Il s’agit d’un livre qui vient de paraître aux éditions Edhesa, Piazzolla: el mal entendido (qu’on peut traduire de deux manières différentes, le malentendu ou l’incompris). Il a été écrit par Diego Fischerman, un chroniqueur culturel de Página/12 et de la radio publique de Buenos Aires consacrée au tango, la 2 x 4, et Abel Gilbert. Leur collaboration sur le sujet a duré cinq ans. Leur but était de comprendre comment Astor Piazzolla a pu devenir ce qu’il représente dans l’histoire de la musique argentine et mondiale, ce que le journaliste de Página/12 qui écrit la critique du livre dans le supplément culturel Radar, Juan Pablo Bertazza, définit comme un "équivalent musical de Borges". Et ils ont aussi exploré des aspects jusqu’à présent tenus dans l’ombre, comme les positions politiques contradictoires du compositeur, les polémiques qu’il a su déclencher et où d’aucuns voient des tactiques de marketing plus que des prises de position nécessaires, ses relations avec les autres musiciens de tango et avec les autres genres un peu partout dans le monde, et la querelle sur la nature même de la musique de Piazzolla et son appartenance ou non au tango...
Tout ce que semble avoir contenu en germe la prédiction que Carlos Gardel, sur le plateau du tournage de El día que me quieras, à New York début 1935, lui aurait dite : "Vas a ser algo grande, pibe, te lo digo yo. Pero el tango, lo tocás como un gallego" (tu seras quelqu’un, le môme, c’est moi qui te le dis. Mais le tango, tu joues ça comme un Espagnol) (1).
La biographie signée par Diego Fischerman et Abel Gilbert est une biographie qui dérange et qui gratte là où ça fait mal. C’est ce qu’on appelle dans le monde anglo-saxon comme en Argentine une biographie non autorisée (unauthorized, non autorizada), au sens où elle n’a pas reçu l’aval des ayant-droits de l’artiste ni celui de ses autres proches, les amis, les partenaires de création (comme Horacio Ferrer ou Amelita Baltar), les inteprètes (comme Fernando Suárez Paz ou José Ángel Trelles...).
Sur le marché, il n’existe finalement que très peu de biographies de Piazzolla. Même la grande collection encyclopédique La historia del Tango chez Corregidor, qui a consacré un volume entier à Gardel, un autre à Pugliese et un autre à Troilo, n’a jamais parlé d’Astor Piazzolla.... Il existe principalement deux biographies sérieuses sur lui : celle qu’a écrite sa fille, Diana Piazzolla, et qui s’intitule sobrement Astor, écrit du vivant de l’artiste mais publié après sa mort (il en existe une version en français aux éditions Atlantida) et dont le récit biographique à proprement parler s’arrête à peu près au moment du divorce entre Piazzolla et sa première femme, la mère de Diana et Daniel, ses deux enfants (2), l’original est paru chez Corregidor et celle qu’a écrite un journaliste, grand connaisseur de l’oeuvre de Piazzolla et ami personnel du compositeur, Natalio Gorín, sortie en espagnol (Astor Piazzolla, Memorias) puis en anglais (aux éditions Amadeus Press sous le titre Piazzolla, a Memoir), à partir d’une série d’entretiens qu’ils avaient eue en 1990, donc deux ans environ avant la mort du Maestro. Depuis, Natalio Gorín lui aussi s’en est allé, tout en nous laissant et son bouquin, qui a été réédité il y a quelques années à Buenos Aires, et le site Web, considéré comme le site officiel sur Piazzolla, dont vous trouverez le lien dans la Colonne de droite, dans la partie inférieure, dans la rubrique Los Troesmas.
Dans les deux cas, il s’agit de biographies écrites par des proches et des gens qui ont personnellement connu et aimé le musicien.
A côté de ces deux biographies, le récent album de photographies inédites du journaliste, photographe et mélomane, Carlos Carrizo, Imagenes de Piazzolla, dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises (pour accéder à l'article, vous pouvez explorer les articles consacrés à Piazzolla, ou ceux regroupés sous la rubrique Disques & Livres ou en tapant le titre dans le moteur de recherche interne, situé en haut à gauche de votre écran).
A côté de ces deux biographies, le récent album de photographies inédites du journaliste, photographe et mélomane, Carlos Carrizo, Imagenes de Piazzolla, dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises (pour accéder à l'article, vous pouvez explorer les articles consacrés à Piazzolla, ou ceux regroupés sous la rubrique Disques & Livres ou en tapant le titre dans le moteur de recherche interne, situé en haut à gauche de votre écran).
Ici, il s’agit d’un ouvrage d’auteurs non impliqués émotionnellement, dont on peut donc espérer une certaine objectivité, encore que lorsqu’il s’agit de Piazzolla, l’objectivité est de toute manière une vue de l’esprit. L’homme et l’artiste, par leur démesure, ne peuvent pas laisser aux commentateurs cette distance. Et qu’importe d’ailleurs ! Quelqu’aient été les malentendus autour de lui, et il est fatal qu’il y en ait eu, l’important, c’est que sa musique nous touche et nous émeut et qu’elle le fera encore très longtemps...
Radar ouvrait donc dimanche ses colonnes aux deux co-auteurs et vous pouvez lire une très longue interview d'eux (plusieurs pages A4) qui permet sans doute de se faire une idée du livre et d’avoir envie de l’acheter ou non. Pour ma part, j’ai relevé dans cette interview une inexactitude, un malentendu sur le malentendu ou plutôt un malentendu qui me paraît créé de toutes pièces : non, Piazzolla n’exagerait pas l’importance musicale de Nadia Boulanger, la professeure de composition (et non pas la tipa, la bonne femme) qui à Paris lui permit de se réconcilier avec le tango. Si, Nadia Boulanger était bien, à cette époque (1955), et demeure aujourd’hui encore une très grande dame de l’histoire de la musique, qui a formé de très nombreux et très grands compositeurs, interprètes et chefs d’orchestre du 20ème siècle, même si le fait qu’elle ait été une femme a sans doute sa part dans l’ombre dans lequel son souvenir est maintenu. Ce n’est donc pas Piazzolla qui joue avec ce nom pour prendre des poses, comme le suggére Diego Fischerman... La mention qu'il faisait de cette dame relevait de la reconnaissance normale d’un élève pour un maître. En revanche, cela, il est possible que ce soit en effet assez exceptionnel chez quelqu’un qui affectait d'être très peu impressionnable et qui se faisait fort de n'admirer que très peu de monde, comme l’était, pour ce qu’en disent ceux qui l’ont bien connu, le Maestro Astor Pantaleón Piazzolla (Mar del Plata, 11 mars 1921 - Buenos Aires, 4 juillet 1992).
Pour aller plus loin : lire l’article de Radar, édition de Página/12 du 12 juillet 2009.
Ajout du 3 août : lire la critique du livre publiée le 3 août par Página/12
Les autres articles de Barrio de Tango concernant Piazzolla et l’infuence qu’il continue d’avoir plus de 15 ans après sa disparition sont rassemblés sous son nom, soit parmi les mots-clés du bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, soit parmi les raccourcis de la rubrique Vecinos del Barrio, section Toujours là, dans la partie haute de la Colonne de droite.
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(1) Piazzolla, qui avait alors 14 ans, avait été retenu pour un tout petit rôle parce que Gardel avait senti chez ce jeune bandonéoniste des dons exceptionnels. Mais lui dire qu’il jouait comme un Espagnol n’était pas vraiment un compliment dans sa bouche. D’autres versions disent como un gringo ou como un yanki. Como un gringo, c’est comme un étranger. Como un yanki, c’est comme un nord-américain. Ce n’est un compliment dans aucune des trois versions.
(2) le reste n’est pas à proprement parler occulté mais ce n’est pas Diana Piazzolla qui le raconte. Elle a disposé en fin de volume des textes de plusieurs intimes, amis et interprètes de son père, Horacio Ferrer, Roberto Goyeneche, Hugo Baralis, Horacio Avilano, Leopoldo Federico, Osvaldo Pugliese et même le grand écrivain argentin, Ernesto Sábato etc... qui parlent de lui ou de ce qu’ils ont vécu avec lui (et donc des deux autres femmes de sa vie, Amelita Baltar avec laquelle il vécut 6 années jusqu’en 1974, et sa dernière épouse Laura Escalada, aujourd’hui à la tête de la Fundación Astor Piazzolla) et des correspondances datant de diverses périodes à travers lesquelles se laissent deviner la vie et la personnalité de son père après ce premier divorce.
(2) le reste n’est pas à proprement parler occulté mais ce n’est pas Diana Piazzolla qui le raconte. Elle a disposé en fin de volume des textes de plusieurs intimes, amis et interprètes de son père, Horacio Ferrer, Roberto Goyeneche, Hugo Baralis, Horacio Avilano, Leopoldo Federico, Osvaldo Pugliese et même le grand écrivain argentin, Ernesto Sábato etc... qui parlent de lui ou de ce qu’ils ont vécu avec lui (et donc des deux autres femmes de sa vie, Amelita Baltar avec laquelle il vécut 6 années jusqu’en 1974, et sa dernière épouse Laura Escalada, aujourd’hui à la tête de la Fundación Astor Piazzolla) et des correspondances datant de diverses périodes à travers lesquelles se laissent deviner la vie et la personnalité de son père après ce premier divorce.