Hier (voir mon article du 22 juillet 2010), à la demande expresse de Mauricio Macri, chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, les députés du PRO à la Legislatura se sont vu obligés de mettre en cause eux-mêmes la pratique gouvernementale de leur propre champion, qu’ils venaient la veille de loyalement protéger de toute poursuite politique en bloquant une initiative de l’opposition.
Mais l’Assemblée n’a pas voulu se laisser ainsi mener là où Macri veut la mener, même si, ce faisant, il joue un jeu dangereux pour lui-même. L’opposition qui, rassemblée, est majoritaire, a fait bloc et dénoncé le mépris du mandataire pour les institutions démocratiques en général et le peu de considération qu’il a pour la gravité de la crise institutionnelle déclenchée par la découverte des écoutes illégales pratiquées sur les lignes téléphoniques de plusieurs victimes de l’attentat de l’AMIA (qui a eu lieu il y a 16 ans et dont les coupables n’ont toujours pas été identifiés ni jugés).
Les députés PRO ont vu arriver l’échec du stratagème choisi par Macri pour court-circuiter le processus judiciaire en se faisant blanchir très rapidement par la fragile majorité (d’alliance) dont il dispose dans l’hémicycle portègne. Ils ont alors pris un chemin de traverse pour gagner du temps (ce que Macri voulait justement éviter en précipitant le cours des opérations). Ils ont envoyé à la Commission des Affaires Constitutionnelle de la Legislatura leur demande non motivée de procès. On ne sait finalement pas ce qu’ils reprochent à leur champion, si c’est de mal remplir son mandat ou si c’est d’avoir commis un délit, les deux seuls motifs pour lesquels le Chef du Gouvernement portègne est passible de destitution. La requête demande seulement que Macri soit jugé pour "une des causes prévues"
Le débat lui-même a été épique, riche en rebondissements, en conciliabules, en petites phrases de tout genre et le résultat est assez peu favorable à Mauricio Macri, qui se retrouve acculé à lancer de simples affirmations sans argumentation dans une interview qu’il accorde aujourd’hui au journal La Nación : questionné par le journaliste avec une certaine pugnacité, lors d’un déjeuner au restaurant du musée Servori à Palermo, le Chef du Gouvernement se contente de répondre que ses accusateurs (et les juges aussi) mentent et raisonnent à partir de prémices fausses et que l’unique but de tout ce beau monde est de "mettre des bâtons dans les roues d’un opposant présidentiable ayant de réelles chances d’être élu" président de la République l’année prochaine…
A la Legislatura et d’ici le 12 août, date à laquelle on attend les résultats de l’examen de cette requête étrangement imprécises par la Commission, l’opposition va vérifier la conformité à la Constitution locale de la composition de l’instance de jugement. L’actuelle répartition des sièges n’avait jusqu’ici pas beaucoup d’importance puisque l’instance était purement fictive. Mais dès lors qu’il y a vraiment du procès dans l’air, l’opposition s’est avisée que l’application exacte de la Constitution, qui attribue les sièges aux groupes politiques en fonction de leur importance respective, pourrait aboutir à un rapport de forces nettement défavorable à Macri puisque la Haute Chambre, selon ce nouveau calcul, devrait peut-être compter 8 députés appartenant aux groupes d’opposition et seulement 5 à ceux qui forment la fragile majorité d’alliance qui se fissure de partout depuis le début de la semaine. Si c’est ce nouveau calcul qui l’emporte, Macri risque bel et bien la destitution. Or comme il n’y a plus de Vice Chef du Gouvernement depuis la campagne électorale de l’année dernière, Buenos Aires n'est pas sortie de l'auberge !
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