samedi 2 mai 2009

Alejandro Dolina reçu à la Academia Nacional del Tango au Plenario du 4 mai [à l'affiche

Le journaliste et écrivain Alejandro Dolina sera reçu lundi prochain Membre honoris causa de la Academia Nacional del Tango au cours du Plenario bi-hebdomadaire qui aura lieu, comme à chaque fois à 19h dans le Salón de los Angelitos Horacio Ferrer au 1er étage de l'hôtel particulier du 830 Avenida de Mayo (entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles).

Alejandro Dolina est un puits de culture tous azimuts. Il est particulièrement populaire pour une émission culturelle et humouristique, qu'il anime toutes les nuits en semaine, à partir de minuit, depuis plusieurs années, sur les ondes de Radio Continental, avec la complicité amicale de deux co-animateurs, Guillermo Stronati et Gabriel Rolón. L'émission se déroule en public à l'auditorium de l'hôtel Bauen (1) de la avenida Callao 360 et passe en direct à l'antenne. El Espectador sur Internet, une radio de Montevideo, en diffuse des extraits en direct le lendemain de 13h à 14h, extraits que vous pouvez entendre sous format podcast en vous connectant sur la page La Venganza será terrible ("restos humeantes", comme dit Alejandro Dolina, "des restes fumants") du site de El espectador (dans la rubrique Ecouter, dans la partie inférieure de la Colonne de droite, vous trouverez le lien).

Pour des internautes possédant une culture radiophonique francophone (et selon la génération à laquelle vous appartenez), on pourrait dire que l'émission se situe à mi-chemin quelque part entre Signé Furax ou Le Tribunal des Flagrants Délires d'une part, et Le Masque et La Plume (à la glorieuse époque des batailles des Thermopyles entre Georges Charensol et Jean-Louis Bory) ou Des Papous dans la Tête aujourd'hui, d'autre part... Autrement dit, les heures passent sans qu'on ait le temps de s'ennuyer vraiment.
Essayez un jour de vous mettre un petit extrait dans les oreilles en vous connectant à El Espectador, je vous jure que ça vaut la peine et suis prête à parier que vous y prendrez goût.

Alejandro Dolina est également un auteur qui a publié de nombreux ouvrages (voir son site, qui décline toute sa bibliographie) et un conférencier infatigable.

Au-delà de la réception de Alejandro Dolina, le Plenario tiendra sa conférence habituelle, en l'occurence un hommage à Alfredo Gobbi, surnommé El violin romántico del tango, sous le titre Alfredo Gobbi : el tango en estado puro (Alfredo Gobbi, le tango à l'état pur). La conférence sera délivrée par Alberto Romeo, membre de la Academia.

Pour la petite histoire, Alfredo Gobbi était né à Paris, en 1912. Ses parents y achevaient un assez long séjour en compagnie du payador et compositeur Angel Villoldo, surnommé el Padre del Tango, et qui fut le parrain du bébé. Villoldo et le couple Gobbi étaient arrivés en 1907, pour éditer des partitions et enregistrer des disques dans des conditions supposées meilleures qu'à Buenos Aires. Ils s'étaient installés dans le quartier des Halles, un quartier populaire qui est à présent l'un des plus chics de Paris, au 55 de la rue St-Denis. Dans le Paris de la Belle Epoque et des beaux quartiers, ce Paris mondain que décrit si bien Marcel Proust, ces trois artistes, issus des faubourgs métissés et plutôt remuants de Buenos Aires, séduisirent les maîtres du bon goût parisien qui dictaient la mode dans toute la France et une bonne partie de l'Europe occidentale, donnèrent des cours de tango aux dames et aux messieurs des beaux salons et y animèrent des bals. Bien entendu, quand ils rentrèrent à Buenos Aires et racontèrent qu'ils avaient été reçus par la Princesse Truc et la Comtesse de Machin, le Centro de Buenos Aires changea un peu d'attitude à l'égard du tango et se mit à lui faire meilleur accueil qu'auparavant... Mais, de ce côté-ci de l'Atlantique, l'engoûment de la bonne société pour l'exotisme de cette danse fut fatal à son authenticité et le tango fut très vite adultéré pour donner ce qui est aujourd'hui le tango standard ou tango international, qui est resté totalement inconnu à Buenos Aires jusqu'à nos jours. Le séjour parisien des Gobbi et de Villoldo, qui fit naître Alfredo Gobbi junior dans la Ville Lumière, fut le premier contact attesté du tango avec l'Europe hors hispanophonie (le tango avait atteint les ports espagnols dès 1903).

Côté musique : le tango rituel qui a été choisi pour la soirée est El Andariego de et par Alfredo Gobbi et son orchestre. Pour la musique en direct ("el espacio artistico"), le bandonéoniste Alberto Garralda et le pianiste Alberto Giaimo, qui travaillèrent tous deux dans la orquesta Alfredo Gobbi, et la guitariste Analía Rego joueront quelques pièces de ce répertoire.

Et pour mes lecteurs qui se trouvent à Paris, London, Roma, Gent ou Lausanne et non pas à Buenos Aires à quelques pas de la Academia Nacional del Tango, voici A mis manos de et par Alfredo Gobbi chanté par un autre Alfredo, Alfredo del Rio (merci à Todo Tango pour la richesse de sa discothèque en ligne qui me permet souvent d'illustrer musicalement les Plenarios académicos). On peut écouter aussi le tango hommage que Alfredo Gobbi avait rendu à l'un de ses contemporains, le grand pianiste de tango Orlando Goñi : A Orlando Goñi (un tango très célèbre pour nous puisque les DJ de milongas et nos professeurs de tango le passent souvent en Europe).
(1) L'Hôtel Bauen est un hôtel géré par une coopérative ouvrière, le personnel licencié qui a repris par la force son outil de travail il y a quelques années, au nez et à la barbe de la société propriétaire des murs, et qui a remis l'hôtel en service, avec sa confiteria et sa salle de spectacle. Régulièrement, le propriétaire obtient de la puissance publique l'ordre de déloger les occupants. Aussitôt un mot d'ordre de manifestation court la Ville et du monde se ressemble aux deux entrées de l'établissement, sur Callao et sur Corrientes, et la Police n'intervient pas. Cela a été vrai jusque là. Il n'est pas dit qu'il n'y aura pas un jour...