Je ne résiste pas au plaisir de vous partager ce monument de mauvaise foi affichée et revendiquée.
Le petit gros : Les AFJP proposent un système mixte
L'autre : comment ça ?
Le petit gros : les retraités passent à l'Etat et les contributions, c'est elles qui se les gardent...
Après l’annonce, mardi dernier, du prochain vote par le Congrès d’un projet de loi visant à convertir les fonds de pension privés (AFPJ) en un système par répartition généralisé et obligatoire, l’Etat argentin vient de mettre en place un comité ad hoc composé de représentant du Secrétariat d’Etat au Travail, de l’ANSeS (l’Administration de la Sécurité sociale), de l’organisme de contrôle des AFPJ (Superintendencia) et de la Direction de la Fonction publique (Secretaria de la Función Pública). La mission de ce comité est de veiller à la préservation des emplois des 11 000 salariés des 10 fonds de pension existants (1) et d’envoyer tout de suite un signal fort, destiné à rassurer ces salariés et leur famille, dont on imagine l’inquiétude depuis une semaine. On estime que 74% (2) de ces salariés touchent moins de 4000 $ mensuels, ce qui les met dans la tranche des ayant-droits aux allocations familiales (qui, en Argentine, ne sont distribuées qu’à la couche pauvre de la population, cf. l’article à ce sujet en date du 21 septembre). Il y a donc fort à parier que sur le plan financier, ces salariés ne perderont pas grand chose à passer, s’ils acceptent ce changement de statut, dans différents organismes publics.
Alors même que la loi n’est pas encore passée et ne sera de toute façon effective qu’en janvier, on sait déjà que tout le personnel médical, technique, administratif et de service des commissions médicales des AFPJ (3) sera repris par la Direction des Risques du Travail (appartenant au système de sécurité sociale). Quant aux salariés de l’AFPJ Nación, filiale de la Banque d’Argentine, ils seront reclassés au sein de la société-mère, le Banco de la Nación.
Pour les autres, il y aura ceux qui resteront dans les AFJP réduites, qui n’opèreront plus qu’un régime de retraite par capitalisation sur base volontaire et individuelle. D’autres seront affectés à l’ANSeS qui va avoir besoin de monde puisque le nombre de ses affiliés va augmenter (le nouveau régime s’imposera à tous les employeurs et bénéficiera à tous les salariés employés par des sociétés). D’autres, dans les provinces, pourraient se voir reclassés dans d’autres secteurs d’activité au sein des bassins d’emplois locaux... Le Gouvernement attend aussi des maisons-mères (banques, assurances) des 9 fonds du secteur privé qu’elles aient l’élégance de reclasser en interne les personnels dont l’emploi est condamné au sein de l’AFPJ. Et le Secrétariat d’Etat au Travail prévoit aussi que certaines personnes profiteront de l’occasion pour s’établir à leur compte (ce qui est fort probable dans un pays comme l’Argentine dont les habitants sont, faiblesse de l’Etat-Providence oblige, incroyablement débrouillards, dynamiques et travailleurs).
Aujourd’hui, le Comité invite à la table de négociation les représentants patronaux des AFJP (Administradoras de Fondos para las Jubilaciones y Pensiones) et les représentants des syndicats pour établir contradictoirement un bilan social exact du secteur : nombre de salariés effectifs, montant exact des salaires versés, affectations et situations individuelles, ceci afin de définir quelle sera la population à reclasser en fin de compte.
Isolée sur sa position au milieu de ses pairs, une organisation salariale soutient le système tel qu’il existait et refuse l’idée que le personnel passe à l’Etat. Il s’agit de la branche syndicale de l’Assurance, minoritaire dans les AFJP qui dépendent majoritairement du secteur du Commerce.(4) Et cette organisation syndicale est bien seule dans ce cas. Avec les Directions des AFPJ, qui la semaine dernière protestaient de leur bonne foi, prenait Dieu et la terre toute entière à témoin de l’indécente violation de leur droit d’exercer librement leur honorable profession avec la probité qui avait toujours été la leur (j’en passe et des meilleures) et dont on vient d’apprendre (les langues se délient) qu’elles ont elles-mêmes provoqué leur malheur en en appelant en sous main, il y a 15 jours, à l’intervention de l’Etat pour compenser, sur fonds publics, la baisse dramatique de revenus qu’allaient subir les retraités actuels en octobre (because krach boursier). Parce que ces revenus sont de deux types : ou bien des rentes viagères mensuelles fixes assises sur un système d’assurance-vie, ou bien la liquidation mensuelle des plus-values du mois provenant des placements réalisés à partir du compte individuel du salarié. Donc le revenu mensuel du retraité dépend dans ce cas du cours de la bourse à l’instant T. 294 000 retraités des AFPJ sont concernés, soit 67% des retraités assujettis au système de retraite par capitalisation. Le 20 octobre, au moment de l’annonce du Gouvernement, les pertes subies par les AFPJ allait de 15,3% pour l’AFPJ Profesión (Nación était à -15,4) à 17,2% pour Arauca (par rapport à la valeur moyenne de l’année 2007). Cette année, ces retraités-là ont vu leur revenu mensuel baisser 8 fois en 8 mois (dont -10,08% en juillet, la plus forte baisse de l’année jusqu’à ce qu’octobre s’annonce encore plus catastrophique).
Les états des lieux qui sont établis en ce moment, par les enquêtes menées depuis une semaine par les journalistes et à travers les déclarations du Gouvernement qui justifie sa décision, révèlent des scandales à peine imaginables pour nous, Européens :
Les fonds de pension auraient, d’après le Gouvernement, laissé 41% de leurs affiliés cotiser pour des sommes qui ne leur permettraient même pas aujourd’hui, alors qu’ils sont à quelques années de la retraite, de toucher le minimum versé par le système par répartition (l’Etat va devoir mettre la main à la poche pour garantir à ces gens ce revenu minimum, fixé à 690$/mois, ce qui n’est pas lourd : lire à ce propos l’article sur le panier de la ménagère, du 10 septembre dernier).
Les 10 AFPJ ont pratiqué une politique de salaires fort peu décente vis-à-vis de leur 10 171 salariés (alors que les caisses prélevaient sur les sommes déposées par les affiliés une commission de 35 à 40% !) (5).
Quant aux capitaux collectés pendant les 14 ans de vie du système, qui a donc connu le krach bancaire de 2001, ils avaient déjà subi des pertes colossales bien avant le dernier choc boursier. Les 9,5 millions d’affiliés qu’ont compté les 10 caisses pendant ces 14 années ne pourraient pas recevoir plus de 9 928 $ chacun en moyenne alors que les dépôts s’élèvent pour cette seule année 2008 à 4000 millions. Página/12 a calculé que pour toucher 1$ de retraite dans ce système, il faudrait en avoir versé 178.
(1) chiffre approximatif, correspondant aux estimations du Secrétariat d’Etat au Travail. La loi oblige les entreprises à déclarer toute sorte de données sociales et économiques mais en Argentine plus on a de sous et moins on s’encombre de respecter la loi. De toute manière, l’Etat n’a pas les moyens d’entretenir un vrai appareil de contrôle et de répression efficace (la preuve : l’inefficacité de la Superintendencia de las AFPJ qui aurait dû pouvoir mettre fin à toutes ces mauvaises pratiques qui éclatent au grand jour aujourd’hui). Les chiffres avancés par l’INDEC, l’institut de statistiques national, sont donc toujours à prendre avec une grosse marge d’erreur. Selon Página/12, le plus polémique des quotidiens de gauche, le chiffre avoisinerait les 11 000. Il y a une semaine, les journaux avançaient plutôt le chiffre de 10 500. Aujourd’hui, Clarín, qui est plus objectif que son confrère, parle de 10 171 salariés déclarés par les AFPJ.
(2) Página/12 dit avance le ratio de 90% des salariés. Là aussi, il est possible de lire une certaine exagération à visée polémique.
(3) Ces commissions effectuaient les expertises nécessaires à la liquidation d'une prestation d'invalidité.
(4) Revendiquer la totalité de cette activité et ne pas laisser la main aux banquiers (qui dépendent eux de la loi sur le Commerce) sur ce type d’opération est une vieille exigence du secteur de l’assurance qui l’exprime depuis 14 ans sans discontinuer. En 2001, le krach bancaire leur a donné raison. Et le krach actuel ouvre un nouveau boulevard à cette revendication... Les salariés de ce syndicat font du sitting devant le siège de leur établissement pour exprimer leur désaccord avec la mesure gouvernementale, mais ils représentent sans doute moins de 20% de l’effectif de leur entreprise. En tout cas, il n’est peut-être pas complètement idiot de penser que, sous le régime de l’assurance, la situation aujourd’hui aurait peut-être été un peu meilleure, au moins pour les retraités eux-mêmes, puisque les seuls qui s’en sortent vaille que vaille dans ce système sont ceux qui ont souscrit de fait une assurance-vie (soit 33% des retraités actuels des AFPJ).
(5) Le Secrétariat d’Etat au Travail, Carlos Tomada, a d’ailleurs fait savoir, haut et fort, que la reprise par les services de l’Etat des personnels licenciés par les AFPJ n’exempteraient en aucune façon ces dernières de régler à leurs salariés congédiés les indemnités de licenciement qui leur sont dues aux termes de la loi. Sur le plan strictement juridique, le raisonnement ne tiendrait guère debout au sein de l’Union Européenne puisque les AFPJ sont contraintes à ces licenciements par un cas de force majeure (décision de l’Etat), mais quand on regarde la situation économique concrète, Carlos Tomada a tout simplement décidé de faire cracher au bassinet les AFPJ pour toutes les fois où elles n’ont pas respecté leurs obligations d’employeur. On peut penser que ce n’est que justice mais façon Robin des Bois, ce qui n’aide pas le pays à s’installer dans le respect des lois, installation qui est sans nul doute la dernière étape qui lui reste à franchir dans son processus de retour à la démocratie).
Alors même que la loi n’est pas encore passée et ne sera de toute façon effective qu’en janvier, on sait déjà que tout le personnel médical, technique, administratif et de service des commissions médicales des AFPJ (3) sera repris par la Direction des Risques du Travail (appartenant au système de sécurité sociale). Quant aux salariés de l’AFPJ Nación, filiale de la Banque d’Argentine, ils seront reclassés au sein de la société-mère, le Banco de la Nación.
Pour les autres, il y aura ceux qui resteront dans les AFJP réduites, qui n’opèreront plus qu’un régime de retraite par capitalisation sur base volontaire et individuelle. D’autres seront affectés à l’ANSeS qui va avoir besoin de monde puisque le nombre de ses affiliés va augmenter (le nouveau régime s’imposera à tous les employeurs et bénéficiera à tous les salariés employés par des sociétés). D’autres, dans les provinces, pourraient se voir reclassés dans d’autres secteurs d’activité au sein des bassins d’emplois locaux... Le Gouvernement attend aussi des maisons-mères (banques, assurances) des 9 fonds du secteur privé qu’elles aient l’élégance de reclasser en interne les personnels dont l’emploi est condamné au sein de l’AFPJ. Et le Secrétariat d’Etat au Travail prévoit aussi que certaines personnes profiteront de l’occasion pour s’établir à leur compte (ce qui est fort probable dans un pays comme l’Argentine dont les habitants sont, faiblesse de l’Etat-Providence oblige, incroyablement débrouillards, dynamiques et travailleurs).
Aujourd’hui, le Comité invite à la table de négociation les représentants patronaux des AFJP (Administradoras de Fondos para las Jubilaciones y Pensiones) et les représentants des syndicats pour établir contradictoirement un bilan social exact du secteur : nombre de salariés effectifs, montant exact des salaires versés, affectations et situations individuelles, ceci afin de définir quelle sera la population à reclasser en fin de compte.
Isolée sur sa position au milieu de ses pairs, une organisation salariale soutient le système tel qu’il existait et refuse l’idée que le personnel passe à l’Etat. Il s’agit de la branche syndicale de l’Assurance, minoritaire dans les AFJP qui dépendent majoritairement du secteur du Commerce.(4) Et cette organisation syndicale est bien seule dans ce cas. Avec les Directions des AFPJ, qui la semaine dernière protestaient de leur bonne foi, prenait Dieu et la terre toute entière à témoin de l’indécente violation de leur droit d’exercer librement leur honorable profession avec la probité qui avait toujours été la leur (j’en passe et des meilleures) et dont on vient d’apprendre (les langues se délient) qu’elles ont elles-mêmes provoqué leur malheur en en appelant en sous main, il y a 15 jours, à l’intervention de l’Etat pour compenser, sur fonds publics, la baisse dramatique de revenus qu’allaient subir les retraités actuels en octobre (because krach boursier). Parce que ces revenus sont de deux types : ou bien des rentes viagères mensuelles fixes assises sur un système d’assurance-vie, ou bien la liquidation mensuelle des plus-values du mois provenant des placements réalisés à partir du compte individuel du salarié. Donc le revenu mensuel du retraité dépend dans ce cas du cours de la bourse à l’instant T. 294 000 retraités des AFPJ sont concernés, soit 67% des retraités assujettis au système de retraite par capitalisation. Le 20 octobre, au moment de l’annonce du Gouvernement, les pertes subies par les AFPJ allait de 15,3% pour l’AFPJ Profesión (Nación était à -15,4) à 17,2% pour Arauca (par rapport à la valeur moyenne de l’année 2007). Cette année, ces retraités-là ont vu leur revenu mensuel baisser 8 fois en 8 mois (dont -10,08% en juillet, la plus forte baisse de l’année jusqu’à ce qu’octobre s’annonce encore plus catastrophique).
Les états des lieux qui sont établis en ce moment, par les enquêtes menées depuis une semaine par les journalistes et à travers les déclarations du Gouvernement qui justifie sa décision, révèlent des scandales à peine imaginables pour nous, Européens :
Les fonds de pension auraient, d’après le Gouvernement, laissé 41% de leurs affiliés cotiser pour des sommes qui ne leur permettraient même pas aujourd’hui, alors qu’ils sont à quelques années de la retraite, de toucher le minimum versé par le système par répartition (l’Etat va devoir mettre la main à la poche pour garantir à ces gens ce revenu minimum, fixé à 690$/mois, ce qui n’est pas lourd : lire à ce propos l’article sur le panier de la ménagère, du 10 septembre dernier).
Les 10 AFPJ ont pratiqué une politique de salaires fort peu décente vis-à-vis de leur 10 171 salariés (alors que les caisses prélevaient sur les sommes déposées par les affiliés une commission de 35 à 40% !) (5).
Quant aux capitaux collectés pendant les 14 ans de vie du système, qui a donc connu le krach bancaire de 2001, ils avaient déjà subi des pertes colossales bien avant le dernier choc boursier. Les 9,5 millions d’affiliés qu’ont compté les 10 caisses pendant ces 14 années ne pourraient pas recevoir plus de 9 928 $ chacun en moyenne alors que les dépôts s’élèvent pour cette seule année 2008 à 4000 millions. Página/12 a calculé que pour toucher 1$ de retraite dans ce système, il faudrait en avoir versé 178.
(1) chiffre approximatif, correspondant aux estimations du Secrétariat d’Etat au Travail. La loi oblige les entreprises à déclarer toute sorte de données sociales et économiques mais en Argentine plus on a de sous et moins on s’encombre de respecter la loi. De toute manière, l’Etat n’a pas les moyens d’entretenir un vrai appareil de contrôle et de répression efficace (la preuve : l’inefficacité de la Superintendencia de las AFPJ qui aurait dû pouvoir mettre fin à toutes ces mauvaises pratiques qui éclatent au grand jour aujourd’hui). Les chiffres avancés par l’INDEC, l’institut de statistiques national, sont donc toujours à prendre avec une grosse marge d’erreur. Selon Página/12, le plus polémique des quotidiens de gauche, le chiffre avoisinerait les 11 000. Il y a une semaine, les journaux avançaient plutôt le chiffre de 10 500. Aujourd’hui, Clarín, qui est plus objectif que son confrère, parle de 10 171 salariés déclarés par les AFPJ.
(2) Página/12 dit avance le ratio de 90% des salariés. Là aussi, il est possible de lire une certaine exagération à visée polémique.
(3) Ces commissions effectuaient les expertises nécessaires à la liquidation d'une prestation d'invalidité.
(4) Revendiquer la totalité de cette activité et ne pas laisser la main aux banquiers (qui dépendent eux de la loi sur le Commerce) sur ce type d’opération est une vieille exigence du secteur de l’assurance qui l’exprime depuis 14 ans sans discontinuer. En 2001, le krach bancaire leur a donné raison. Et le krach actuel ouvre un nouveau boulevard à cette revendication... Les salariés de ce syndicat font du sitting devant le siège de leur établissement pour exprimer leur désaccord avec la mesure gouvernementale, mais ils représentent sans doute moins de 20% de l’effectif de leur entreprise. En tout cas, il n’est peut-être pas complètement idiot de penser que, sous le régime de l’assurance, la situation aujourd’hui aurait peut-être été un peu meilleure, au moins pour les retraités eux-mêmes, puisque les seuls qui s’en sortent vaille que vaille dans ce système sont ceux qui ont souscrit de fait une assurance-vie (soit 33% des retraités actuels des AFPJ).
(5) Le Secrétariat d’Etat au Travail, Carlos Tomada, a d’ailleurs fait savoir, haut et fort, que la reprise par les services de l’Etat des personnels licenciés par les AFPJ n’exempteraient en aucune façon ces dernières de régler à leurs salariés congédiés les indemnités de licenciement qui leur sont dues aux termes de la loi. Sur le plan strictement juridique, le raisonnement ne tiendrait guère debout au sein de l’Union Européenne puisque les AFPJ sont contraintes à ces licenciements par un cas de force majeure (décision de l’Etat), mais quand on regarde la situation économique concrète, Carlos Tomada a tout simplement décidé de faire cracher au bassinet les AFPJ pour toutes les fois où elles n’ont pas respecté leurs obligations d’employeur. On peut penser que ce n’est que justice mais façon Robin des Bois, ce qui n’aide pas le pays à s’installer dans le respect des lois, installation qui est sans nul doute la dernière étape qui lui reste à franchir dans son processus de retour à la démocratie).