Cette année, la manifestation, placée sous le slogan Cultura bajo la luna (culture au clair de lune), tourne officiellement autour d'un événement monté en épingle par le Ministère de la Culture de la Ville de Buenos Aires qui veut en faire l'événement central de la nuit : la projection d'une anthologie des actualités cinématographiques Sucesos Argentinos (Evénements argentins), qui revisitera à coup de montage, de ralentis et d'accélérés, toute la période s'étendant des années 30 aux années 70, non pas pour permettre un débat sur la période historique avec des chercheurs en histoire ou en sociologie, comme on aimerait voir exploiter un tel trésor d'archives, mais pour constituer une espèce de film esthétisant (1) censé montrer les évolutions urbanistiques de la capitale argentine. Ce montage a été mis en musique par Juana Molina, et sera projeté au Siège de la Direction Générale des Musées, située avenida de los Italianos 851, dans le quartier hyper-cher de Puerto Madero, un ensemble étouffant de gratte-ciels des plus inhumains mais dont le Gouvernement portègne veut à toute force faire le point d'attraction du tourisme étranger sur Buenos Aires. La projection aura lieu à 21h le samedi 14. La nuit se terminera vers 2 h du matin le dimanche, par une grande débauche de sons et d'images avec deux duos de disc jockeys et vidéo jockeys à la mode.
Toujours à Puerto Madero, une exposition à l'air libre en provenance du Musée du Prado de Madrid pour la partie internationale de la nuit (en même temps qu'il y a à Buenos Aires une autre exposition, ailleurs, en provenance du Louvre, et donc de Paris).
La nuit sera aussi le cadre de la pré-inauguration du futur Musée Borges, qui s'installe en ce moment dans la rue Anchorena à la hauteur du numéro 1660, à la Recoleta. Dans ce musée, on trouvera des objets, des livres et des manuscrits qui reconstitueront le parcours biographique et une sélection des thèmes de l'oeuvre immense de l'écrivain, poète et penseur universel que fut Jorge Luis Borges (né dans le quartier de Palermo, à Buenos Aires, le 24 août 1899 et mort à Genève, en Suisse, le 14 juin 1986).
Cette année, ce sont les 150 musées présents dans la ville de Buenos Aires qui participeront à la nuit, quel que soit leur statut, musées municipaux, nationaux ou privés.
(1) le dossier de presse parle au sujet de ce montage d'un "panorama abstrait et fascinant" de Buenos Aires. Le projet est présenté avec le même langage amphigourique et prétentieux dont usent les projets artistiques prétendument d'avant-garde en Europe, que ce soit en architecture, au théâtre ou à l'opéra. C'est une tendance très ancienne de la droite argentine, celle que le metteur en scène argentin Alfredo Arias, dans son spectacle Tatouage (actuellement au Théâtre du Rond-Point) appelle "oligarchie" et "bourgeoisie bovine", une tendance très ancienne qui consiste à vouloir à tout prix imiter l'Europe, assimiler l'Argentine à l'Europe, jusqu'au ridicule. Pour cette droite argentine, le comble du chic est de nier toute espèce d'identité, toute espèce de spécificité nationale pour copier, assez servilement qui plus est, ce qui sous nos latitudes fait parler dans les dîners en ville mais qui est bien souvent aussi ce qu'il y a de plus vain sous le soleil... Puerto Madero est une espèce de concentré cauchemardesque, à force de stéréotypes, de cette chimère de la haute société argentine.