lundi 5 octobre 2009

A Buenos Aires, l’adieu à la Negra [Actu]

La Une de Página/12 aujourd'hui

C’est un hommage très émouvant qui a été rendu toute la journée de dimanche et une partie de la matinée d’aujourd’hui à la Negra Mercedes Sosa, dans la Salle des Pas Perdus du Congrès national argentin. Mercedes Sosa est décédée hier matin, à 5h15, à la Clinique de la Trinité à Palermo.

Sur le plan national, c’est un jour de deuil officiel qui a été décrété par le Gouvernement. Dans la Province de Tucumán, le Gouverneur a décidé que le deuil serait de trois jours.


Beaucoup d’anonymes se sont rendus jusqu’au Palais du Congrès pour saluer la dépouille de l’artiste, beaucoup de chanteurs et de musiciens aussi appartenant à tous les genres de la musique populaire et quelques personnalités politiques au premier rang desquelles la Présidente de la République, Cristina Fernández de Kirchner, accompagnée par son mari, lui-même ancien président, et par le Premier ministre (Jefe de Gabinete), Aníbal Fernández.
Le cercueil était installé dans une chapelle ardente (velatorio). Il était recouvert d’une chalina (1) du nord de l’Argentine, cette région rurale dont la musicienne était originaire. La levée du corps était prévue aujourd’hui lundi, à 11h du matin (heure locale). Le corps de Mercedes Sosa devait ensuite être conduit jusqu’au crématorium du cimetière de la Chacarita, dans l’ouest de la ville, où il était prévu que la famille et les proches arrivent vers midi (c’est-à-dire plus ou moins à l’heure où je publie cet article en Europe). La crémation devait avoir lieu dans le cadre d’une cérémonie intime.

Les cendres de la chanteuse seront dans les jours qui viennent dispersées à Buenos Aires, à Mendoza (à l’ouest du pays) et à Tucumán (au nord), la capitale de sa Province natale.


L’hommage en photos...

Sur scène avec le grand rocker argentin Charly García, en 1997, tous deux étaient des amis personnels (La Nación)
La chapelle ardente installée dans le Salón de los pasos perdidos del Congreso de la Nación (La Prensa)

La banderole tenue par cet admirateur aux cheveux argentés, à côté de la sortie du métro Congreso, dit "Merci Negra pour ta voix et pour ton combat" (photo de l’agence Télam publiée par Clarín) (2)


Sur scène avec le célèbre ténor italien Luciano Pavarotti en 1999 (La Nación)


A la Casa Rosada, avec la Présidente Cristina Kirchner (La Nación)
Dans le billet du jour de Página/12, il est question du Bouddha Sud-américain...


La visite présidentielle à la chapelle ardente au Congrès. La Présidente est à droite. A côté d’elle se tiennent des proches de la défunte. Derrière eux, on distingue, à droite du visage de Cristina, le cheveu gris et la moustache sombre du Premier ministre, Aníbal Fernández, et par-dessus, dominant la scène de sa grande taille, l’ancien président Néstor Kirchner, qui s’approchera ensuite du cercueil pour toucher le corps dans un geste que les photographes n’ont bien sûr pas manqué (Clarín).

Sur place, les suppléments spéciaux ont envahi les kiosques à journaux et Página/12 comble son retard à l’allumage d’hier par un dossier très fourni. Ici, en Europe la presse francophone s’est enfin réveillée et abandonne ici et là les relents nauséeux de l’affaire Polanski pour parler d’une autre personnalité de grand talent au parcours moins ambigu.

Couverture de Crítica de la Argentina, qui consacre de très nombreuses pages de son site et de son édition papier d’aujourd’hui à la grande chanteuse disparue. Vous pourrez télécharger la version papier en format pdf à partir de 14h (heure de Buenos Aires).
Pour aller plus loin :
En espagnol
Lire le supplément spécial de Página/12
Lire l’article de Clarín
Lire l’article du supplément Ciudad de Clarín sur Mercedes Sosa
Lire l’article du supplément Ciudad de Clarín sur l’émotion suscitée par le décès de Mercedes Sosa
Lire l’article général de La Pensa
Lire l’article sur les réactions des artistes dans La Prensa
Lire l’article sur l’hommage national au Congrès dans La Prensa
Lire l’article de La Nación
Lire l’article principal de Crítica de la Argentina
En français
Lire l’article de La Libre Belgique (qui se contente de reprendre l'AFP)
Lire l’article du Soir (Belgique francophone)
Lire l’article de La Tribune de Genève (Suisse francophone)
Lire l’article de Libération (France)
Lire l’article du Figaro (France)
La Croix (France) n’a pas traité l’info. Quant au Monde, il a osé reléguer la nouvelle dans son Carnet mondain...

(1) Chalina : sorte de plaid qui dans la campagne argentine sert tout à la fois de manteau et de couverture.
(2) L’adjectif substantivé Negra, qui était devenu le surnom le plus commun de Mercedes Sosa, est ici un terme affectueux qu’il est très difficile, voire même périlleux, de traduire. Il fait référence, bien sûr, à la situation originelle, déconsidérée, des esclaves noirs du temps de l’Empire colonial espagnol mais, par l’effet des antiphrases dont les Argentins sont friands, il se teinte d’affection, de tendresse, voire (c’est le cas ici) d’admiration. Selon le contexte, il peut aussi servir d’insulte et c’est alors l’expression d’un mépris très violent parce que la dimension raciste originelle remonte à la surface ("son negros", cela peut vouloir dire dans ce cas-là "ce sont des abrutis", il peut aussi s’agir de "la racaille" d’une célèbre et malheureuse formule à l’emporte-pièce de Nicolas Sarkozy). Dans le monde du tango, beaucoup d’artistes portent ce surnom : les chanteurs Raúl Lavie et Rubén Juárez par exemple. Le poète Héctor Negro est allé plus loin : il en a fait son nom de plume.
Le combat (lucha) auquel la banderole fait allusion est celui des droits de l’homme et du progrès social. Mercedes Sosa était une militante communiste qui a toujours lutté pour le respect des droits de l’homme, ce qui est très souvent lié en Argentine et dans l’ensemble de l’Amérique latine, où pendant la Guerre froide les Etats-Unis ont représenté un danger plus proche et plus concret dans ce domaine que la très lointaine Union Soviétique, qu’il était beaucoup plus facile de parer de toutes les vertus, étant donné que peu de gens avaient réellement accès à ce qui s’y passait. Tandis que la CIA, on la reconnaissait presque à chaque coin de rue...