Vendredi, le Circolo Italiano, institution socio-culturelle d’origine italienne, a rendu, lors d’une grande fête en plein air, un hommage vibrant à une artiste complète, la Maestra María Elena Walsh, dramaturge, romancière, compositrice et poète de tango qui a à son actif plus de 50 livres dans des genres très variés.
Le tout premier, Otoño Imperdonable (automne impardonable), elle l’a éditée avec ses propres sous en 1947, elle avait alors une petite quinzaine d’années. Parmi ses oeuvres anciennes les plus connues, Canciones para mirar (1962) et Doña Disparate y Bambuco (1963), pièces de théâtre pour les enfants. Pour les adultes, Página/12 cite Fantasmas en el parque. Les trois oeuvres font partie des rééditions partielles que sort en ce moment en deux volumes la Editorial Alfaguara.
En présence d’un certain nombre de personnalités du monde artistique, dont le président de l’Académie Argentine des Lettres, le chanteur et compositeur Jairo (voir photo ci-jointe, extraite de Página/12) lui a rendu hommage en chansons, lui qui passé une bonne partie des mauvaises années en Espagne, en même temps que María Elena Walsh, puis en France où il fit une jolie carrière de chanteur latin lover exotique et qui est considéré aujourd’hui en Argentine comme un grand de la variété nationale. María Elena Walsh est l’auteur-surprise d’une de ces premières chansons à succès, composée et écrite en Espagne : el valle y el volcan (la vallée et le volcan). En fait il était venu la voir pour qu’elle l’aide un peu à se faire connaître, il lui avait montré une mélodie de son cru et elle l’avait gentiment mis à la porte. En fait, elle s’était enfermée pour lui écrire un texte qu’il trouva tout rédigé en revenant un peu plus tard à l’heure qu’elle lui avait indiquée en l’éjectant de chez elle...
María Elena Walsh s’est élevée pour les droits de l’homme et contre la dictature militaire, à la manière des artistes, avec des sous-entendus transparents, des métaphores, des allégories. Toute sa vie, elle a su mener des combats difficiles, en matière politique comme dans d’autres circonstances. L’un des orateurs de vendredi a souligné qu’elle avait survécu à un cancer des os, ce qui n’est pas si fréquent pour une personne de sa génération.
Côté Tango, à cette grande dame qui siège à l’actuel Conseil d’Administration de la Sadaic (société des auteurs et compositeurs argentins), le public doit Como la cigarra (comme la cigale), Oración a la justicia (prière à la justice) et le très célèbre El 45 (l’année 1945) où, partant d’une citation archi-connue d’un célèbre tango de Francisco Canaro (1), elle décrit avec nostalgie l’année de ses 15 ans, rappelle la sortie triomphale de Perón, après une brève relégation, sur le balcon de la Casa Rosada, acclamé par 150 000 manifestants venus en contrebas réclamer son rappel au Secrétariat d’Etat au Travail, portefeuille créé pour lui, elle y rappelle en termes forts le traumatisme des bombes d’Hiroshima et Nagasaki (eh oui, en Argentine aussi, on a perçu l’horreur) et dépeint les côtés insouciants de la vie quotidienne dans une Buenos Aires qui avait été préservée du conflit mondial et qui aimait prendre le thé à la confitería El Galeón, en admirant les élèves du Lycée militaire (cadetes) sanglés dans leur seyant uniforme alors très à la mode tandis que les électrophones diffusaient la voix de velours de Bing Crosby... Ce tango date de 1968. Et c’est en soi déjà un acte de résistance que de l’avoir écrit, chanté et enregistré.. Elle y parle, oh, sans le nommer bien sûr ! -c’était formellement interdit alors-, mais d’une manière absolument transparente pour le public, d’un homme politique passablement charismatique et alors en exil en Espagne. Peut-on imaginer une censure plus crétine que celle d’interdire de prononcer un nom propre ? Voilà ce qu’elle en dit (et maintenant je n’aurai pas besoin, moi non plus, de vous en dire plus) :
Le tout premier, Otoño Imperdonable (automne impardonable), elle l’a éditée avec ses propres sous en 1947, elle avait alors une petite quinzaine d’années. Parmi ses oeuvres anciennes les plus connues, Canciones para mirar (1962) et Doña Disparate y Bambuco (1963), pièces de théâtre pour les enfants. Pour les adultes, Página/12 cite Fantasmas en el parque. Les trois oeuvres font partie des rééditions partielles que sort en ce moment en deux volumes la Editorial Alfaguara.
En présence d’un certain nombre de personnalités du monde artistique, dont le président de l’Académie Argentine des Lettres, le chanteur et compositeur Jairo (voir photo ci-jointe, extraite de Página/12) lui a rendu hommage en chansons, lui qui passé une bonne partie des mauvaises années en Espagne, en même temps que María Elena Walsh, puis en France où il fit une jolie carrière de chanteur latin lover exotique et qui est considéré aujourd’hui en Argentine comme un grand de la variété nationale. María Elena Walsh est l’auteur-surprise d’une de ces premières chansons à succès, composée et écrite en Espagne : el valle y el volcan (la vallée et le volcan). En fait il était venu la voir pour qu’elle l’aide un peu à se faire connaître, il lui avait montré une mélodie de son cru et elle l’avait gentiment mis à la porte. En fait, elle s’était enfermée pour lui écrire un texte qu’il trouva tout rédigé en revenant un peu plus tard à l’heure qu’elle lui avait indiquée en l’éjectant de chez elle...
María Elena Walsh s’est élevée pour les droits de l’homme et contre la dictature militaire, à la manière des artistes, avec des sous-entendus transparents, des métaphores, des allégories. Toute sa vie, elle a su mener des combats difficiles, en matière politique comme dans d’autres circonstances. L’un des orateurs de vendredi a souligné qu’elle avait survécu à un cancer des os, ce qui n’est pas si fréquent pour une personne de sa génération.
Côté Tango, à cette grande dame qui siège à l’actuel Conseil d’Administration de la Sadaic (société des auteurs et compositeurs argentins), le public doit Como la cigarra (comme la cigale), Oración a la justicia (prière à la justice) et le très célèbre El 45 (l’année 1945) où, partant d’une citation archi-connue d’un célèbre tango de Francisco Canaro (1), elle décrit avec nostalgie l’année de ses 15 ans, rappelle la sortie triomphale de Perón, après une brève relégation, sur le balcon de la Casa Rosada, acclamé par 150 000 manifestants venus en contrebas réclamer son rappel au Secrétariat d’Etat au Travail, portefeuille créé pour lui, elle y rappelle en termes forts le traumatisme des bombes d’Hiroshima et Nagasaki (eh oui, en Argentine aussi, on a perçu l’horreur) et dépeint les côtés insouciants de la vie quotidienne dans une Buenos Aires qui avait été préservée du conflit mondial et qui aimait prendre le thé à la confitería El Galeón, en admirant les élèves du Lycée militaire (cadetes) sanglés dans leur seyant uniforme alors très à la mode tandis que les électrophones diffusaient la voix de velours de Bing Crosby... Ce tango date de 1968. Et c’est en soi déjà un acte de résistance que de l’avoir écrit, chanté et enregistré.. Elle y parle, oh, sans le nommer bien sûr ! -c’était formellement interdit alors-, mais d’une manière absolument transparente pour le public, d’un homme politique passablement charismatique et alors en exil en Espagne. Peut-on imaginer une censure plus crétine que celle d’interdire de prononcer un nom propre ? Voilà ce qu’elle en dit (et maintenant je n’aurai pas besoin, moi non plus, de vous en dire plus) :
Te acordas hermana qué tiempos aquellos...
Te acordas de la Plaza de Mayo
Cuando él que te dijé salía al balcón
Tanto cambió todo que el sol de la infancia
De golpe y porrazo se no alunó [...]
Te acordas de la Plaza de Mayo
Cuando él que te dijé salía al balcón
Tanto cambió todo que el sol de la infancia
De golpe y porrazo se no alunó [...]
Tu te souviens, ma soeur, quelle belle époque c’était ¡
Tu te souviens de la Plaza de Mayo
Quand celui que je t’ai dit est sorti sur le balcon...
Il a tellement tout changé que le soleil de l’enfance
D’un seul coup d’un seul nous a filé entre les doigts [...]
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Tu te souviens de la Plaza de Mayo
Quand celui que je t’ai dit est sorti sur le balcon...
Il a tellement tout changé que le soleil de l’enfance
D’un seul coup d’un seul nous a filé entre les doigts [...]
(Traduction Denise Anne Clavilier)
(1) ¿Te acordas hermano? (te souviens-tu, mon frère?), qu’elle transforme en ¿Te acordas hermana? Chacun le sien comme ça, les hommes ont le vieux, les femmes le nouveau. Et toc !
Hermano (comme hermana), ici, c’est frère (ou soeur) dans le sens amical et non pas familial du terme. En français, on dirait volontiers : Mon vieux, mon pote...
Hermano (comme hermana), ici, c’est frère (ou soeur) dans le sens amical et non pas familial du terme. En français, on dirait volontiers : Mon vieux, mon pote...