samedi 27 septembre 2008

La Chicana au CC Torquato Tasso [à l’affiche]


Vendredi et samedi soir, les 19 et 20 puis 26 et 27 septembre, le groupe de tango La Chicana se produit au Centro Cultural Torquato Tasso dans le quartier de San Telmo. Le show commence à 22h, l’entrée est à 40$.

La Chicana (inutile de traduire, c’est la même chose en français à une voyelle près) est un groupe animé par la chanteuse Dolores Solá (dite Lola Solá) et l’auteur-compositeur-interprète et guitariste Acho Estol. Le quotidien portègne Página/12 dit du groupe qu’il est "heureusement inclassifiable" (felizmente inclasifiable). Dont acte. La première collaboration entre la chanteuse et le guitariste remonte à 1990, quand lui était son arrangeur à elle et l’accompagnait dans ses tours de chants. Depuis ils se sont mariés, ils ont eu des chiens (et pas d’enfants, "faut s’en occuper, c’est compliqué. Un chien au moins, ça a l’élégance d’être indépendant" balance délicatement Acho Estol dans l’interview qui concluait ce vendredi l’article que leur consacrait Página/12, édition du 26 septembre). Chacun d’eux développe aussi une carrière de soliste, indépendamment de l’autre.

Avec d’autres musiciens d’une dizaine d’années leurs cadets, ils ont tous les deux fondé en 1995 un ensemble atypique (bandonéon, percussion, guitare basse, violon et guitare), qui joue volontiers sur le registre de la provoc gothique. Dans leur répertoire, se côtoient à part égale les grands classiques revus et corrigés par leurs arrangements tout à la fois orthodoxes (et très respectueux de la tradition et des auteurs) et un brin punks (gothiques, quoi !) et des compositions originales assez décoiffantes, dont l’essentiel (texte et musique) est d’Acho Estol.

Si vous aimez les frissons, dans l’un de leurs derniers disques, vous adorerez Frankenstein, un tango hors norme, dont la musique est d’Acho Estol et la letra (un poème en fait) de Luis Alposta et vous pouvez vous offrir votre dose de frayeurs en cliquant tout de suite sur le titre pour voir ce que ça donne sur leur site. Ils y offrent quelques clips à regarder et quelques extraits de morceaux à écouter, ça vaut le coup. Entrez en cliquant sous la gueule du clébard (1), là où ils vous laissent le choix entre "Ingresar" et "English version". Sur le disque qui apparaît alors (celui qui figure en haut de cet article), vous cliquez sur la vignette médiévale barrée par le bord du couvre-chef du chef, à 3h15.

En admirant ce superbe disque frappé en son centre des armes de Buenos Aires, vous aurez remarqué qu’ils sont punks, gothiques, pas sortables, mais en couleurs et quelles couleurs !

La Chicana a déjà à son actif plusieurs disques, dont trois sont disponibles (ils en ont en fait enregistré cinq ensemble). L’un d’entre eux est relativement facile à trouver en Europe, il s’intitule Tango Agazapado (Tango à l’affût), précisément celui qui présente le fameux Frankenstein dont je vous traduis ci-après le premier couplet (avec l’autorisation de Luis, dont je sais bénéficier par avance de toute l’indulgence...).

Entre el horror y el espanto
hago de mi grito un canto
mi drama es no tener madre
y ser engendro (2) de un padre
que ahora reniega (3) de mi.

Frankenstein, Luis Alposta

Entre l’horreur et l’épouvante
Je fais de mon cri un chant
C’est mon drame que ne pas avoir de mère
Et d’être le monstre d’un père
Qui maintenant me donne des noms d’oiseau.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Le 4 octobre, La Chicana, qui était au mois de mai en tournée en Europe, se produira à La Plata, la capitale de la Province de Buenos Aires, au Tango Criollo Club, à 22h (25 $ l’entrée).

(1) clébard, clebs, cador : perro en argot parisino.
(2) engendro : c’est à la fois le fétus, le nouveau-né mal formé, aux proportions anormales, et toute personne très laide. Et dans le genre, Frankenstein est assez réussi...
(3) renegar : renier mais aussi en langage quotidien insulter, "habiller pour l’hiver"