Après un long débat particulièrement houleux, dans lequel l’Eglise catholique, appuyée par plusieurs autres confessions chrétiennes, a cherché à peser de tout son poids dans l’histoire de ce pays dont plus de 90% de la population se déclare catholique, la loi assimilant les couples homosexuels aux couples hétérosexuels en matière de droit matrimonial vient d’être votée au Sénat à Buenos Aires avec une majorité qui aurait largement pu être plus courte : 33 voix pour, 27 voix contre et 3 abstentions (même le total de non et des abstentions n’égale pas le nombre de oui).
Le mariage devient donc légal entre deux hommes ou deux femmes sur l’ensemble du territoire de la république argentine, après la célébration de plusieurs mariages de ce type au cours des 12 derniers mois, un peu partout dans le pays, qui ont donné lieu à des contestations en justice.
L’Argentine devient ici le premier pays latino-américain à institutionnaliser la relation homosexuelle. Elle est le dixième pays au monde à le faire et le second de l’aire hispanophone, puisque l’Espagne a mis en place une telle loi en 2005.
C’est bien entendu un symbole fort pour une bonne partie de la gauche argentine et pour le gouvernement actuel et la tendance kichneriste (et majoritaire) du Partido Justicialista (le parti fondé par Perón dans les années 40). Avec Fútbol para todos, qui a nationalisé l’année dernières l’achat des droits de retransmission télévisuelle des matchs internationaux (à cause des prix déments mis en place par la FIFA), la renationalisation de Aerolineas Argentinas, la suppression de la dualité des systèmes de retraite, la loi anti-monopolistique sur les médias, cette loi du mariage gay et lesbien sera sans doute utilisé comme un atout du bilan de l’actuelle présidente pendant la campagne électorale qui se prépare (la prochaine élection présidentielle aura lieu en octobre 2011). C'est aussi pour elle, semble-t-il, une question de prestige national sur la scène internationale. Il faut faire parler de l'Argentine et la mettre dans le peloton de tête dans tous les domaines où c'est concrètement possible et les évolutions sociales de ce type en font partie.
Cette innovation du Code civil manifeste une tolérance grandissante de la société argentine envers l’homosexualité mais ne fait pas pour autant ni du pays ni de sa capitale fédérale un paradis de l’homosexualité. Il reste très difficile là-bas, y compris à Buenos Aires, d’afficher et d’officialiser une relation homosexuelle.
Pour aller plus loin :
Lire l’article de Página/12 (très favorable)
Lire l’article de Clarín (pas hostile)
Lire l’article de La Nación (hostile à ce que la rédaction qualifie d’égalitarisme, consistant à identifier deux choses qui sont dissemblables).
Lire l’article de El País, le quotidien de Madrid, qui revient aussi sur la situation légale en Espagne.