vendredi 24 octobre 2008

Conférences pour le jubilé démocratique [à l’affiche]

Le 30 octobre 2008, l’Argentine fêtera les 25 ans de l’élection du président Raúl Alfonsín, avocat, grand militant des droits de l’homme et longtemps élu local puis natioanal de l’UCR (Unión Cívica Radical, le grand parti de gouvernement qui partage la gauche avec le Partido Justicialista). Cette élection marquait le retour du pays au régime constitutionnel après la longue parenthèse chaotique entamée en 1966 avec un coup d’Etat militaire appelé Revolución Argentina, strictement anti-péroniste, qui conduisit le pays au bord de la guerre civile, laquelle fut évitée de justesse par le retour au pouvoir d’un Perón très âgé en binôme avec sa troisième épouse, Isabel Perón, la vice-présidente qui lui succèda lorsqu’il mourut au début 1974. Isabel Perón, aujourd’hui exilée en Espagne et sous mandat d’arrêt international, gouvernera en s’appuyant sur une police parallèle appelée Triple A (pour Allianza Argentina Anticomunista). Ce qui ne l’empêchera pas d’être elle-même renversée par le Chef d’Etat Major qu’elle venait de nommer. La nouvelle dictature militaire, que les Argentins appellent la Dernière Dictature (1976-1983), fera régner la terreur dans les rangs de la gauche, tous courants confondus et notamment les péroniste de l’aile gauche, les Montoneros, et s’effondrera dans la désastreuse défaite des Malouines infligée à l’Argentine par la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher (laquelle ne poursuivait pas vraiment la fin de la Dictature en Argentine).

Elu le 30 octobre 1983 et installé le 10 décembre, Raúl Alfonsín rétablit l’ordre constitutionnel, entame le long processus, toujours inachevé, des procès contre les bourreaux (qu’on appelle là-bas los represores) et fait poursuivre et condamner les responsables de la Junte Militaire, modifie le statut de l’Armée, qui doit désormais institutionnellement obéissance au pouvoir civil. Vaincu par une énième crise économique, en 1989, il est obligé de se retirer et un péroniste flamboyant lui succède, Carlos Menem, qui fera une politique néo-libérale démente et peu cohérente que le gouvernement actuel s’attache à défaire pièce à pièce (renationalisation de Aerolineas Argentinas et fin des fonds de pension comme régime principal de retraite sont les mesures les plus symboliques de cet antagonisme interne au mouvement péroniste).

Les célébrations ont démarré il y a quelques semaines sur une grande réception solennelle à la Casa Rosada, siège officiel de la Présidence de la République. La Présidente Cristina Fernández a reçu en grandes pompes Raúl Alfonsín qui a franchi les 80 ans (il est né en 1927). Un certain nombre d’hommes politiques se sont précipité à la Casa Rosada, séchant même au Sénat un vote important sur le système de réévaluation des pensions de retraite servies par l’ANSeS. En revanche, on n’y pas vu Carlos Menem, qui commençait à se faire discret en vue de sa comparution devant un tribunal pénal dans une affaire de vente d’armes assez peu reluisante.

Aujourd’hui, le quotidien Clarín, un des acteurs majeurs de la vie intellectuelle et politique de ce quart de siècle, véritable vigie en la matière, se joint aux célébrations en entamant un cycle de conférences gratuites sur ces 25 années de démocratie, sous le thème général : apprendre de notre passé et construire notre futur.

Ces conférences porteront sur plusieurs points clés de ce difficile et complexe retour à la démocratie. Hier soir, 23 octobre, la conférence se penchait sur l’enseignement : Qu’avons-nous gagné, qu’avons nous perdu durant ces 25 ans ? Les défis à relever et la rançon à payer (desafios y deudas pendientes) pour retrouver la qualité (on évoquera le statut du professeur à un moment où un assez grave conflit social oppose les enseignants et les pouvoirs publics locaux et nationaux, le droit à l’éducation alors que se déroule une campagne nationale pour sensibiliser les parents sur l’interdiction du travail des enfants et faire respecter par tous l’obligation de scolarisation sur tout le territoire, l’intégration des NTIC, etc.).

Les conférences ont lieu dans l’auditorium de Clarín, rue Piedras (n° 1743). Entrée libre et gratuite.
Ce cycle de conférences s’achèvera le 20 novembre prochain.

Jeudi prochain, 30 octobre, on parlera du défi du développement et de la distribution de la richesse (un sujet brûlant dans toute l'Amérique Latine).
Le 6 novembre : Ce que la corruption nous a volé. Les défis à relever et la rançon à payer dans la lutte pour la corruption.
Le 12 novembre : La parole du citoyen en démocratie : nos droits et nos garanties.
Le 20 novembre : Le passif (deuda) institutionnel : la Cour Suprême et le Congrès face à l'hyperprésidentialisme.

Parallèlement à cette série de conférences, Clarín organise un cycle de cinéma en partenariat avec Poder Ciudadano (Pouvoir Citoyen) et le Ministère de la Culture du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires. Ce festival de cinéma a lieu en plein air, dans la petite rue Pasaje Carlos Gardel, à côté du Centre Commercial de l'Abasto. Il est placé sous la responsabilité d'un responsable éditorial de Clarín (rubrique Spectacles). Ce cycle se terminera le 23 novembre.

Actuellement, l’Argentine s’apprête à accueillir sur son sol le siège d’une importante institution de surveillance des Droits de l’Homme, un peu de baume au coeur de ce peuple meurtri par un demi-siècle de coups d’Etat, de révolutions de palais, de gouvernements autoritaires et policiers, voire de dictatures violentes, du 6 juin 1930 à octobre 1983.