Et pour finir, le juge portègne Roberto Gallardo, qui a souvent prononcé des jugements contraires aux projets du gouvernement ultra-libéral qui gère la ville autonome de Buenos Aires, vient d’ordonner le démantèlement de cet écran géant qui défigure le carrefour de l’Obélisque, à la croisée de l’avenue 9 de Julio (et ses 140 mètres de large) et de l’avenue Corrientes (plus étroite mais tout de même)…
Résumé des épisodes précédents :
Coca Cola Argentine a acheté et mis en place, sur l’un des immeubles qui bordent l’avenue 9 de Julio, à l’angle aigu que forment la Diagonal Norte et la contre-allée Carlos Pellegrini, un énorme panneau lumineux pour vanter les mérites de ce soda roi du monde, la nuit, en hiver, sur une avenue (et même deux) qui présente l’un des plus forts trafics automobiles de la capitale argentine, surtout le matin entre 7h et 9h et le soir vers entre 18h et 20h. Le juge, saisi par quelques députés locaux, a fait éteindre le monstre parce que les études de risque que prévoient le code de l’urbanisme et celui de la route n’avaient pas été menées (voir mon article du 19 juin 2010).
Quelques jours après, Mauricio Macri est revenu à la charge, fort cavalièrement, en interpelant le juge par Twitter interposé pour exiger de lui qu’il autorise sur cet écran, en toute fin de matinée le dimanche suivant, la retransmission en direct du match de quart de finale entre l’Argentine et l’Allemagne, dont on sait qu’il était marabouté par un poulpe allemand. Le juge a donné son autorisation en l’entourant de nombreuses précautions pour que ni Coca Cola et ni aucune autre marque commerciale ne profite de l’aubaine pour infester de publicité quelques milliers de cerveaux disponibles, situés en contrebas, dans le froid de l’hiver et l’espérance de la qualification (voir mon article du 2 juillet 2010). Mais aussitôt l’autorisation obtenue, Macri faisait volte-face et retirait sa proposition footballistico-patriotique, alléguant des délais insuffisants pour faire procéder à des essais de signal le samedi précédent le match. Ce n’était, disait-il, que partie remise pour les autres matchs qu’auraient encore joués la Seleción Nacional, Mais comme Paul avait boulotté la moule de l'urne tricolore, les Argentins bicolores ont dû quitter le tournoi battus à plate couture par une Mannschaft survitaminée…
Jeudi dernier, le juge a finalement ordonné sous 5 jours le démontage complet de l’écran parce qu’il gênerait l’évacuation de l’immeuble en cas d’incendie. Avec l’autorisation (illégale donc) du Ministère de l’Espace Public de la Ville de Buenos Aires (ce même ministère qui déloge tous les petits vendeurs de babioles et de boissons, fraîches ou chaudes selon le temps qu’il fait, qui occupent un petit bout de trottoir dans la très passante rue Florida ou le non moins touristique parvis du Centre culturel de Recoleta, pour cause d’occupation illégale de l’espace public), l’écran occupe rien moins que 567 mètres carrés de façade depuis le 31 mai dernier. L’investissement de Coca Cola aura été de 7 millions de dollars US pour à peine un mois de fonctionnement.
Il est fort probable que le Ministère portègne fasse appel de la décision aujourd’hui même, après le long week-end que les Argentins ont connu avec la célébration de la deuxième fête nationale du 9 juillet, car d’après ses services techniques, la pose du panneau a été faite dans les règles de l’art puisqu’il y a un espace de 1,20 m entre les fenêtres et le panneau. Imaginez un peu des gens paniqués par un incendie essayant de quitter l’immeuble par les fenêtres à travers un échafaudage de 1,20 m de largeur. Avec des talons hauts ou en costume-cravate ! Sans parler de la lumière du jour que les malheureux ne peuvent plus voir depuis plus d’un mois. En plein hiver.
Pour en savoir plus :
Lire l’article de Clarín du vendredi 9 juillet 2010.