D’ordinaire, la Avenida de Mayo affecte des airs de Champs Elysées. Heureusement, elle ne s’y prend pas très bien et "ça la fait pas". Mais grâce à ses à-peu-près, elle réalise un tour de force qui est bien plus intéressant : la Avenida de Mayo ressemble surtout à... la Avenida de Mayo. (1)
Cependant lundi, Mayo va prendre une petite allure de Croisette du côté du numéro 835, quelque part pas loin de la esquina Mayo y Piedras. Même la montée des marches est prévue : l’entrée du Palais (2) est dotée de 3 marches, très belles, en marbre. Mieux encore : le grand escalier qui mène au Museo Mundial del Tango côté Rivadavia (derrière), au numéro 830. Et là, vous avez besoin de plusieurs fois vos deux mains pour les compter, les marches !
Lundi soir, donc (trêve de plaisanteries douteuses !), se tiendra, comme un lundi sur deux, une réunion publique (plenario) offerte par la Academia Nacional del Tango et le thème de la conférence sera Tango et Cinéma. Et il y en a des choses à dire là-dessus !
A commencer par tous les artistes de tango qui ont fait du cinéma comme acteurs (Carlos Gardel, dès 1917 et jusqu’en 1935, à Paris et à New York, Libertad Lamarque au Mexique, Tita Merello, Hugo del Carril, Enrique Santos Discépolo, Roberto Goyeneche, tous en Argentine, Horacio Ferrer en France, j’en passe et pas que des mauvais), comme réalisateurs et/ou scénaristes (Alfredo Le Pera, Enrique Santos Discépolo, Homero Manzi, Hugo del Carril...), comme auteurs de bandes-son (Carlos Gardel, Homero Manzi, Enrique Santos Discépolo, Juan D’Arienzo, Astor Piazzolla ou Litto Nebbia lui-même, artiste si à part dans l’univers musical argentin dont il renverse toutes les barrières en pratiquant tous les genres....).
Sans oublier l’innombrable liste de documentaires, dont les récents Café de los Maestros ou Si sos brujo (dont Barrio de Tango a déjà parlé, voir le raccourci Cinéma, dans la rubrique Tangoscope, dans la Colonne de droite) et de métrages de fiction (longs, courts ou moyens) comme le film de Carlos Saura, Tango, ceux (plus authentiques et plus profonds) de Pino Solanas, Sur, El Exilio de Gardel..., et tous ces films qui prennent le tango pour prétexte et le mangent à n’importe quelle sauce, même la moins digeste (Tango Assasination, Le Dernier tango à Paris, Je ne suis pas là pour être aimé, pour citer trois titres bien connus des francophones).
Sans compter que le cinéma a inspiré lui-même plusieurs morceaux : Charlie Chaplin par exemple avec Un tango para Chaplin de Alfredo Gobbi fils, le compositeur-violoniste, ou Señor del Galerita (le monsieur au petit chapeau) de Marsilio Robles y Ghino Corrali, que chanta et enregistra la grande Nelly Omar ou, nettement moins connu, La pena de James Dean de Ferro et Roverano (volume 13 du Buenos Aires Tango Club, Jorge Caldara Años 57 al 60). Et plus proche de nous encore, Woody Allen.
Mais je n’ai ni les moyens, ni les ressources, ni la place de faire moi-même ici en français la conférence que donnera Pedro Ochoa lundi à 19h30 dans le Salón de los Angelitos Horacio Ferrer (vous connaissez tout ça par coeur, vous, les lecteurs fidèles, c’est pour les nouveaux que je précise tout ça).
Le titre de la causerie se passe de traduction : El Tango en el cine Mundial (avec une majuscule à Tango et une autre à Mundial).
Pedro Ochoa est danseur, musicien et écrivain. A la Academia,dont il est membre de plein droit (Miembro titular), il enseigne au Conservatorio de Estilos Tangueros Argentino Galván, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler à la fin de l'année dernière et à la rentrée scolaire argentine (qui a lieu tous les ans au mois de mars). Il a écrit un livre sur le sujet, Tango y cine mundial, qui a été publié en 2003 aux Ediciones del Jilguero et a même été récompensé par le Fondo Nacional de las Artes d'Argentine.
Pour l’occasion, le tango rituel de la soirée sera Woody Allen, de Raúl Garello et Horacio Ferrer, dans l’un des très rares enregistrements qui en existent, celui qui a été réalisé en 1992 par Raúl Garello et son grand orchestre. Un texte admirable et touffu, fondé dans le talent de jongleur verbal du poète et son immense culture cinématographique. Une musique valsante d’un des plus grands compositeurs actuels de l’univers du tango. Et la voix, très belle, d’un grand chanteur uruguayen, trop tôt disparu, Gustavo Nocetti (1959-2002).
Le disque, dont vous voyez la jacquette (3) en illustration de cet article, est sorti chez Melopea (comme par hasard !), dont le directeur n’est autre que Litto Nebbia (vous saviez aussi, depuis le temps que je vous en parle), lequel a épousé une petite-fille de... je vous le donne en mille ! Libertad Lamarque, la chanteuse, l’actrice, la comédienne dont cela m’étonnerait qu’on ne dise rien lundi soir (lire l'article de Barrio de Tango sur le dernier plenario consacré à Libertad Lamarque).
L’espace artistique sera confié au sextette de Mendoza Colectivo Tango dans lequel chante et joue Mariano Dalla Torre, qui est Académico Correspondiente dans la ville de Mendoza (chant et percussions, en l’occurrence le bongó et la caisse péruvienne, en espagnol cajón peruano). Les autres musiciens de la formation sont Carlos Acosta (piano électrique), Gustavo Bruno (guitare classique), Jorge Hernaez (contrebasse), Daniel Lewin (bandonéon) et Walter Casciani (saxophone).
Bien sûr, à la sortie du Palais, il n’y aura pas la vue sur la Méditerranée mais avouez que la soirée va tout de même valoir le coup (surtout que c’est gratuit. Alors qu’à Cannes, pas vraiment !)
Pour aller plus loin :
Découvrir Colectivo Tango sur sa page My space.
Le groupe se produit le 16 mai à 23h45 à Clásica y Moderna, Callao 892, à Buenos Aires.
Puis le 17 mai à 20h en plein air (et gratuit) à l’angle (esquina) entre Avenida de Mayo et rue Santiago del Estero, dans le cadre de la Gran Via de Mayo dont on a déjà parlé ici (cliquez sur Avda Mayo, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, en haut de l’article).
Enfin le 19 mai à 21h au Teatro Presidente Alvear, Corrientes 1659, où le sextette aura pour invités l’auteur-compositeur interprète et pianiste Claudia Levy (voir rubrique Vecinos del Barrio en Colonne de droite), la bandonéoniste Carla Algeri (regarder ou écouter ce clip très sombre mais avec interview et couple de danseurs sur You Tube) et les danseurs Rosalia et Alejandro.
Le lendemain, Colectivo Tango sera de retour à Mendoza, sur la scène du Teatro Quintinilla à 21h30.
Vous pouvez aussi vous connecter à la page My Space de Walter Casciani, le saxophoniste de la bande, et au site de Jorge Hernaez, le contrabassiste.
(1) Sinon, qu’irons-nous faire à Buenos Aires, nous les Européens, si c’était pour retrouver Londres ou Paris ?
(2) El Palacio Carlos Gardel, nom dont Horacio Ferrer a baptisé l’hôtel particulier typiquement alvearien dans lequel il est parvenu, non sans mal, à loger son Académie en janvier 2002. A côté et au dessus du Gran Café Tortoni.
Et si l’immeuble est alvearien, c’est qu’il date de la mandature municipale de Torcuato de Alvear, qui, à la fin du 19ème siècle, s’est rêvé en rebâtisseur du centre de Buenos Aires.
(3) Cette jacquette a été dessinée par Jorge Muscia pour toute la partie de filete (cet art orné typique de Buenos Aires). Le portrait de Woody Allen est l’oeuvre de Lulú Michelli, l’épouse de Horacio Ferrer, qui illustre la plupart des livres de son mari.
Pour aller plus loin : voir les articles rassemblés sous le raccourci Les artistes plastiques, de la rubrique Les artistes, dans la Colonne de droite, ou le raccourci Jorge Muscia dans la rubrique Vecinos del Barrio, section Les peintres, ainsi que tous les articles rassemblés sous le mot-clé Melopea, en haut de l’article, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search.