Photo tirée du Portail de la Ville de Buenos Aires
Hernán Lombardi, le Ministre de la Culture de la Ville autonome de Buenos Aires, a annoncé mercredi dernier la création d'un Ballet Ecole de tango à la manière de la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce au cours du cocktail offert par Mora Godoy (photo ci-dessus) dans les locaux de son école dans le très chic quartier de la Recoleta, sur avenida Puyerredón 1090, pour fêter les 10 ans de sa fondation.
Ce projet de ballet escuela répond à une stratégie de promotion de la danse, dans le cadre de la promotion du tango en général, pour valoriser l'inscription du genre au Patrimoine mondial de l'UNESCO à le 30 septembre dernier (lire mon article à ce propos). Le ministre a parlé "d'élever le niveau de professionnalisation de la danse" (les Argentins rêvent que la danse du tango conquière le prestige international du ballet classique, tel qu'il existe au Bolchoï ou à l'Opéra de Paris !) et il annonce que ce projet de ballet école prolonge et complète la loi que la Députée portègne, Inés Urdapilleta, a fait voter pour permettre le développement de la danse (1).
Le recrutement des danseurs a été confié à la danse et chorégraphe Mora Godoy qui fêtait les 10 ans de son école de danse, par laquelle sont passés cette année 40 000 élèves (2). Actuellement, le recrutement se pratique dans les milongas des différents quartiers. Ces danseurs recevront une formation, qui sera donc confiée à Mora Godoy, qui prendra la direction du Ballet Escuela.
Mora Godoy est la danseuse vedette et la chorégraphe du spectacle Tango Emoción, qui a connu un grand succès, a fait le tour du monde et a donné lieu à un produit dérivé, un DVD distribué par Gativideo, un spectacle qui se distingue des shows habituels parce qu'il se dispense d'une intrigue et prend appui d'abord et essentiellement sur la musique et la danse dans leur propre consistance, comme le fait un ballet de Maurice Béjart ou de Georges Balanchine, qui n'avaient pas besoin de raconter une histoire pour s'exprimer à travers la danse. Ce n'est donc pas sans raison que Mora Godoy est respectée et connue à Buenos Aires comme danseuse professionnelle.
A noter qu'elle a lancé, il y a trois ans, dans son école, un cycle de cours gratuits destinés aux élèves à bas revenus. Le communiqué ministériel, que vous pouvez lire sur le Portail de la Ville de Buenos Aires, insiste sur cette initiative sociale, sans doute pour parer à l'avance les critiques que ne manquera pas de lui adresser les tangueros de gauche, celles de profiter de la déclaration de l'UNESCO pour promouvoir le tango for export, surnom local du tango commercial et sans authenticité, à destination des touristes qui n'y connaissent rien mais qui crachent au bassinet. Hélas, l'étroite liaison qui a été faite entre le 10ème anniversaire de l'école privée de Mora Godoy et l'annonce de cette création d'un ballet école qui fonctionnera sur des deniers publics, l'absence de tout appel public à candidatures pour le choix de la directrice, l'absence d'auditions pour un casting organisé, rien de tout cela n'est vraiment de nature à lever le soupçon, qui pèse toujours, a priori, dans l 'esprit et le discours de la grande majorité des artistes et des intellectuels à Buenos Aires, sur toutes les initiatives de ce gouvernement libéral qui ne jure, il est vrai, que par la gestion privée et la recherche de la rentabilité.
Seul l'avenir nous dira ce qu'il en est.
(1) Voir mon article sur la présentation qu'a faite Inés Urdapellita de son livre sur la milonga à la Feria del Libro en mai dernier.
Inés Urdapilleta, rappelons-le, est une députée de la Legislatura, l'Assemblée législative de la Ville de Buenos Aires. Elle est la Présidente de la Commission culturelle et je peux témoigner personnellement que lorsqu'elle prend un dossier en main, elle le fait aboutir et qu'elle a une incroyable capacité de bousculer les lourdeurs bureaucratiques traditionnelles en Argentine. Elle siège dans le bloc péroniste, ce qui veut dire qu'elle appartient à l'opposition politique à l'actuel Gouvernement de la Ville de Buenos Aires (mais à la majorité au pouvoir au niveau national). On peut voir dans la petite incise du ministre Lombardi une main tenue à l'opposition (on peut toujours rêver) ou une réponse à l'avance aux arguments hostiles que la plus grosse partie de la gauche (constituée par les péronistes) et la majorité au niveau du pays seront très tentées de faire entendre.
(2) La colossale clientèle des écoles de tango à Buenos Aires est due à la présence dans tous les cours d'une écrasante majorité de touristes, qui viennent à Buenos Aires tout spécialement pour danser dans les milongas et progresser dans leur pratique. C'est tellement le but de leur séjour qu'un certain nombre d'entre eux ne connaissent de cette ville immense que les milongas et les cours. Je fréquente moi-même une école de très bonne réputation mais qui n'est pas la plus présente dans l'information délivrée aux touristes. Et je n'ai jamais vu que des touristes dans les cours, y compris le samedi matin. Les touristes sont donc très nombreux, dans tous les cours, à tous les niveaux, dans tous les styles, mais la majorité d'entre eux ne prennent en fait qu'une poignée de leçons, 5, 10 ou 15 en fonction de la durée de leur séjour, qui n'excède que rarement quelques semaines. Les vrais élèves réguliers, qui sont réellement formés par l'école, quelle qu'elle soit, représentent donc une infime minorité.
Hernán Lombardi, le Ministre de la Culture de la Ville autonome de Buenos Aires, a annoncé mercredi dernier la création d'un Ballet Ecole de tango à la manière de la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce au cours du cocktail offert par Mora Godoy (photo ci-dessus) dans les locaux de son école dans le très chic quartier de la Recoleta, sur avenida Puyerredón 1090, pour fêter les 10 ans de sa fondation.
Ce projet de ballet escuela répond à une stratégie de promotion de la danse, dans le cadre de la promotion du tango en général, pour valoriser l'inscription du genre au Patrimoine mondial de l'UNESCO à le 30 septembre dernier (lire mon article à ce propos). Le ministre a parlé "d'élever le niveau de professionnalisation de la danse" (les Argentins rêvent que la danse du tango conquière le prestige international du ballet classique, tel qu'il existe au Bolchoï ou à l'Opéra de Paris !) et il annonce que ce projet de ballet école prolonge et complète la loi que la Députée portègne, Inés Urdapilleta, a fait voter pour permettre le développement de la danse (1).
Le recrutement des danseurs a été confié à la danse et chorégraphe Mora Godoy qui fêtait les 10 ans de son école de danse, par laquelle sont passés cette année 40 000 élèves (2). Actuellement, le recrutement se pratique dans les milongas des différents quartiers. Ces danseurs recevront une formation, qui sera donc confiée à Mora Godoy, qui prendra la direction du Ballet Escuela.
Mora Godoy est la danseuse vedette et la chorégraphe du spectacle Tango Emoción, qui a connu un grand succès, a fait le tour du monde et a donné lieu à un produit dérivé, un DVD distribué par Gativideo, un spectacle qui se distingue des shows habituels parce qu'il se dispense d'une intrigue et prend appui d'abord et essentiellement sur la musique et la danse dans leur propre consistance, comme le fait un ballet de Maurice Béjart ou de Georges Balanchine, qui n'avaient pas besoin de raconter une histoire pour s'exprimer à travers la danse. Ce n'est donc pas sans raison que Mora Godoy est respectée et connue à Buenos Aires comme danseuse professionnelle.
A noter qu'elle a lancé, il y a trois ans, dans son école, un cycle de cours gratuits destinés aux élèves à bas revenus. Le communiqué ministériel, que vous pouvez lire sur le Portail de la Ville de Buenos Aires, insiste sur cette initiative sociale, sans doute pour parer à l'avance les critiques que ne manquera pas de lui adresser les tangueros de gauche, celles de profiter de la déclaration de l'UNESCO pour promouvoir le tango for export, surnom local du tango commercial et sans authenticité, à destination des touristes qui n'y connaissent rien mais qui crachent au bassinet. Hélas, l'étroite liaison qui a été faite entre le 10ème anniversaire de l'école privée de Mora Godoy et l'annonce de cette création d'un ballet école qui fonctionnera sur des deniers publics, l'absence de tout appel public à candidatures pour le choix de la directrice, l'absence d'auditions pour un casting organisé, rien de tout cela n'est vraiment de nature à lever le soupçon, qui pèse toujours, a priori, dans l 'esprit et le discours de la grande majorité des artistes et des intellectuels à Buenos Aires, sur toutes les initiatives de ce gouvernement libéral qui ne jure, il est vrai, que par la gestion privée et la recherche de la rentabilité.
Seul l'avenir nous dira ce qu'il en est.
Pour aller plus loin : visiter le site de Mora Godoy.
(1) Voir mon article sur la présentation qu'a faite Inés Urdapellita de son livre sur la milonga à la Feria del Libro en mai dernier.
Inés Urdapilleta, rappelons-le, est une députée de la Legislatura, l'Assemblée législative de la Ville de Buenos Aires. Elle est la Présidente de la Commission culturelle et je peux témoigner personnellement que lorsqu'elle prend un dossier en main, elle le fait aboutir et qu'elle a une incroyable capacité de bousculer les lourdeurs bureaucratiques traditionnelles en Argentine. Elle siège dans le bloc péroniste, ce qui veut dire qu'elle appartient à l'opposition politique à l'actuel Gouvernement de la Ville de Buenos Aires (mais à la majorité au pouvoir au niveau national). On peut voir dans la petite incise du ministre Lombardi une main tenue à l'opposition (on peut toujours rêver) ou une réponse à l'avance aux arguments hostiles que la plus grosse partie de la gauche (constituée par les péronistes) et la majorité au niveau du pays seront très tentées de faire entendre.
(2) La colossale clientèle des écoles de tango à Buenos Aires est due à la présence dans tous les cours d'une écrasante majorité de touristes, qui viennent à Buenos Aires tout spécialement pour danser dans les milongas et progresser dans leur pratique. C'est tellement le but de leur séjour qu'un certain nombre d'entre eux ne connaissent de cette ville immense que les milongas et les cours. Je fréquente moi-même une école de très bonne réputation mais qui n'est pas la plus présente dans l'information délivrée aux touristes. Et je n'ai jamais vu que des touristes dans les cours, y compris le samedi matin. Les touristes sont donc très nombreux, dans tous les cours, à tous les niveaux, dans tous les styles, mais la majorité d'entre eux ne prennent en fait qu'une poignée de leçons, 5, 10 ou 15 en fonction de la durée de leur séjour, qui n'excède que rarement quelques semaines. Les vrais élèves réguliers, qui sont réellement formés par l'école, quelle qu'elle soit, représentent donc une infime minorité.