samedi 10 juillet 2010

Le numéro 189 de El Tanguata : un numéro exceptionnel pour les 15 ans de la revue [Disques & Livres]

Beaucoup de choses passionnantes dans ce numéro de juillet 2010 du mensuel gratuit El Tanguata (dont vous trouverez le site dans la rubrique Eh bien dansez maintenant ! dans la partie inférieure de la Colonne de droite).

Nous pouvons y lire une longue interview de Horacio Salgán et de son fils, César Salgán, qui a pris la place il y a quelques années de son père dans le Quinteto Real, grande formation de tango fondée il y a 50 ans comme un divertissement, comme le dit son fondateur-pianiste au cours de l'interview. Un article qui occupe quatre pages du magazine, les pages 20, 22, 24 et 26 (les pages impaires sont composées entièrement de publicité). Cette interview marque les 50 ans du Quinteto Real (entendez Quintette Royal ou Quintette Réel) et les 15 ans de la revue. Comme toujours dans ce magazine, l'interview est bilingue, en espagnol et en anglais.

Egalement dans ce numéro un hommage à Rubén Juárez qui nous a quittés le 31 mai 2010. L'article a été écrit par le poète Alejandro Szwarcman, qui a travaillé avec Rubén Juárez et que Rubén Juárez a interprété en sa qualité de chanteur... C'est en page 6. Le texte est exclusivement en espagnol. C'est écrit par un poète et pas pour les touristes qui ne connaissent de la ville de Buenos Aires que ses milongas, ses cours de danse et ses magasins de chaussures.

Pour le numéro de juillet 2010, ne pouvait pas passer à côté du 75ème anniversaire de la mort accidentelle et tragique de Carlos Gardel : un article est donc consacré aux hommages qui furent rendus à l'idole sud-américaine en Argentine, en Colombie (le pays où il a trouvé la mort le 24 juin 1935) et en Uruguay (page 4, en espagnol en haut, en anglais en-dessous).



Et aussi deux articles (en espagnol uniquement) sur la crise sociale que traverse la Orquesta del Tango de la Ciudad de Buenos Aires, depuis l'arrivée à la tête de l'administration municipale de l'équipe de Mauricio Macri. El Tanguata présente d'une part une interview de Pablo Maglia, l'altiste de l'orchestre, qui est aussi délégué syndical. L'orchestre dépend du Ministère de la Culture du Gouvernement Portègne et s'estime maltraité par son autorité de tutelle : manque de musiciens (l'orchestre est prévu pour compter 45 musiciens, or il y a eu récemment des décès et des départs en retraite, en particulier ceux de Osvaldo Montes et Aníbal Arias qui n'ont pas été remplacés (1), si bien qu'actuellement il n'y plus que 28 instrumentistes pour 45 postes budgétés et  non payés), des locaux indignes, mal tenus et dépourvu de sanitaire en état de fonctionnement, avec moins de chaises et de pupitres que nécessaire, manque de communication pour faire connaître au public le programme des concerts (2). Les musiciens s'insurgent aussi sur la suppression de leurs concerts pédagogiques, une tradition de concerts aux écoles que l'orchestre a développée de nombreuses années durant pour initier les enfants au tango et aux instruments. Et enfin, cerise sur le gâteau, l'orchestre n'a pas été invité à participer aux festivités du Bicentenaire organisées par la Ville de Buenos Aires. Cela ne peut pas leur faire plaisir. Cette interview, qui fait suite à une protestation publique de l'orchestre à l'entrée du Teatro Presidente Alvear, dont il est la formation musicale résidente, le 18 mai dernier, avant le concert d'hommage à Aníbal Troilo (voir mon article du 11 mai 2010 sur cet hommage pour les 35 de la disparition du compositeur emblématique de Buenos Aires).

Capture d'écran à partir du numéro en pdf.
Cliquez sur l'image pour lire le texte en version originale

En complément de cette interview que vous pouvez lire à cheval sur les pages 10 et 11, vous pouvez lire à la page 55 la lettre ouverte (ci-dessus) que l'orchestre a adressée au public (uniquement en espagnol elle aussi) et dont voici la traduction en français :

Chers amis,
Au moment où le tango est déclaré Patrimoine intangible de l'Humanité par l'UNESCO (une initiative de Monsieur Hernán Lombardi...) (3) et que le tango est inclus aussi dans les programmes obligatoires des écoles, d'une manière contradictoire, ce même Ministre condamne notre institution à s'éteindre pour les motifs suivants :

- annulation des concerts pédagogiques alors que l'orchestre les pratiquait depuis 20 ans déjà en pionnier de l'enseignement du tango à l'école,
- le fait que les postes laissés vacants par les décès ou les départs en retraite ne sont pas pourvus et que les sommes correspondantes ne sont pas versées
lenteur et négligence dans la programmation, absence de promotion et de diffusion des concerts de l'orchestre. Par exemple : série de concerts à l'Alvear, résidence historique de l'orchestre, toujours 600 personnes, série au Teatro de la Ribera, programmée par le Ministère de la Culture, 20 personnes en moyenne par spectacle (4) avec la dilapidation de l'argent public que cela implique : location de piano, transport, personnel, consommables...,
- manque d'outils de travail : instruments, pupitres, étuis pour instruments, sièges, tenues de travail qui sont fournies à tous les autres salariés de la Ville. En conséquence de quoi, c'est nous qui sommes responsables de l'entretien et sommes exposés au risque de nous faire voler nos instruments, ce qui s'est déjà produit (5).

Nous vous sommes très obligés de votre soutien et le restons toujours. Merci beaucoup.
(Traduction Denise Anne Clavilier)



L'autre article particulièrement intéressant est celui qui porte sur le vote récent (en mai) à la Legislatura d'une déclaration qui réclame au Gouvernement de la Ville de Buenos Aires qu'il intègre le tango dans les programmes de l'école primaire. Cette déclaration, qui, pour l'instant, reste lettre morte, a été votée suite à une initiative de Claudio Tagini (que les fidèles lecteurs de Barrio de Tango connaissent comme l'animateur d'une ancienne émission de radio par internet, ADN Tango, et son association, qui porte le même nom et milite pour que le tango touche à nouveau un très large public, matraqué à la radio et à la télévision par les productions commerciales étrangères ou locales d'inspiration européenne ou nord-américaine).
El Tanguata a soutenu l'initiative législative et politique et revient donc (en espagnol uniquement) sur la déclaration elle-même, sur les mobiles de ses promoteurs et sur la manifestation artistique qui a eu lieu au Palais de la Legislatura pour en fêter le vote avec la participation de très grands artistes, dont Susana Rinaldi (en haut), les danseurs Paola Parrondo et Victor Nieva (au milieu de la page) et le Maestro Raúl Garello à la tête de la Orquesta del Tango de la Ciudad de Buenos Aires (en bas). C'était le premier d'une série d'événements qui doivent être organisés par les artistes et les responsables culturels de Buenos Aires pour faire pression sur le Gouvernement de Mauricio Macri pour qu'il mette en oeuvre la mesure soutenue par les députés municipaux.

Et en plus de tout ça, ce numéro de El Tangauta comporte un article de deux pages, en espagnol et en anglais, sur Juan Carlos Cáceres, ses concerts récents à Buenos Aires, la sortie de son premier livre et celle d'un nouveau disque pour ses 40 ans de carrière. Deux pages bilingues dont j'ai déjà parlé dans un autre article paru aujourd'hui dans Barrio de Tango.

Pour lire les articles de ce numéro exceptionnel de El Tanguata, il faut consulter son site, dont vous trouverez le lien dans la rubrique Eh bien dansez maintenant !, dans la partie inférieure de la Colonne de droite. Pour accéder aux articles, vous devrez d'abord vous enregistrer sur le site et vous créer un mot de passe. Ensuite il vous suffira de vous identifier avec votre identifiant et votre mot de passe pour télécharger gratuitement tout ce que vous voudrez, y compris le numéro entier de toute la collection en format pdf.

(1) Ce départ à la retraite du grand bandonéoniste et du grand guitariste fut annoncé officiellement à l'issue du concert du 40ème anniversaire de la création de Balada para un loco, cet été. Voir l'article du 11 décembre 2009, rédigé depuis Buenos Aires par Solange Bazely qui avait assisté au spectacle et que j'ai publié dans Barrio de Tango.
(2) Pour les chaises et les pupitres qui manquent dans la salle de répétition, je ne sais pas ce qu'il en est mais pour la discrétion de la publicité sur les concerts, je suis entièrement d'accord avec Pablo Maglia : en 2008, j'ai fait plusieurs articles sur les prestations de l'orchestre mais depuis plus d'un an, c'est nettement plus compliqué pour moi d'accéder à l'info. Elle que l'on trouvait très facilement sur le site de la Ville de Buenos Aires, il faut maintenant la chercher longuement et parfois en vain. Une fois sur place, je ne peux savoir où et quand aller écouter l'orchestre que grâce aux contacts personnels que j'ai à la Academia Nacional del Tango et à la Direction de la Musique. Pour le public lambda, ce n'est donc plus très simple de savoir où se produit l'orchestre.
(3) Voir mes articles sur cette inscription du tango au patrimoine culturel de l'humanité et les diverses réactions qu'elle a suscitées et continue de provoquer chez les professionnels du tango et les acteurs de la culture populaire à Buenos Aires.
(4) Au tout début de l'année, Hernán Lombardi, ministre de la culture du gouvernement portègne, avait pourtant fait du Teatro de la Ribera, dans le quartier de la Boca, face au port du Riachuelo, la salle consacrée au tango parmi toutes les salles publiques dépendant de la Ville de Buenos Aires. Voir mon article du 3 janvier 2010 sur ce sujet. Il était déjà assez clair à ce moment-là que le choix, particulièrement excentré et peu aisé d'accès (il faut y aller en voiture, surtout le soir) était assez peu pertinent. Cet échec n'a donc rien de très étonnant... Quant à l'Alvear, c'est une très belle salle qui doit pouvoir contenir largement plus que 600 personnes. Surtout si les concerts sont gratuits.
(5) C'est vrai. Un musicien au moins s'est fait voler un bandonéon. Un instrument très difficile à se procurer car les bandonéons sont hors de prix, puisque leur fabrication est pratiquement interrompue depuis 1949, année où les fabricants traditionnels de Saxe ont été expropriés par la nationalisation générale de toutes les entreprises en RDA. Depuis une dizaine d'années, les ateliers ont été rendus à leurs légitimes propriétaires mais le savoir-faire est loin d'avoir été parfaitement récupéré par les petits-enfants ou arrière-petits-enfants après 40 ans de rupture de la transmission artisanale, traditionnelle de père en fils. Voir mon article du 3 novembre 2009 sur le vote d'une loi qui protège désormais les bandonéons en en limitant les possibilités d'exportation depuis le sol argentin.