C'est en hiver que se concentrent les fêtes nationales argentines : 25 mai (fin de l'automne), 9 juillet et 17 août. Et pour ces fêtes, il est d'usage de manger des plats particuliers, tout à fait roboratifs (on est en hiver), et dont je n'ai donc pas voulu vous donner la recette en été.
Chez nous, le 25 mai, le 9 juillet et le 17 août, ces plats seraient immangeables. Le 14 juillet, le 21 juillet et le 1er août aussi d'ailleurs...
Mais nous voici dans une semaine chargée en célébrations à forte valeur historique et politique :
Au delà de l'Allemagne réunifiée, c'est toute l'Europe (et même un peu plus) qui fête aujourd'hui les 20 ans de la Chute du Mur de Berlin.
Apéritif.
Mercredi, c'est presque toute l'Europe qui fêtera la fin de la boucherie de 14-18 et pour la première fois, l'Allemagne se joindra aux célébrations en France, 91 ans après la signature de l'Armistice.
Ce sera un premier plat, qui, en l'occurrence, servira d'entrée mais qui pourrait tout aussi bien constituer un repas complet avec une petite salade verte vinaigrette.
Enfin, dimanche, la Belgique, la Belgique toute seule, mais c'est déjà trois cultures dans un seul pays, fêtera son Roi, le symbole de l'unité nationale à laquelle, malgré tous les discours politiques, le peuple se montre très attaché...
Je vous donnerai donc dimanche la recette du plat de día patrio par excellence et vous m'en direz des nouvelles !
Pour cette semaine nationalisto-gastronomique, parmi les ingrédients très exotiques que vous avez intérêt à vous mettre à chercher dès maintenant :
pour aujourd'hui (l'actualité ne m'a pas permis de vous avertir plus tôt), il vous faut de la farine de pois chiche. Cela se trouve d'ordinaire dans les épiceries fines, mais lundi, en France, elles sont généralement fermées. Ou, toujours en France, dans les magasins bio. La farine de pois chiche n'a rien à voir avec un produit particulièrement bio mais comme tous les produits supposés "bizarres", elle a trouvé refuge (en France) dans les antres commerciaux du bio.
Pour mercredi, rien de spécial, à part une visite à votre boucher préféré.
Pour dimanche, il vous faut trouver des brisures de maïs blanc en grains, à cuire. Bon courage ! Ne prenez pas de maïs en conserve. C'est insipide et cela ne donnera aucun résultat. Il faut aussi que vous trouviez des porotos, ce sont des haricots secs, blancs, qui n'existent pas en Europe. Mais vous pourrez les remplacer par des haricots que vous utilisez traditionnellement pour votre cassoulet (les recettes variant d'un village à l'autre, les haricots changent aussi : mojettes, cocos, soissons... Vous éviterez les haricots rouges de la cuisine tex-mex et les haricots noirs des ragoûts brésiliens). Et vous achèterez aussi des pois chiche à cuire. Pour ce produit-là, si vraiment vous êtes accro à la conserve, vous pourrez prendre une boîte, à condition d'ajouter vos pois chiches en toute fin de recette puisqu'ils sont déjà cuits (mais ce sera moins goûteux dans tous les cas). Côté viande, le plus proche de l'original argentin sera d'utiliser des bas morceaux de boeuf (type pot au feu) ou des tripes. Mais vous pouvez franciser le plat en utilisant de la palette de porc, fraîche ou salée (à condition de la dessaler auparavant), du confit de canard ou d'oie, des gésiers confits, de la saucisse de Toulouse, de la chipolata (évitez les charcuterie fumées ou épicées, la merguez ou le gendarme ne feront décidément pas l'affaire).
Donc aujourd'hui, apéritif...
Un truc très apprécié à Buenos Aires, c'est le Fernet-Branca-Coca. Et ça tombe bien, parce que 20 ans après la chute du Mur, le Coca-Cola, cet unificateur de l'humanité, a envahi toute l'Europe, à l'ouest comme à l'est. Le Fernet-Branca, c'est un peu différent mais qui sait, peut-être allons-nous participer à l'extension de cet apéritif traditionnel. Les proportions sont à votre goût. Essayez-vous sur des petites quantités jusqu'à trouver le mélange qui vous convient. Mais généralement, c'est un peu de Fernet-Branca et beaucoup de Coca.
Avec ce cocktail des antipodes, pour faire très portègne, je vous conseille les cacahouètes grillées servies dans leurs coques. La cacahouète frite et couverte de sel ou celle grillée à sec (réputée plus diététique. Tu parles !), connaît pas à Buenos Aires. On ne connaît que la coque à écraser entre les doigts, celle qui fait plein de miettes blanches et rougeâtres sur la table, si difficiles à ramasser à la fin du repas.
L'autre accompagnement, ce serait une petite pizza avec ou sans faina mais plutôt avec (surtout avec le froid qu'il règne aujourd'hui à Berlin : 7° au plus chaud de la journée).
La faina se mange avec la pizza, pour bien tenir au corps. Les Argentins aiment ne pas avoir la moindre sensation de faim en sortant de table.
Ce qu'il vous faut pour 8 personnes : une mesure (25 à 30 cl) de farine de pois chiches, 2 mesures d'eau tiède, 1 cuillère à soupe d'huile d'olive et ½ cuillère à café de sel.
Préchauffez votre four au maximum (240 ° pour un four ménager ordinaire).
Mélangez dans un bol la farine et l'eau avec un fouet pour éviter les grumeaux, ajoutez l'huile et le sel. Mélanger bien le tout. Puis laisser reposer 10 mn.
Pendant ce temps-là, prenez un moule (type moule à pizza, bien que la pizza se fasse sans moule ! La pizza dans un moule, c'est une hérésie de non-italiens). Huilez votre moule abondamment (avec de l'huile d'olive, s'il vous plaît) ou chemisez-le d'un papier cuisson (ce qui vous évitera de le graisser. Ce sera plus léger).
Versez votre pâte à faina (liquide) dans le moule et enfournez dans le four bien chaud pendant 30 minutes.
Se déguste chaud ou froid, toujours en accompagnement de la pizza, jamais seul.
Quant aux lecteurs niçois qui ont reconnu la Socca, ils ont gagné toute mon estime.
Voilà la recette de la Socca niçoise en français sur le site de la Côte d'Azur
et voici la recette de la faina portègne en espagnol dans le supplément Ollas y Sartenes du quotidien Clarín il y a quinze jours...
La photo est celle de la faina et elle est tirée de l'article de Ollas y Sartenes (la socca, c'est plus fin et plus friable).