Dolores Solá, la chanteuse de La Chicana, présente ce soir au Centro Cultural Torcuato Tasso, à San Telmo, son nouveau disque, en qualité de soliste. Un disque qui contraste avec le style de La Chicana, où la chanteuse épouse le style traditionnel, dit "criollo", du chant accompagné à la guitare. Cette idée lui est venue à force d’écouter Gardel, Corsini et Magaldi, les trois grands des années trente, les solistes tels qu’ils existaient alors : des chanteurs s’accompagnant eux mêmes à la guitare comme des payadores ou accompagnés par un groupe de guitaristes, style qui vit toujours avec une chanteuse comme Nelly Omar.
En fait, il y a deux types de solistes dans l’histoire du tango : ce soliste de type gardélien ou corsinien qui vient directement de la figure du payador et plus directement encore de Gabino Ezeiza et de José Betinotti, et celui qui apparaît après l’invention du chanteur d’orchestre par Aníbal Troilo dont le style est sans doute résumé dans cette phrase attribuée par Roberto Goyeneche à Troilo : "toi, tu racontes l’histoire. Pour ce qui est de chanter, l’orchestre s’en occupe". Le soliste deuxième manière est passé par cette étape, c’est celui qui chante accompagné par un orchestre, un orchestre qui le sert. C’était le cas de Roberto Goyeneche, c’est aujourd’hui celui de Susana Rinaldi, de Adriana Varela, de Noelia Moncada... Edmundo Rivero, quant à lui, a appartenu simultanément aux deux genres et il a laissé des disques dans les deux cas. Dans le premier genre, aujourd’hui, vous avez Horacio Molina, Néstor Basurto, Juan Vattuone, Cardenal Domínguez, Lucio Arce, ou même Claudia Levy qui s'accompagne elle-même... au piano.... Le chanteur d’orchestre existe toujours : Peyo, le chanteur d’Astillero, ou Walter Chino Laborde, celui de la Orquesta Típica Fernández Fierro et bien sûr Dolores Solá au sein de la Chicana, et dans un style très décoiffant. Appartenant aux deux genres, allant de l’un à l’autre, des artistes comme Hernán Genovese, Cucuza, Guillermo Fernández...
Cristian Vitale qui interviewe la chanteuse pour l’occasion, dans l’édition de ce matin de Página/12, parle à propos de ce nouveau disque (14 morceaux) et du tour de chant qui va avec de saut périlleux pour l’artiste, reprenant tout simplement le titre du disque Salto Mortal, un titre choisi parce qu’elle y aborde le tango classique mais aussi des chansons appartenant à d’autres genres (1) que ces trois grands avaient l’habitude de chanter dans des disques et des récitals, beaucoup plus cosmopolites que nous aimerions souvent le croire (fados, fox-trots, pasodobles, musique folklorique argentine...)
Dans l’interview, que je vous invite à lire en cliquant sur le lien, Dolores Solá parle de l’inspiration que lui a donné l’écoute des chanteurs des années 20 et 30 mais aussi de la difficulté de trouver le juste chemin pour exprimer son identité, en séparant du style de La Chicana tout en conservant ce qui dans La Chicana est vraiment une partie d’elle-même. Elle y évoque la juste distance qu’elle a dû respecter avec son compagnon, Acho Estol, qui est aussi le compositeur et l’arrangeur de La Chicana et dont la forte personnalité esthétique et artistique aurait pu déteindre sur ce disque dont elle voulait qu’il soit uniquement d’elle et qu’elle définit à la fin de l’article comme "un cirque criollo" (sud-américain), "un mélange de fête et de tragédie".
Dolorés Solá est ce soir au Torcuato Tasso, Defensa 1500 (40 $ l’entrée, mais je crois que c’est déjà complet), et les 6 et 13 novembre à 22h à Los Loros-El Nacional, Estados Unidos 308 (esquina Defensa y Estados-Unidos), à ne pas confondre avec le teatro El Nacional, de Corrientes 860, tout près de l’Obélisque (et du Mac Do qui va avec, hélas !).
L’entrée aux Loros (les perroquets) est à 50$ et il est conseillé de se dépêcher si vous voulez réussir à avoir une place.
Pour aller plus loin :
Lire l’interview de l’artiste dans Página/12
Lire l’interview de l’artiste dans Página/12
Pour en savoir plus :
Visiter le site de la chanteuse.
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(1) Peut-être le français dirait-il plus volontiers "Sans filet" ou "Grand plongeon" pour indiquer la même idée de prise de risque énorme. Voir ce que dit Alfredo Arias de la capacité des artistes argentins à passer d’un genre à l’autre (cliquez sur le lien pour accéder à l’article).