Au Musée de l’Université du 3 Février (Museo de la Universidad del Tres de Febrero), est inaugurée aujourd’hui une exposition d’oeuvres peu connues du Maestro Benito Quinquela Martín (1890-1976) et de nombreuses pièces de sa propre collection de peinture.
Enfant trouvé, élevé tout d’abord par le Patronage de l’Enfance, orphelinat tenu par les Filles de la Charité, rue Monte de Oca, dans le quartier de Nueva Pompeya, puis adopté par un charbonnier italien, Manuel Chinchella, et sa femme, une Indienne illetrée que son fils adorait, le peintre fut d’abord un petit apprenti charbonnier transportant sur son dos les sacs de 60 kg de charbon du port de La Boca jusqu’aux maisons des particuliers où il fallait livrer le combustible. Adolescent, il prend des cours de peinture la nuit. Jeune adulte, il est un peintre qui aura du mal à se faire reconnaître et accepté par la bonne société à cause de son extraction populaire suspecte (pour avoir été ainsi abandonné à la naissance, à cette époque-là, il est plus que probable que sa mère biologique était une fille de joie) et pour ses idées nettement marquées par l’anarchisme argentin, ce mélange de tradition payadoresque (telle qu’on la trouve dans la geste populaire et rurale de Martín Fierro) et de théorie bakouniste apportée par les militants ouvriers fuyant les persécutions politiques en Europe.
Dans l’histoire intellectuelle et artistique de son temps, il a eu une grande influence. Grand ami de Armando Discépolo, il a bien connu le poète et compositeur Enrique Santos Discépolo, de 11 ans son cadet, dont il a indéniablement participé à former le goût et la sensibilité. Il a fondé et animé, pour ne pas dire dirigé, la Peña del Tortoni (1926-1943), ce cercle d’artistes, de journalistes et d’intellectuels à la recherche de l’identité culturelle du pays et de la ville et qui se réunissaient toutes les semaines au sous-sol du Gran Café Tortoni de la avenida de Mayo (c’est aujourd’hui la Bodega del Tortoni, elle accueille des concerts et des shows de tango).
Il peignit surtout le port de La Boca et son activité industrielle, le peuple des travailleurs, des pêcheurs, des marins, des dockers. Il fut l’inspirateur de Caminito, cette ruelle de La Boca dont il voulait faire un musée populaire à ciel ouvert (et qui est hélas devenu un coin à touristes hideux et vulgaire comme il y en a peu au monde). C’est lui qui a offert au quartier les terrains où sont aujourd’hui bâtis le Teatro de la Ribera, el Jardín de Infantes, la Escuela-Museo Pedro de Mendoza.
Il constitua une collection de peintres argentins, dont une partie est exposée au Musée de l’Université (UNTREF). Cette collection, il en fit don au quartier de La Boca et elle est exposée de nos jours, avec le leg de 90 de ses propres oeuvres, dans ce qui est le Museo de Bellas Artes de La Boca, à deux pas du Teatro de la Ribera. Cet immeuble avait été sa maison. Au dernier étage, on peut visiter ce qui fut son atelier. Les fenêtres plongent sur le port de La Boca. Sur la terrasse, une exposition permanente de sculptures dont des oeuvres magnifiques d’artistes inconnus chez nous...
Londres, Paris, New-York ont dans leurs musées quelques uns de ses tableaux que l’Ambassadeur d’Argentine en France dans les années 20, le futur Président de la République Marcelo T. de Alvear, contribua à faire connaître hors des frontières. Un grand peintre et un grand bonhomme...