'est plus poursuivie pour les malversations sur les papiers d'adoption ?
- L'infraction d'adoption frauduleuse de mineurs pendant la dictature n'est jamais prescrite et ne cesse d'être une infraction qu'à partir du moment où les victimes retrouvent leurs droits. S'il s'avère qu'ils ne sont pas des petits-enfants, les infractions qui ont été observées dans les procédures d'adoption, et qui y figurent bel et bien, sont prescrites maintenant.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Entre las muchas teorías conspirativas que están dando vueltas hay una que sostiene que ellos saben que no van a dar positivo con las familias del Banco. ¿Es posible que sepan eso?
–Pero entonces lo hubiesen hecho antes. ¿Por qué a nosotros se nos reforzaba más la idea de que fueran nuestros nietos? Por la negativa, porque ellos se negaban, porque engañaron, mintieron, los abogados los hicieron responsables de entregar ropa contaminada. Fue una estrategia para promover el olvido, dejar sin efecto nuestro trabajo. Entonces uno pensaba son...
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Parmi les nombreuses théories du complot qu'on entend ci et là, il y en a une qui soutient qu'eux savent que les tests sur eux ne vont être positifs avec aucune des familles de la Banque. C'est possible qu'ils sachent ça ?
- Mais dans ce cas-là, ils auraient fait ça plus tôt. Pourquoi notre idée qu'ils doivent être nos petits-enfants s'est-elle renforcée ? A cause de leur refus, parce qu'eux, ils refusaient, parce qu'ils ont dissimulé, menti, leurs avocats leur ont fait prendre la responsabilité de remettre des vêtements pollués. Cela a été une stratégie pour favoriser l'oubli, laisser sans effet notre travail. Alors on pensait qu'ils étaient nos petits-enfants...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Pero puede ser que se enteraran ahora? ¿Es posible que tuvieran acceso a información del Banco?
–No, no. Tendría que haber sido una cosa... es imposible casi... que ellos se hayan hecho sus análisis en un laboratorio y los hayan mandado para comparar y que haya en el Banco alguien que lo haya hecho... el Banco está muy bien resguardado, hay cosas que las hacen unos y otros no lo saben y está bajo custodia de gente que nos merece total confianza. De todas formas, si llegara a pasar que no dan inclusión con ningún familiar, este mapa genético queda en el Banco porque el día de mañana puede aparecer la familia. Eso ha pasado, que tardíamente una familia se enteró que una joven había dado a luz. Las mamás que no tenían tanto contacto con sus hijas no saben si estaban esperando un bebé cuando fueron secuestradas y hay denuncias que han llegado tarde. El caso Amarilla-Molfino es un caso de un chico que se presentó y se analizó y no daba con nadie y de repente hubo un testimonio de una liberada y la familia se analizó sin saber que este chico ya estaba en el Banco y se lo encontró inmediatamente.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Mais il serait possible qu'ils sachent maintenant ? Est-il possible qu'ils aient eu accès à l'information de la Banque ?
- Non, non. Il faudrait que ce soit une chose... C'est impossible presque...Qu'ils aient fait leurs analyses dans un laboratoire et qu'ils les aient envoyées à comparer et qu'il y ait eu à l'intérieur de la Banque quelqu'un qui l'ait fait... La Banque est très bien protégée, il y a des choses que les uns font et que les autres ne savent pas, c'est placé sous la surveillance de gens qui méritent une totale confiance de notre part. Et dans tous les cas de figure, s'il arrivait que leurs résultats ne se recoupent avec aucun membre d'aucune famille, cette carte génétique (7) reste à la Banque parce que demain, la famille peut apparaître. C'est arrivé que sur le tard, une famille se rende compte qu'une jeune femme avait donné la vie. Les mères qui n'avaient pas tellement de contact avec leurs filles ne savent pas si elles attendaient un bébé quand elles ont été séquestrées et il y a des dépôts de plainte qui arrivent tard. Le cas Amarrilla-Molfino est le cas d'un jeune qui s'est présenté et a fait faire son analyse et ça ne correspondait à personne et soudain, il y a eu un témoignage d'une personne libérée et la famille a fait faire ses analyses sans savoir que ce jeune homme était déjà à la Banque et elle l'a trouvé tout de suite (8).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Otra teoría dice que el Gobierno (o Abuelas) hizo el estudio cuando se entregaron las prendas y dio negativo y que Marcela y Felipe saben que no dan porque el Gobierno lo sabe...
–También pueden decir que yo no tengo ningún nieto, que mi hija está viva, que está en España... Son infamias.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Une autre théorie dit que le Gouvernement ou Abuelas a fait faire les examens quand les vêtements ont été remis et qu'ils ont été négatifs et que Marcela et Felipe savent que ça ne marche pas parce que le Gouvernement le sait...
- Et puis on peut dire aussi que je n'ai pas de petit-fils, que ma fille est vivante, qu'elle est en Espagne... C'est ignoble. (9)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Si pudiera hablar un rato tranquila con ellos ahora, ¿qué les diría?
–Nosotros no fuimos a hablar nunca con ellos porque no queremos molestarlos, para que no sientan un acoso. Los hemos respetado. Ellos jamás han tenido un gesto para con nosotros. Cuando se fueron a analizar al Cuerpo Médico Forense los nietos recuperados hicieron una carta y se la acercaron a la joven. Se la dieron y ella inmediatamente se la pasó a otra persona. Eran unas pocas palabras de aliento, les decían que no les iba a pasar nada, que todo era para bien, que tuvieran confianza. Que entendían lo que estaban pasando pero que tuvieran fuerza y se animaran porque lo único que iban a recibir era la libertad. Era un texto de los jóvenes, las Abuelas nunca. Ahora les diría que nos han dado una alegría, porque por fin se inicia el camino de la verdad y los principales beneficiados van a ser los chicos. Si son, van a resolver una situación de vida, que es natural y necesaria en todo ser humano: saber quién se es. Y si no son, también, porque por lo menos por parte nuestra este tema se cierra... se cierra en tanto en un futuro no se sepa que corresponden a otra familia que ingresó luego. Y quedarán los chicos con estos años de arrastre, manoseo y victimización por parte de la gente que decía que los ayudaba. Y si llegaran a ser, que se queden tranquilos porque lo único que van a conseguir van a ser beneficios y tranquilidad de vida y libertad, nadie los va a sacar de donde están, ni va a querer cambiarles la existencia, las relaciones sociales o económicas que tengan. Lo que sea de ellos es de ellos solamente y van a ser libres y personas plenas. Y van a encontrar a los abuelos, si están, o a lo mejor tíos, hermanos, nunca se sabe.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Cela vous ennuie que l'affaire se présente au milieu d'un contentieux entre le Groupe Clarín et le Gouvernement ? Et qu'on interprète le résultat négatif des analyses comme une défaite pour le Gouvernement ou vice-versa ?
- Cela m'ennuie parce que ce n'est pas du tout ça. Nous, les Grands-Mères de la Place de Mai, nous avons engagé cette procédure bien, mais bien avant qu'il y ait les Kirchner au Gouvernement. Nous, nous travaillons indépendamment avec nos investigations et avec la Justice. Ce qui se passe, c'est que comme l'Etat, par obligation aussi, est en train d'enquêter sur Papel Prensa et l'affaire Graiver (10). Eux, ils mêlangent tout. Pour Abuelas, cette affaire est une affaire comme les autres. Ce n'est pas parce que c'est Madame Herrera de Noble. Je n'arrête pas de le dire, elle pourrait s'appeler Juana Pérez que nous aurions exactement le même comportement d'enquête et de persévérance pour aboutir aux résultats et pour connaître la vérité avec un seul objectif qui est que ces personnes retrouvent leurs droits.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Si pudiera hablar un rato tranquila con ellos ahora, ¿qué les diría?
–Nosotros no fuimos a hablar nunca con ellos porque no queremos molestarlos, para que no sientan un acoso. Los hemos respetado. Ellos jamás han tenido un gesto para con nosotros. Cuando se fueron a analizar al Cuerpo Médico Forense los nietos recuperados hicieron una carta y se la acercaron a la joven. Se la dieron y ella inmediatamente se la pasó a otra persona. Eran unas pocas palabras de aliento, les decían que no les iba a pasar nada, que todo era para bien, que tuvieran confianza. Que entendían lo que estaban pasando pero que tuvieran fuerza y se animaran porque lo único que iban a recibir era la libertad. Era un texto de los jóvenes, las Abuelas nunca. Ahora les diría que nos han dado una alegría, porque por fin se inicia el camino de la verdad y los principales beneficiados van a ser los chicos. Si son, van a resolver una situación de vida, que es natural y necesaria en todo ser humano: saber quién se es. Y si no son, también, porque por lo menos por parte nuestra este tema se cierra... se cierra en tanto en un futuro no se sepa que corresponden a otra familia que ingresó luego. Y quedarán los chicos con estos años de arrastre, manoseo y victimización por parte de la gente que decía que los ayudaba. Y si llegaran a ser, que se queden tranquilos porque lo único que van a conseguir van a ser beneficios y tranquilidad de vida y libertad, nadie los va a sacar de donde están, ni va a querer cambiarles la existencia, las relaciones sociales o económicas que tengan. Lo que sea de ellos es de ellos solamente y van a ser libres y personas plenas. Y van a encontrar a los abuelos, si están, o a lo mejor tíos, hermanos, nunca se sabe.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Si vous pouviez leur parler tranquillement un moment, que leur diriez-vous ?
- Nous, nous ne sommes jamais allées leur parler parce que nous ne voulons pas les importuner, pour qu'ils ne se sentent pas harcelés. On les a respectés. Eux n'ont jamais eu un geste envers nous. Quand ils sont allés faire faire une analyse à l'Institut Médico-Légal, les petits-enfants retrouvés leur ont fait une lettre et l'ont tendu à la jeune fille. Ils la lui ont donnée et elle, immédiatement, l'a passée à une autre personne. C'était quelques mots de soutien, ils leur disaient qu'il n'allait rien leur arriver, que tout était à bonne fin, qu'ils gardent confiance. Qu'ils comprenaient ce qu'ils étaient en train de vivre mais qu'ils aient du courage et qu'ils tiennent bon parce que tout ce qu'ils allaient recevoir, c'était la liberté. C'était un texte des jeunes, les Grands-Mères jamais. Maintenant, je leur dirais qu'ils nous ont fait plaisir parce qu'enfin on prend le chemin de la vérité et que ceux qui vont en tirer le plus grands bénéfices, ce sont eux, ces jeunes gens. S'ils sont nos petits-enfants, ça va résoudre une situation de vie, qui est naturelle et nécessaire à tout être humain, savoir qui l'on est. Et s'ils ne sont pas nos petits-enfants, c'est pareil, parce que de notre côté, on tourne la page. On la tourne pour autant que, dans le futur, on n'apprenne pas qu'ils correspondent à une autre famille qui intégrerait [la Banque] par la suite. Et ces jeunes resteront avec ces années de tirage à hue et à dia, de manipulation et de victimisation de la part des gens qui leur disaient qu'il les aidaient. Et s'il se trouvent qu'ils sont nos petits-enfants, qu'ils restent calmes parce que tout ce qu'ils vont obtenir c'est d'en tirer bénéfice, une vie tranquille, la liberté, personne ne va aller les retirer de là où ils sont ni ne va vouloir leur changer l'existence, les relations sociales ou économiques qu'ils ont. Ce qu'il en sera d'eux, c'est eux seuls qui en décideront et ils vont être libres, des personnes à part entière. Et ils vont rencontrer leur grands-parents, s'ils sont toujours de ce monde, ou au moins des oncles et tantes, des frères et soeurs, on ne sait jamais.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Si no da positivo, ¿sería una decepción en lo personal?
–Nosotros estamos buscando centenares de chicos y ya nos ha pasado que chicos que creíamos casi con certeza que eran nuestros nietos no dieron. Incluso en lo personal, cuántas veces tuve la esperanza de que el que se analizara pudiera ser mi nieto y no resultó ni mi nieto ni un nieto buscado. Es un poco la rutina de nuestro trabajo. Buscamos sin saber el resultado, porque es buscar una aguja en un pajar. Los que saben no lo dicen. Seguro que los entregadores de nuestros nietos saben muy bien a quiénes se los dieron y quiénes los tienen.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Et si ce n'est pas positif, ce serait une déception sur le plan personnel ?
- Nous, nous sommes à la recherche de centaines d'enfants et il nous est arrivé que des enfants que nous croyons avec une quasi-certitude être nos petits-enfants ne l'étaient pas. Sur le plan personnel même, combien de fois j'ai eu l'espoir que celui dont on pratiquait l'analyse pourrait être mon petit-fils et il s'est avéré qu'il n'était ni mon petit-fils ni un petit-fils recherché. C'est un peu la routine de notre travail. Nous cherchons sans connaître le résultat, parce que c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. Ceux qui savent ne le disent pas. C'est sûr que ceux qui ont remis nos petits-enfants savent très bien à qui ils les ont donnés et qui les détient.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
lire également, dans la même édition du même journal, l'éditorial de Horacio Verbitsky, qui préside un conseil officiel lié aux droits de l'homme en Argentine
Sur ces affaires de rétablissement des droits de l'homme en Argentine et en Uruguay, cliquez sur le mot-clé JDH dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, pour lire tous les articles qui s'y rapportent sur Barrio de Tango
Pour mieux connaître le combat de Abuelas, visitez le site Internet de l'ONG (le lien se trouve dans la Colonne de droite, dans la partie basse réservée aux liens externes, dans la rubrique Cambalache casi ordenado, sous-rubrique Droits de l'Homme).

(1) Je garde une traduction littéraire mais spontanément en français, je pense que personne ne s'exprimerait ainsi. En français, surtout en Europe, dans un cas comme celui-là, on dirait : il n'y a que l'ADN qui puisse le dire. Dans l'expression employée par Estela de Carlotto, il n'y a ni connotation superstitieuse ni connotation passéïste, juste la trace sémantique d'un long combat législatif sur le type de prélèvement efficace qu'il fallait que la loi impose pour assurer que le test soit bien réalisé sur un prélèvement de la personne à identifier, sans substitution possible. La prise de sang présente cette assurance. Le recueil de cheveux sur une brosse ou un peigne ou de salive sur une brosse à dents a donné bien des désillusions dans le passé, avec des faux cheveux ou une fausse brosse à dents. Un peu mais en plus grave, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de l'inscription d'une personne dans une lignée familiale, que de l'identité de naissance d'un être humain, un peu comme la lutte anti-dopage sur des prélèvements d'urine a laissé passer bien des tricheurs à travers les mailles du filet.
(2) En effet, les vices de forme sont légions dans cette histoire, avec des témoignages de gens qui n'ont même jamais existé ou d'autres qui n'ont rien vu ni connu, et qui ont disparu depuis.
(3) La plupart des parents adoptants d'enfants volés étaient des militaires, des policiers ou des officiers de renseignement. Il est très rare qu'il se soit agi de personnes sans lien avec ces corps constitués qui étaient le bras armé du régime, en matière technique et idéologique.
(4) Il s'agit de trois ou quatre familles qui pensent que Felipe et Marcela Noble pourraient être les enfants qu'elles recherchent. La denuncia est un acte de procédure qui correspond à peu près à notre dépôt de plainte de droit français mais ça n'est pas exactement la même chose non plus. Les procédures judiciaires argentines fonctionnent selon un schéma global qui vient du droit romain, comme la justice espagnole dont le droit argentin est issu, en procédure contradictoire, mais elles ont aussi subi ici et là des influences du droit anglais et du droit des Etats-Unis.
(5) Vous imaginez un peu la difficulté que rencontrent les justiciables argentins, dans de simples affaires de droit commun, sans même parler de ces causes particulières que suit Abuelas et qui sont à l'origine des affaires politiques, si ce qui tient lieu d'institut médico-légal n'est pas fiable. Textuellement, il s'agit du "corps médical du Parquet".
(6) Il s'agit du groupe de presse Clarín qui comprend plusieurs quotidiens, des magazines et une chaîne de télévision (TN, todo noticia, une chaîne du câble, payante, sur laquelle Mauricio Macri exige que se tienne l'unique débat du premier tour des élections portègnes, toutes proches, alors que son principal adversaire, Daniel Filmus, vient de le refuser tout net, pour ne pas donner ce coup de pouce de plus à un groupe qui jouit d'une position hégémonique dans le paysage médiatique argentin). Toute cette partie de l'interview rappelle furieusement les méandres de l'affaire Bettencourt qui atteint l'image de L'Oréal, pourtant totalement étranger à cette histoire de famille si malodorante.
(7) Estela de Carlotto parle de mapa genético, de plan génétique, de carte, au sens géographique du terme, là où nous, en Europe, nous parlons d'empreinte génétique. Je tiens à signaler cette différence sémantique parce qu'elle est très importante : nous parlons, nous, d'empreinte génétique par assimilation à l'empreinte digitale parce que la recherche de l'identité par l'ADN, chez nous, s'est mise en place essentiellement dans un contexte de lutte contre la criminalité de droit commun, dans des affaires crapuleuses, de viol pour la majeure partie des affaires. En Argentine, dans ce cas précis, il est inenvisageable de recourir à un vocabulaire policier, car les tests sont pratiqués pour établir l'identité de victimes d'un système politique honni, les enfants de disparus d'une part et les membres survivants de leur famille d'autre part. Donc on ne peut pas parler d'empreinte génétique. Même si techniquement, il s'agit bel et bien du même travail scientifique.
(8) Sur l'affaire Amarilla-Molfino, voir mon article du 4 novembre 2009.
(9) Sur l'histoire personnelle de Estela de Carlotto, voir mon article du 12 avril 2011 sur le témoignage qu'elle donné au procès de Comodoro Py, où sont jugés cette année les responsables du système d'adoption frauduleuse des enfants des opposants arrêtés et assassinés.
(10) Papel Prensa, la seule papeterie argentine produisant du papier journal, était la propriété de Monsieur Graiver, qui était très opposé à sa cession au Groupe Clarín, qui l'a finalement achetée, sous la dictature, après la mort accidentelle du propriétaire, pour un prix dont on soupçonne qu'il était largement sous-évalué. Le reste de la famille a connu de graves ennuis après la mort du patriarche et il est très difficile de faire la lumière sur la réalité de cette transaction, les survivants de la famille semblant eux-mêmes peu enclins à revivre ces années sombres de leur histoire en répondant aux questions des enquêteurs. Cette enquête a été lancée l'année dernière, à partir d'un rapport commandé par le Gouvernement et dont le résultat, très accusateur pour le groupe Clarín, a été présenté à la presse et assumée en personne par Cristina Kirchner, la Présidente.