samedi 11 juillet 2009

Día Nacional del Bandoneón [Coutumes]

Esquina Troilo y Corrientes à Buenos Aires

Ce mural n'a rien d'un chef-d'oeuvre au sens académique du terme. Mais quand vous marchez sur Corrientes et que vous tombez dessus, je vous mets au défi de ne pas sentir une immense émotion vous envahir devant l'expression d'admiration et de tendresse qu'il contient... Sur le côté, sur fond orange, un texte d'hommage en très mauvais état, malheureusement. Sur le côté, sur le mur gris, sous le nom de la rue (qui est la rue Troilo), une plaque fileteada signée du Maestro Luis Zorz...


Depuis 2006, par une loi votée par le Sénat de la nation argentine, le 11 juillet est consacré fête nationale du Bandonéon. Parce que le 11 juillet 1914 est né dans le quartier de l'Abasto celui que le poète Julián Centeya a qualifié de Bandoneón Mayor de Buenos Aires, Aníbal Carmelo Troilo, dit Pichuco.
Aujourd'hui, beaucoup des manifestations qui étaient prévues pur cette occasion ont été annulées parce que la grippe A a fait fuir les spectateurs et que théâtres et salles de concert ont préféré fermer leurs portes pour une à trois semaines selon les établissements. D'habitude, il y a une floraison de concerts, de manifestations gratuites, de conférences, un peu partout et pas seulement à Buenos Aires mais dans tout le pays... C'est aujourd'hui le premier Día Nacional del Bandoneón pour Barrio de Tango, qui fêtera son premier anniversaire dans 8 jours, et au lieu du gros gâteau que j'espérais pouvoir vous offrir aujourd'hui, ce blog fait dans le régime minceur...
C'est comme ça (la vida es así, comme dit un célèbre tango de Juan D'Arienzo), ce sera mieux l'année prochaine, quand tout le monde aura fait le plein d'anticorps grâce à cette année ou grâce au vaccin, dont sans doute nous aurons, nous, les nordistes, la chance de bénéficier alors que le virus a pris de court l'industrie pharmaceutique pour l'hémisphère sud.
Le concert prévu aujourd'hui au Trastienda Club à San Telmo est maintenu (lire mon article d'il y a quelques jours sur ce spectacle). A Leopoldo Federico, Walter Ríos, Julio Pane et Juan José Mosalini qui étaient déjà annoncés depuis plusieurs semaines, se joindra aussi ce soir Néstor Marconi.
La 2x4, sur laquelle passent en boucle des messages de prévention pour la gripe humana AH1N1 (1), présente une programmation spéciale toute la journée mais tout particulièrement de 15h à 17h (heure de Buenos Aires), où la station passera essentiellement des enregistrements de grands bandonéonistes de l'histoire du tango, et Dieu sait s'il y en a eu...

Ce soir, à 21h (toujours heure locale), le Gran Concierto du samedi sera celui que Pichuco donna au Teatro Colón en 1972. C'est un peu tard pour les Européens (heure de Paris) ! Mais si vous aimez veiller ou si vous êtes insomniaque, vous auriez tort de vous priver.
Pour en profiter, dans la Colonne de droite, dans la rubrique Ecouter, en partie basse, celle consacrée aux liens externes, vous trouverez le site de la 2 x 4, la radio publique de Buenos Aires consacrée 100% au tango et au bon. Ouvrez le site et cliquez sur le cartouche En vivo. Le site vous basculera alors sur un streaming à écouter sur Windows Media Player. Pour calculer l'heure où il faut vous connecter, vous avez le décalage horaire actuel entre Paris (Bruxelles, Lausanne, Madrid...) et Buenos Aires, en partie médiane de la Colonne de droite, dans la rubrique Buenos Aires : infos pratiques.

Je vous fais travailler en vous renvoyant à cette rubrique au lieu de vous donner simplement le décalage parce que Buenos Aires est régie par une heure d'hiver et une heure d'été comme l'Europe et comme je sais d'expérience que cet article pourra être lu dans plusieurs mois...
Comme on est au jour du Bandonéon, voici, grâce à Todo Tango, comme d'habitude, Che Bandoneón, composé par Pichuco et écrit par son grand ami, son presque frère, Homero Manzi, un des plus grands poètes parmi les pères du genre.
Et comme c'est bien le bandonéon qu'on célèbre aujourd'hui, voici A Pedro Maffia, toujours de Aníbal Troilo, dans une interprétation de 1953, par le Cuarteto Troilo-Grela, avec le bandonéon du premier et la guitare du second.
Pedro Maffia était un des tout premiers bandonéonistes du tango, il vient juste après Eduardo Arolas sur lequel il prend le pas par sa technique beaucoup plus brillante. Il était un des musiciens préférés du père de Astor Piazzolla, celui qu'il lui montrait toujours en exemple, à New York, quand le gamin, lui, rêvait de jouer de la musique yankie à l'harmonica. Mais c'est le père qui l'a emporté tout de même, beaucoup plus tard, très loin de New York et de Buenos Aires et de Mar del Plata, un jour de 1955, à Paris, dans le secret d'une conversation entre le professeur de composition classique Nadia Boulanger et son élève, Astor Piazzolla, venu dans la capitale française avec une bourse pour étudier la composition pour... quatuor à cordes ! C'est Nadia Boulanger qui renvoya au tango un Piazzolla enfin réconcilié avec cette musique qu'il avait cru quitter pour toujours en 1949... Merci à elle.

Et comme c'est la fête et la première pour Barrio de Tango, ce tango-là, du tandem Troilo-Manzi : Barrio de Tango.
Enfin, bien sûr, comment ne pas faire une place à Astor Piazzolla, qui fut l'un des bandonéonistes de l'orchestre de Troilo, l'un de ses meilleurs arrangeurs et un ami très proche... On peut écouter Triunfal, ce tout premier tango qu'il avait composé du temps où il jouait dans l'orchestre de Pichuco et qu'il joua au piano à Nadia Boulanger, ce qui lui valu cette réponse lumineuse (en anglais) : "Mais pauvre malheureux, vous ne voyez donc pas que c'est ça, Astor Piazzolla !". Ici par l'ensemble de Fernando Suárez Paz, le dernier violoniste de Piazzolla, aujourd'hui l'un des meilleurs gardiens de son répertoire et de son style interprétatif.

Et puisque les fêtes c'est aussi fait pour être vécu entre amis, pour Carlos Carrizo, journaliste, photographe et grand connaisseur de l'oeuvre et de la carrière de Astor Piazzolla (voir mon article sur son livre sur le grand compositeur) : Fracanapa ! Carlos adore ce morceau...

Et celui qui manquera à la réunion du Trastienda Club ce soir, un autre grand bandonéoniste et grand arrangeur de l'orchestre de Pichuco, entre 1963 et 1975 : Raúl Garello... Ici interprétant Soñar por la ciudad (rêver à travers la ville), de sa propre composition, sur un poème de son frère aîné, Rubén Garello (malheureusement décédé il y a quelques années)...

Cet article est dédié à Francisco, Juan Carlos et Edith Torné...

(1) Ils sont plutôt bien faits, d'ailleurs, ces messages. Mais il y a en dessous un machisme qui s'ignore et pourtant il se voit comme le nez au milieu de la figure. Vous remarquerez que dans tous les messages (et il y en a un bon paquet), c'est une femme qui pose les questions, qui sont les questions que tout le monde se pose, et c'est toujours un homme qui répond. Le savoir pourrait-il résider ailleurs que du côté de la barbe ? Quant à l'ignorance, elle est femme, c'est bien connu ! En espagnol aussi, el saber y la ignorancia...