mercredi 21 octobre 2009

La Cour Suprême uruguayenne déclare illégale l’amnistie aux militaires [Actu]

Lundi dernier, la Cour Suprême de la République d’Uruguay a déclaré anti-constitutionnelle la loi d’amnistie (Ley de Caducidad, loi de Caducité, sous-entendu des poursuites judiciaires contre les bourreaux de la Dictature) qui protégeait jusqu’à présent les militaires impliqués dans des crimes politiques pendant la dernière dictature (1973-1985).

Cette jurisprudence de la Cour Suprême s’appuie sur le cas d’une jeune militante communiste, Nibia Sabalsagaray, une enseignante assassinée en 1974 dans une caserne de l’Armée uruguayenne. L’arrêt de la Cour Suprême autorise donc le juge en charge de l’affaire à ré-ouvrir son instruction contre les auteurs présumés des faits. La décision a été prise à la majorité de 4 voix pour. Un juge a voté contre. Cet arrêt fait suite à un vote des deux chambres (la Chambre des Députés et le Sénat) en février : le Parlement uruguayen avait ainsi envoyé à la Cour Suprême un avis consultatif l’invitant à déclarer anti-constitutionnelle cette loi votée en 1986 et validée à l’époque par un référendum populaire en 1989. La cause de l’instruction contre les assassins de Nibia Sabalsagaray avait été portée devant la Cour Suprême par la Procureure (fiscal) Mirtha Guianze après que le Président de la République Tabaré Vázquez avait émis un décret excluant les auteurs de cet assassinat du bénéfice de la Ley de Caducidad (son décret montrait que le cas ne répondait pas aux critères prévus par la Ley de Caducidad).

Environ un quart de siècle après la fin des dictatures en Amérique du Sud, on voit comment évolue l’opinion publique sur ces épisodes douloureux de l’histoire de ces pays. Autant à la fin des années 80, les peuples et leurs premiers dirigeants du retour à la démocratie ont essayé, par des lois d’amnistie, de maintenir, voire de développer la paix civile et d’assurer la continuité de l’Etat en protégeant les Corps Constitués et en ne faisant poursuivre que quelques individus, les plus en vue au temps des dictatures (1), autant aujourd’hui les peuples et les dirigeants sont soucieux de placer les individus face à leurs responsabilités propres de citoyens ayant enfreint les grands principes des constitutions violées par les régimes dictatoriaux.
Cette décision de justice intervient six jours avant un référendum sur le maintien ou l’abolition de la Ley de Caducidad qui aura lieu dimanche 25 octobre, en même temps qu’un autre référendum portant sur une modification de la Constitution et que les élections législatives et présidentielle.

Les sondages de cette dernière semaine avant le scrutin montrent que 48% des Uruguayens seraient en faveur de l’abolition de la Ley de Caducidad (et voteraient donc oui au référendum de dimanche), 34 seraient en faveur du maintien de cette loi (et voteraient donc non) et 18 resteraient encore indécis.

Dimanche, les Uruguayens sont invités à se prononcer sur quatre enjeux distincts : deux référendums (ci-contre les bulletins de vote pour ces deux consultations) et deux élections.
Les deux référendums portent l’un sur la Ley de Caducidad, l’autre sur l’institution du vote par correspondance ou à distance (voto epistolar) aujourd’hui impossible en Uruguay (il y a en ce moment même tout un business de traversées du Río de La Plata, pour permettre aux Uruguayens installés en Argentine -et ils sont nombreux- de rentrer au pays pour voter, idem pour tous les pays voisins avec des voyages low cost, voire gratuits, en bus ou en avion).
Les deux élections concernent le Parlement (on élit des Députés et des Sénateurs dans le cadre du renouvellement des deux Chambres) et la Présidence de la République avec un choix entre cinq candidats, dont deux se détachent nettement dans les sondages : Luis Alberto Lacalle (Partido Blanco, à droite) et José Mujica (Frente Amplio, la fédération de tous les courants de gauche).

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Pour aller plus loin sur ces questions :
Lire l’article de El País (quotidien uruguayen) sur l’avis de la Cour Suprême
Lire l’article de La República (quotidien uruguayen) sur le même sujet
Lire l’article de Clarín (quotidien argentin) sur le même sujet
Lire l’article de El País sur le référendum sur le vote par correspondance
Lire l’article de Página/12 (quotidien argentin) sur le référendum sur la Ley de Caducidad et la marche d’hier dans les rues de Montevideo des partisans du oui au référendum
Lire l’article de El País sur l’organisation et la réussite de l’exercice de simulation du scrutin pour valider les capacités du système de vote dans le pays.

(1) Nous avons fait la même chose à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, notamment dans tous les pays occupés par l’Allemagne nazie, car il fallait bien qu’il y ait toujours une justice, une police, des écoles et des enseignants devant les élèves et les étudiants et une industrie. Donc quelques grands chefs et quelques lampistes ont été jugés et souvent condamnés, parfois à mort. Et le reste a été laissé tranquille. Jusqu’à il y a un peu plus de 20 ans, quand on s’est brutalement souvenu qu’un Maurice Papon ou un René Bousquet avaient dirigé la police de Vichy et à ce titre, organiser la déportation des juifs habitant ou réfugiés dans le district dont ils avaient la charge...