mardi 5 mai 2009

Documents audio imperdibles sur Noticia Buena [radio]

Ci-contre, plaque en l'honneur de Edmundo Rivero photographiée en août 2007
à El Viejo Almacen (côté Independencia)
En dessous, décoration intérieure de la Esquina Osvaldo Pugliese (à Boedo)


Gardel en guarani, Edmundo Rivero et Osvaldo Pugliese + un petit bout de dictionnaire espagnol-guarani signé Luis Alposta : franchement, il ne faut pas louper ça...

Les fidèles lecteurs de Barrio de Tango savent que sur Noticia Buena, il faut ne pas perdre de temps, car le site se renouvelle souvent. Les nouveaux lecteurs risquent, eux, de le découvrir à leurs dépends. Donc autant vous prévenir tout de suite : le journaliste Marcelo Villegas change le contenu de son site environ tous les 15 jours en ce qui concerne les entrefilets et documents sonores de Luis Alposta et tous les mois en ce qui concerne les interviews de Para escucharnos en los valores. Donc ni une ni deux, connectez-vous !

Cliquez sur ce lien pour accéder à l’article de Luis Alposta où vous découvrirez l’explication et la traduction de 5 mots guarani (1) qui ont trouvé place dans le lexique portègne et qu’on rencontre souvent dans l’univers du tango : bataraz (coloré, tinté, teint) et caburé, nom d’un oiseau de proie qui passait pour porter chance, pour ne citer que deux termes (je ne vais pas vous raconter la fin du film, tout de même !). Et comme d’habitude, le document sonore est en bas de la page : Carlos Gardel, chantant en guarani (si, si), le tango Los Indios de Francisco Canaro et Juan Andrés Caruso.
Ne me dites pas que vous allez passer à côté d’un truc comme ça ! Ce serait un crime...

En cliquant sur cet autre lien, vous irez directement aux interviews de Para escucharnos en los valores. Les interviews proposées ce mois-ci par Marcelo Villegas sont celles (entre autres) du payador uruguayen José Curbelo (2) dont je vous parlais hier au sujet du concert de Nelly Omar au Luna Park. Il faisait partie des 5 artistes qui assuraient la première partie de la soirée samedi dernier (lire l’article sur le concert de Nelly Omar). Dans l’interview, il parle de la créativité, du rôle de son art en Uruguay, du chemin qui l’a conduit à choisir ce métier, cette vocation artistique. L’entretien se passe par téléphone. Il se peut que vous ayez à l’écouter en plusieurs fois si vous n’êtes pas complètement familier de l’accent rioplatense. Mais ça vaut le coup.

L’autre émission qu’il faut écouter, quand on s’intéresse au tango, est celle qu’a montée Marcelo Villegas à partir de 3 interviews qu’il a réalisées, très jeune (3), quand il avait un autre timbre de voix (c’est lui qui le dit), dans d’autres circonstances, il y a plusieurs années de cela, avec le poète et letrista Héctor Gagliardi (1909-1984), le chanteur et compositeur Edmundo Rivero (1911-1986) et le compositeur et pianiste Osvaldo Pugliese (1905-1995).

Vous entendrez Gagliardi dire un de ses textes.

Vous entendrez Edmundo Rivero chanter El Conventillo et Mis consejos en s’accompagnant lui-même à la guitare et parler, avec sa voix grave et sourde, de El Viejo Almacén, sa tanguería de la esquina Independencia y Balcarce, dont on fête cette semaine le 40ème anniversaire de la fondation... Vous entendrez aussi Marcelo lui parler de leur ami commun, Luis Alposta, avec lequel le musicien et chanteur composa un bon nombre de tangos dont Melingo reprend certains dans ces tours de chant (lire l’article sur la tournée de Daniel Melingo en ce printemps et cet été 2009).

Mais la partie la plus importante de cette émission-là est occupée par l’interview qu’Osvaldo Pugliese a accordée à Marcelo, dans son appartement de l’avenue Corrientes, au 3742, là où il y a aujourd’hui une plaque du fileteador Luis Zorz à sa mémoire. Vous entendrez le Maestro faire l’analyse politico-économique de ce qu’est le tango, sa capacité à accéder à son public local et nous raconter pourquoi les années 40 furent cet âge d’or du tango, avec "su ramo de poetas" et sa brochette de musiciens exceptionnels (4) dans l’histoire du genre. Vous l’entendrez raconter ses débuts dans les années 20, parler d’un camarade musicien d’alors qui n’avait plus ses jambes et de la création de Recuerdo et de Ausencia. Vous l’entendrez citer Roberto Goyeneche et María Graña. Il y parle aussi de ses voyages à l’étranger, en Chine, en URSS, au Japon, aux Etats-Unis... L’interview est bien sûr illustrée d’une... Yumba par le Maestro et son orchestre, avec ce son de chat écorché vif et ce rythme percuté qui le caractérisent si bien.

Comment mieux vous dire que, toutes affaires cessantes, il faut vous dépêcher d'aller sur ce site (c’est du streaming non téléchargeable mais les émissions peuvent s’écouter et se réécouter sans fin tant qu’elles sont en ligne - et elles ne le seront pas indéfiniment). En plus, Marcelo a réalisé tout ça exprès pour "los amigos tangueros" et los amigos tangueros, c’est nous, même si nous nous trouvons à 10 000 ou 14 000 kilomètres de distance et que nous parlons une autre langue, quelle qu’elle soit.

Je vous redonne le lien Para escucharnos en los valores (c’est mon jour de bonté).


(1) guarani : nom d’un peuple indien du nord de l’Argentine, du sud du Paraguay et de la Bolivie. C’est à eux que l’on doit le mate, qui était leur boisson avant l’arrivée des Européens. Il suffit d’ailleurs de voir le récipient mate et sa pipette métallique, la bombilla, pour se rendre compte assez vite que ces ustensiles ne viennent pas de Madrid ou de Séville. Les mots des Indiens sont entrés dans l’univers linguistique des Espagnols y compris dans ces terres très au sud du continent où le métissage a été moins important qu’au nord du sous-continent (Colombie, Pérou, Venezuela...)
(2) Le payador est un improvisateur de musique et de vers dont l’art a été essentiel au surgissement d’une culture propre au Río de la Plata, grâce à l’itinérance des payadores dans toute la région, des deux côtés de l’estuaire, de hameau rural en bourgade un peu plus urbanisée, avec un almacén, ce magasin général qui réunissait toute la communauté locale, du bivouac des gauchos à la belle étoile aux faubourg de la ville, du côté de La Boca, de Mataderos ou de Palermo, ou vers Piedras ou les abords de Montevideo. Aujourd’hui, le payador maintient vivante une tradition mais il ne joue plus ce rôle de constructeur de la culture qu’il a pu avoir dans les années 1860-1910. L’apparition du disque, de la radio, puis de la télé et maintenant d’Internet a eu raison de la gloire du payador.
(3) Héctor Gargliani l’appelle Marcelito au début de l’interview (le petit Marcelo) et pibe (le môme) à la fin. Edmundo Rivero parle aussi de Marcelito et le tutoie. Et Don Osvaldo dit aussi Marcelito mais il lui dit vous.
(4) "su ramo de poetas" : son bouquet de poètes. L’expression est dans la bouche d’Osvaldo Pugliese. Sa brochette de musiciens : Osvaldo Pugliese les cite tous, y compris Juan D’Arienzo, alors que tous les deux ont divisé la ville en deux camps dans les années 30 et 40. Juan d’Arienzo n’a pas, que je sache, enregistré de morceaux de Pugliese (c’est sûrement un bien d’ailleurs, parce qu’il en aurait sans doute affadi le cachet). En revanche, Pugliese a enregistré au moins un tango de D’Arienzo, le fameux El vino triste, et il en a fait une merveille de nuances et de variations musicales et interprétatives...