Depuis le mois de septembre, soit à peu près depuis la fête des Instituteurs (Día del Maestro), le 10 (cf. l’article consacré à cette fête dans Barrio de Tango), un conflit social oppose les enseignants et les pouvoirs publics, un conflit qui gâche ce deuxième quadrimestre de l’année scolaire (1). Cela a commencé par une grève des enseignants contre la politique scolaire de Daniel Scioli, le Gouverneur péroniste de la Province de Buenos Aires (et ex-vice président du président Néstor Kirchner). Quand les professeurs ont repris la classe dans la Province, ceux de Buenos Aires se sont mis en grève pour réclamer au Gouvernement de droite libérale de la Ville des augmentations de leur salaire (ils réclament 20%) et du budget de l’éducation. Et depuis quelques jours, la grève est nationale... A Buenos Aires, les cours perdus devraient néanmoins être rattrapés par des cours donnés le samedi, d’ici à la fin de l’année, qui se clôt quelques jours avant Noël.
A Buenos Aires même, le mécontentement des profs (maestros : instituteurs / docentes : enseignants) s’aiguise sur la politique sociale menée par le Gouvernement de Buenos Aires, qui ces dernières semaines a réformé la distribution des bourses aux élèves pauvres (en en compliquant les conditions d’attribution) et modifié les repas des cantines en remplaçant la viande par du trisoja, une peu appétissante mixture de blé (trigo) et de soja que les enfants, surtout les plus petits, refusent de manger. De surcroît, dans les établissements scolaires des quartiers déshérités, les habituelles fournitures scolaires gratuites n’ont pas été distribuées cette année. En Argentine, l’école est obligatoire depuis 1883, et selon le même raisonnement que celui qu’a tenu Jules Ferry à la même époque au début de la IIIe République en France, le pays s’est doté d’une école publique, qui est gratuite et laïque. C’est pourquoi jusqu’en 2007, la Ville de Buenos Aires fournissait aux enfants pauvres du primaire et du secondaire (dont des gamins handicapés) une boîte (caja, kit, juego) de fournitures scolaires (útiles), contenant cahiers, papier, stylos, crayons, gomme, tube de colle, règle, équerre, compas... En 2008 (l’année scolaire et l’année civile se confondent dans l’hémisphère sud), ces kits n’ont pas été distribués. Le Ministère de l’Education s’en est justifié en avançant que, n’en connaissant pas avec certitude les critères de distribution ni les bénéficiaires, il avait préféré s’abstenir. Toutefois, le Ministère, mis en place le 10 décembre alors que l’année scolaire commence aux premiers jours de mars, reconnaît avoir vu une ligne de 280 000 $ Arg affectée à cette opération sur le budget 2008 conçu par le Gouvernement précédent, présidé par le péroniste Jorge Telerman.
C’est le Médiateur portègne (Defensor del Pueblo porteño) qui a soulevé ce lièvre dès mars ou avril (donc à la rentrée des classes) à la suite d’une plainte d’un parent d’élève et il vient de relancer l’affaire, faute de réponse satisfaisante de la part des pouvoirs publics.
Tout ceci prend place dans un contexte de restriction budgétaire draconnienne généralisée dans tout ce qui touche la vie culturelle, notamment dans les Centres Culturels municipaux qui offrent aux enfants et aux adultes des activités gratuites ou très peu onéreuses qui participent à la convivialité de la vie civique et sociale des quartiers.
L’année dernière, la Ville avait distribué 28 500 jeux de fournitures (dont 15 705 à des élèves du secondaire, l’école étant obligatoire jusqu’à 14 ans) et 2 040 à des élèves handicapés.
Pour l’année 2009, l’actuel Gouvernement portègne a promis de doter cette ligne budgétaire de 18 millions de pesos. Désormais tous les enfants bénéficieront de cette aide publique matérielle, quelque soit le niveau économique de leur famille. 12,5 millions de pesos serviront à l’achat des fournitures, le reste de la somme budgetée ira à l’achat des livres scolaires. Il y a 350 000 enfants dans les établissements scolaires publics à Buenos Aires même, qui compte aussi tout un réseau d’écoles primaires et secondaires privées, payantes (plus ou moins chères) et souvent confessionnelles (ce réseau privé n’est évidemment pas concerné par la mesure gouvernementale).
(1) En Argentine, l’année scolaire est organisée en 2 quadrimestres, de mars à juillet et d’août à décembre. Il y a 3 semaines de vacances en juillet. Les dates varient en fonction de leur répartition sur le territoire en un système de zones et peuvent donc mordre sur le mois d’août.