La Legislatura de Buenos Aires a pris deux initiatives tangueras pour les jours qui viennent :
Le vendredi 19 novembre 2010, à 18h, aura lieu la pose d'une nouvelle plaque en l'honneur du Maestro Aníbal Troilo, là où il y avait eu autrefois (et dont avait disparu) une autre plaque en souvenir du cabaret Marabú, qui a disparu lui aussi comme tous les cabarets des années 1920, 1930 et 1940 (1). C'est au Marabú que Troilo, dit Pichuco, dit El Gordo, avait fondé son premier orchestre en 1937. Il avait 23 ans.
Il est prévu que différentes personnalités du tango soient présentes et rendent hommage au Maestro. Cela se passera avenida Maipú, à la hauteur du n° 359, là où se trouvait le cabaret, dont les bâtiments ont été détruits depuis bien longtemps.
Par ailleurs, le mardi 23 novembre à 18h30, la Legislatura (2) s'unit à la Direction de la Musique du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires et au Comité Pro-Monumento al Tango pour fêter les 3 ans de ce monument (3) situé au coeur du quartier le plus chic et le moins tanguero de tout Buenos Aires, Puerto Madero, cette forêt de gratte-ciels sans âme derrière les anciens docks de brique rouge transformés en lofts fortunés, en magasins de luxe rivalisant avec les grandes avenues de New-York, de Londres, de Paris et de Milan, ou en restaurants hors de prix.
Cela se passera à l'angle entre le bulevar Azucena Villaflor et la avenida de los Italianos et la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires devrait jouer, sous la direction successive des trois chefs, les maestros Raúl Garello, Néstor Marconi et Juan Carlos Cuacci (4). Le chanteur titulaire de l'orchestre, Marcelo Tomassi, devrait lui aussi participer à cet anniversaire.
Bien entendu, ces deux manifestations sont d'accès libre et gratuit et pourraient être annulées ou reportées en cas de pluie ou de mauvais temps en général.
(1) Les cabarets à Buenos Aires étaient des restaurants et des cafés plutôt chics, tous situés dans une gamme de prix élevés, bref tout sauf des établissements populaires, que fréquentait une clientèle locale et étrangère aisée à très riche, exclusivement ou presque exclusivement masculine, les seules femmes fréquentant les cabarets se trouvant être des demi-mondaines accompagnant leur protecteur ou en quête d'un nouvel amant et des patronnes de maisons de passe. Les autres femmes présentent au cabaret étaient soit les milongueras, ces hôtesses payées par le patron du local pour se faire inviter aux tables des messieurs seuls et les faire consommer, et les chanteuses. Les cabarets ont été très longtemps, des années 1910 jusqu'à la moitié des années 1950, les principaux employeurs des orchestres de tango, avec les stations de radio et les maisons de disque. Après le renversement de Perón et la mise en place d'un gouvernement aux ordres des Etats-Unis, un certain puritanisme s'est imposé en Argentine, favorisé par la promotion des produits culturels nord-américains (introduction du rock et du cinéma hollywoodien), et les cabarets ont fermé les uns derrière les autres entre 1955 et 1960. Le Marabú a fait partie des victimes colatérales du coup d'Etat, comme le Chantecler et tant d'autres dont les noms sont intimement liés à l'histoire du tango argentin.
(2) sur les termes topographiques et institutionnels de Buenos Aires, ne pas hésiter à consulter la Trousse lexicale d'urgence située dans la partie centrale de la Colonne de droite de ce blog. La Legislatura est le nom donné au parlement monocaméral de chaque Province et de la Ville Autonome de Buenos Aires, qui a un statut semblable à celui d'une Province, avec gouvernement, parlement et constitution. On parle donc de Legislatura porteña (à Buenos Aires), de Legislatura Bonaerense (Province de Buenos Aires, capitale La Plata), etc.
(3) un truc hideux, entre nous. Un vague monument sculptural qui est censé représenter un bandonéon. Le résultat est moche et l'idée de départ manque d'originalité (tango=bandonéon). En général, les monuments sculpturaux de commande en hommage à des artistes à Buenos Aires sont passablement laids. Les oeuvres peintes sont beaucoup plus heureuses et les oeuvres qui ne correspondent pas à des commandes officielles mais à des initiatives privées, sans appui institutionnel, sont plus émouvantes. La statue de Gardel à l'Abasto est ratée, le buste de Pugliese à Villa Crespo aussi. En revanche, la galerie d'artistes peinte par Hermenegildo Sabát sur la façade de la Esquina Homero Manzi est de toute beauté (mais ce sont des caricatures !).
(4) Le conditionnel est dû au fait que l'orchestre traverse actuellement une crise très grave à laquelle j'ai déjà fait écho : salaires non payés ou payés au lance-pierre, emplois de musiciens non pourvus, entretien et réparation des instruments à la charge des musiciens, je vous en passe des vertes et des pas mûres. Ajoutez à cela que ces musiciens sont fortement syndiqués (ça se comprend dans de telles conditions) et que leur mécontentement se manifeste dès qu'un détail cloche. Ils ne jouent pas quand ils ont le soleil dans les yeux, quand ils ne sont pas assez bien abrités de la pluie (et Dieu sait s'il peut pleuvoir au printemps à Buenos Aires), quand il n'y a pas le bon nombre de chaises pour le bon nombre de musiciens (et ça arrive)... Donc on ne sait pas ce qu'il peut arriver : ils sont au programme, allez-y et voyez sur place ce qui se passe. Pour en savoir plus sur la crise traversée par l'orchestre, cliquez sur les mot-clés Orquesta ou Orq Tango BsAs dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Vous accéderez ainsi à l'ensemble des articles que je lui ai consacrés sur ses activités artistiques comme sur les réalités plus terre-à-terre de la vie de la formation. Vous pouvez aussi vous informer en cliquant sur le raccourci Economie, dans la Colonne de droite dont la partie supérieure est consacrée aux raccourcis internes à Barrio de Tango et la partie inférieure aux liens avec des sites externes.