Ce soir à la Biblioteca Nacional, dans la rue Agüero, aura lieu la présentation d’une monumentale anthologie de poésie argentine intitulée 200 años de poesía argentina et constituée par Jorge Monteleone (éditions Alfaguara). En 970 pages, cet énorme travail présente 218 poètes, hommes et femmes, depuis les auteurs de l’hymne national, écrit en 1812, jusqu’à aujourd’hui (le poète le plus jeune est né en 1959).
Chose importante et qui constitue peut-être une première dans un ouvrage répondant à ce genre de circonstance historique : les artistes de tango et les poètes du lunfardo ont leur place dans le volume, à côté de poètes dits cultos (appartenant à la grande littérature), comme Leopoldo Lugones (1874-1938), un véritable contempteur du tango, Victoria Ocampo (1890-1979) et José Luis Borges (1899-1986), qu’on reconnaît en haut à gauche sur la Une du supplément culturel de Página/12 d’aujourd’hui (en illustration), lui qui n’a pas vraiment été favorable au tango même s’il a daigné en écrire une poignée avec Aníbal Troilo d’une part et Astor Piazzolla d’autre part (1).
Parmi les poètes populaires présents dans cette somme historique :
- les trois fondateurs de la poésie nationale que furent José Hernández (1834-1886), l’auteur des deux épopées en octosyllabes que sont Martín Fierro et La Vuelta de Martín Fierro, Almafuerte, de son vrai nom Pedro Bonifacio Palacios (1854-1917), le poète autodidacte de la Province de Buenos Aires qu’on apprend par cœur à l’école, et Evaristo Carriego (1883-1912), le poète de Palermo qui inspira si fort tant Jorge Luis Borges que Homero Manzi ;
- des poètes de tango comme Pascual Contursi (l’auteur, entre autres, de Mi noche triste et de la première letra de La Cumparsita), Celedonio Flores, Enrique Cadícamo, Enrique Santos Discépolo, Homero Manzi… (2)
- des poètes de lunfardo, comme Carlos de la Púa ou Raúl González Tuñón.
Atahualpa Yupanqui (en bas à gauche sur la Une) est là aussi, le grand créateur du folklore argentin au 20ème siècle, María Elena Walsh également, connue pour son travail au théâtre, dans la chanson enfantine et la chanson populaire tout public et enfin Juan Gelman (en haut à droite, sur la Une), un poète marxiste qui est aussi chroniqueur à Página/12.
C’est donc une belle soirée patriotique et littéraire qui se prépare pour ce soir à 19h à la Biblioteca Nacional.
Pour aller plus loin :
Lire l’article très développé de Página/12 sur le sujet.
(1) De Jorge Luis Borges, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin (mai 2010) présente deux morceaux du disque enregistré en 1965 avec Edmundo Rivero et Astor Piazzolla : le très célèbre Jacinto Chiclana et Alguien le dice al tango, et une milonga écrite en 1968 avec Aníbal Troilo, admirablement bien chantée entre autre par Susana Rinaldi : Milonga de Manuel Flores, qui raconte les derniers moments d’un condamné à mort va être fusillé à l’aube.
(2) Tous les cinq font naturellement partie des 76 auteurs traduits dans Barrio de Tango, le livre, chacun d’entre eux pour plusieurs textes (23 pour le seul Homero Manzi, dont on célébrait le centenaire de la naissance lorsque je bâtissais cette anthologie bilingue, écrite en majeure partie au long de l’année 2007).