Si seulement la contrepèterie avait le pouvoir magique de faire s’évanouir les vieilles peurs ataviques que nous avons tous devant les maladies...
L’épidémie de grippe A en Argentine fait en ce moment plus de mal au moral qu’à autre chose (révérence gardée envers les personnes endeuillées dont des proches, à la santé fragile, n’ont pas survécu à l’attaque de ce nouveau virus).
L’épidémie a déjà eu la peau d’une ministre de la Santé au niveau fédéral.
Elle a fait fermer les écoles, les conservatoires, les gymnases et autres clubs sportifs en plein hiver.
Elle vient de contraindre les théâtres à baisser le rideau pour ne pas jouer devant des salles aux 2/3 vides.
Elle a mis en échec le projet d’animation culturelle La Semana de Boedo, qui devrait avoir lieu en ce moment, dans ce quartier si tanguero du sud de Buenos Aires.
Elle va mettre à mal et réduire de manière spectaculaire les festivités annuelles du 9 juillet, qui est la deuxième fête nationale argentine, celle où ce pays, dont la capitale a été fondée deux fois à 50 ans d’intervalle au 16ème siècle, célèbre sa deuxième déclaration d’indépendance, celle qui fut faite par le Congrès de Tucumán en 1816, et comme ça vous aurez au moins appris un truc : c’est la raison pour laquelle il existe un terminus de ligne de métro à Buenos Aires qui porte ce nom incompréhensible (Congreso de Tucumán).
Cela vous fera toujours un sujet de conversation si jamais vous vous retrouvez en tête à tête avec A H1N1 cet automne ou cet hiver, dans l’hémisphère sud ou dans l’hémisphère nord. Tant qu’à l’héberger quelques jours chez vous, autant prévoir de quoi occuper son attention pendant que le Tamiflu se chargera de l’envoyer, ni vu ni connu, ad patres...
Des bruits circulent à Buenos Aires selon lesquels le Gouvernement national ou le Gouvernement de la Ville ferait du 10 juillet un jour exceptionnellement férié, pour faire un pont et donc un long week-end, dans l’espoir de limiter la reprise de la circulation des personnes dans les transports en commun, dans les bureaux et sur tous les autres lieux de travail. On verra bien.
Le lendemain, 11 juillet, c’est le Día Nacional del Bandoneón. Ce n’est pas un jour férié (de toute façon, cette année, ça tombe un samedi !) mais c’est bien une fête qui se célèbre à l’échelle nationale (un peu comme la Fête de la Musique en Europe)... Ce sera même le premier Día Nacional del Bandoneón pour ce petit blog d’actualité du tango argentin en français qui soufflera bravement sa première bougie le 19 juillet. Eh bien, c’est raté.
L’Argentine fêtera l’anniversaire de Aníbal Troilo (puisque c’est surtout et aussi son anniversaire de naissance) calfeutrée chez soi, autour d’un feu de cheminée (quand il y en a une dans la maison), à se réchauffer les mains grâce à une rueda de mate (1) familiale avec des disques... Mais des disques de Troilo himself du coup...
Francisco Torné, qui est le patron de Pichuco Records et qui veille avec son frère et sa soeur sur l’héritage artistique laissé par Pichuco, leur grand-père d’adoption et de coeur, m’a signalé que toutes les manifestations qu’ils avaient prévus étaient annulées les unes derrière les autres et que leur travail actuel consistait essentiellement à prévenir la presse de ce qui n’allait pas se passer le 11 juillet... Une vraie désolation !!!! Consolons-nous en nous disant que ce sera mieux, l’année prochaine...
Dimanche dernier, à la une de Página/12, Daniel Paz a croqué ce couple tronqué...
Elle : mon vieux, si on allait se promener au nouveau centre commercial (2). Lui : mais mon amour... On pourrait attraper la grippe ? Elle : tu as raison. Lui : Merci, virus !
(Traduction Denise Anne Clavilier)
(1) la rueda de mate : la tournée du mate. Le mate se boit dans un petit récipient, qui s’appelle le mate et qui est originellement une coloquinte évidée et séchée. Le mate peut-être en bois, en terre cuite, en céramique, en corne, en cuir, en presque tout ce que vous voulez du moment que c’est étanche. La matière dépend beaucoup des régions. Elle dépend aussi du niveau de prix que les gens peuvent accepter pour l’achat d’un ustensile de la vie de tous les jours. Une rueda de mate est une cérémonie de l’amitié, de la conviviale. Le mate y passe d’un convive à l’autre, chacun avalant en quelques gorgées, aspirées à travers une pipette généralement en métal, la bombilla, le breuvage brûlant et amer, une infusion obtenue à partir de la feuille séchée et hachée d’un arbuste autochtone d’Amérique du Sud, appartenant à la même famille que le houx. Et un petit coup d’eau chaude sur la yerba mate entassée dans la coloquinte et passe à ton voisin... tout le monde boit au même mate et à la même bombilla. Ca se trouve, même ça, il va falloir y renoncer. Il faut dire que la rueda del mate, quand on porte un masque de chirurgien couvrant la bouche et le nez...
Plus sérieusement, la rueda del mate, c’est un des trucs les plus authentiquement conviviaux et simples que je connaisse et, en plus, au coeur de l’hiver, ça tient chaud. Pour les Portègnes, parce que nous les Européens du nord, franchement, l’hiver portègne, on en a vues d’autres !
(2) La construction de centres commerciaux est une des plaies de l’urbanisation argentine. Sur le plan architectural, cela peut être un cauchemar. Et qui plus est, ces shoppings nuisent considérablement aux commerces ordinaires (boutiques, supérettes, supermarchés) qui, là-bas comme ici, assurent le commerce de proximité et du quotidien qui fait en partie que la rue et le quartier sont vivants.
Plus sérieusement, la rueda del mate, c’est un des trucs les plus authentiquement conviviaux et simples que je connaisse et, en plus, au coeur de l’hiver, ça tient chaud. Pour les Portègnes, parce que nous les Européens du nord, franchement, l’hiver portègne, on en a vues d’autres !
(2) La construction de centres commerciaux est une des plaies de l’urbanisation argentine. Sur le plan architectural, cela peut être un cauchemar. Et qui plus est, ces shoppings nuisent considérablement aux commerces ordinaires (boutiques, supérettes, supermarchés) qui, là-bas comme ici, assurent le commerce de proximité et du quotidien qui fait en partie que la rue et le quartier sont vivants.