lundi 2 novembre 2009

Le nouveau parlement uruguayen [Actu]

Le Tribual électoral (Corte Electoral) rend enfin publics les chiffres définitifs de ce premier tour des élections présidentielles et législatives, qui ont eu lieu dimanche 25 octobre en Uruguay. Le dépouillement était très compliqué puisqu’il y avait 4 scrutins le même jour, dans la même urne et sur le même bulletin, avec des règles de calcul différents selon les scrutins (vote blanc comptant comme vote exprimé dans un cas et non dans les autres, scrutins uninominaux et scrutins proportionnels).

Les résultats concernant l’élection présidentielle ont été connus dans la journée du 26 octobre : ils montrent, en chiffres absolus, une nette avance en voix pour Pepe Mujica, qui se présentait au nom du Frente Amplio (le large front de gauche, fédération politique rassemblant la quasi-totalité des partis de gauche en Uruguay). Cependant son adversaire de droite, Luis Alberto Lacalle, qui a rassemblé 29,07% des voix du premier tour, peut compter sur l’appui du parti colorado, celui de la droite ultra-libérale, qui a remporté 17,02% des voix (alors que les sondages préélectoraux lui accordaient à peine 14 à 16%). A gauche, il sera difficile de rassembler au-delà des suffrages déjà exprimés au 1er tour mais le résultat des législatives pourraient donner guider les indécis. Faut-il ou non tenter ce que les Français ont appelé la cohabitation, c’est-à-dire une majorité différente en ce qui concerne le Parlement et la Présidence de la République. En France, les trois expériences, alternativement dans un sens puis dans l’autre, ont laissé de très mauvais souvenirs à la Nation et aux hommes politiques en place. Reste à savoir comment voteront les électeurs colorados, dont il est invraisemblable qu’ils portent leur voix sur le candidat de gauche, au discours et au passé nettement trop rouges pour eux et que Lacalle va sans doute s’efforcer de séduire en infléchissant son discours vers la droite, comme il l’avait, quelques jours avant le 1er tour, légèrement infléchi vers la gauche, pour rafler les quelques pourcentages de sympathisants de centre gauche dont il avait besoin pour mettre Pepe Mujica en ballottage et obtenir la tenue d’un second tour. Premier pari gagné pour le moment !
Ce qui est sûr en tout cas, comme le dit un politologue dans les colonnes de El País (le quotidien de Montevideo), c’est que le pays est désormais bel et bien partagé, à peu près à égalité, entre la gauche et la droite, situation plutôt inédite tant en Uruguay que dans l’ensemble sud-américain, où les lignes de partage du corps électoral son généralement beaucoup plus nettes. Les Gouvernements y ont l’habitude de disposer de majorités écrasantes et ce ne sera pas le cas en Uruguay dans les 5 prochaines années. (Sur le premier tour, se reporter à mon article du 26 octobre dernier).

Pour la composition du prochain Parlement, les chiffres définitifs ont été plus longs à calculer du fait du mode de scrutin : uninominal au Sénat (30 sièges à pourvoir) et scrutin proportionnel au plus fort reste pour la Chambre des représentants (titre exact des députés), où il y avait 99 sièges à pourvoir.

Malgré les chiffres que donnaient les sondages en sortie des urnes puis les projections sur base de dépouillements partiels, le Frente Amplio conserve la majorité absolue au sein du Parlement (Asembléa General). Le Frente Amplio aura 16 sénateurs et 50 députés.
Le Partido Nacional, celui que préside Luis Alberto Lacalle, le parti leader de la droite, comptera 9 sénateurs et 30 députés. Et le parti Colorado aura lui 5 sénateurs et 17 députés.
Le parti Indépendant aura 2 députés mais n’aura aucun sénateur, son président n’ayant pas réussi à conserver son siège à la Chambre haute.
Le vice-président de la République, qui sera élu solidairement avec le Président, au 2ème tour, le 29 novembre prochain, occupera la Présidence du Sénat. On attend donc ce second tour pour savoir à quoi ressemblera exactement le Sénat des 5 prochaines années.
La Chambre des Représentants accueillera en janvier prochain 43 nouveaux élus contre 56 qui rempileront, soit un taux de renouvellement de 43%. Au Sénat, il a 9 nouveaux et 22 anciens, soit un taux de 26%. Ce qui fait un renouvellement global de 39% pour les deux chambres. C’est beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux qu’en France dont le personnel politique est désespérément inamovible de législature en législature (chaque législature durant 5 ans pour la chambre des Députés, les Sénateurs sont quant à eux élus pour 9 ans et renouvelables par tiers tous les 3 ans).

En Uruguay, les femmes représenteront 11,5% des parlementaires du prochain quinquennat (quinquenio), ce qui se décompose en 16% au Sénat, soit 5 sénatrices sur un total de 31 sièges (dont celui du Président, qui sera un homme dans tous les cas de figure), et 10 % à la Chambre, soit 10 députées sur un total de 99 élus (1).
Pour en savoir plus :
Lire l’article de El País (quotidien uruguayen) sur les chiffres globaux
Lire l’article de El País sur les commentaires de l’institut de sondage Cifra sur les projections du 2ème tour
Lire l’article de El País sur l’analyse prospective du vote colorado au 2ème tour
Lire l’article de El País sur la préparation officielle du 2ème tour par la Corte Electoral
Et pour avoir un regard depuis l’extérieur du pays; mais toujours en espagnol :
Lire l’article de Clarín (quotidien argentin) sur les résultats d’ensemble du 1er tour
Lire l’article de El País (quotidien espagnol, édité à Madrid) sur les résultats du 1er tour
Lire l’article de El País sur l’alliance électorale à droite contre le Frente Amplio (El País est un journal situé plutôt à gauche, dans le paysage politique de la Péninsule).
(1) A titre de comparaison, voici les chiffres actuels des trois pays de la francophonie en Europe :
La France compte 18% de femmes dans l’actuelle Chambre des députés (scrutin uninominal à deux tours au suffrage direct) et 22% au Sénat (scrutin uninominal au suffrage indirect).
La Suisse (au niveau fédéral et toutes appartenances linguistiques confondues) compte 29% de femmes au Conseil National (élu à la proportionnelle intégrale au suffrage direct) et 21,7% au Conseil des Etats (dont le scrutin est généralement majoritaire mais dont les modalités, propres à chaque canton, varient donc d’un canton à l’autre).
La Belgique (au niveau fédéral et toutes appartenances linguistiques confondues) compte 37,33% de députées à la Chambre des Représentants (scrutin proportionnel au suffrage direct) et 36,66% au Sénat (à la composition archi-compliquée, entre élection au suffrage direct pour 40 sénateurs sur un total de 71 -hors sénateurs de droit-, élection au suffrage indirect pour 21 sénateurs, cooptation pour 10 sénateurs, sans oublier actuellement 3 sénateurs ayant prêté serment mais qui n’entrent pas en ligne de compte dans le quorum et qui, par tradition, ne votent jamais puisqu’ils sont princes du sang, à savoir les Princes Philippe - Prins Filip en flamand- et Laurent et, leur soeur, la Princesse Astrid, les trois enfants du Roi Albert II).