mardi 7 juillet 2009

Après Las cancionistas, le tour des Cantores de Típica [à l’affiche]

Photo diffusée par Cecilia Orrillo



C’est un autre travail de sauvegarde et de restauration du patrimoine vivant et quasi-familial qu’est celui du tango argentin. Un art qui, à Buenos Aires, prend tout son sens lorsqu’il est transmis de génération en génération. Et le tango n’en finit pas de réparer la terrible rupture générationnelle dont il a souffert pendant les années 70. Voir l’autre article de ce jour portant sur cette même préoccupation, au sujet d’une page consacrée par Página/12 au labeur archéo-discologique de TangoVía Buenos Aires.
Après avoir fait remonter sur scène trois grandes cancionistas (chanteuses populaires) des années 40 et 50, aux Festivals de La Falda en juillet 2008 et de Buenos Aires en août 2008 (lire à ce sujet mon article du 23 août 2008), le couple Soria-Orrillo fait revivre l’art du chant tanguero orchestral des grands orchestres qui dominèrent le paysage artistique des années 40 et 50, ceux de Miguel Caló, Pedro Laurénz, Ricardo Tanturi et Angel D’Agostino. Et ces chanteurs, témoins toujours vivants de cette époque mythique, s’appellent Alberto Podestá, Osvaldo Ribó, Rubén Cané, Lalo Martel et Juan Carlos Godoy. Certains d’entre eux d’ailleurs ont participé au film, célèbre désormais, de Gustavo Santaolalla, el Café de los Maestros (dont Barrio de Tango s’est plusieurs fois fait l’écho, voir cet article du 30 juillet 2008 et cet autre du 28 mars 2009).
Le travail de Cecilia Orrillo (dont je ne vous ai jamais vraiment parlé jusqu’à aujourd’hui) et de Gabriel Soria (lui, si, je vous en ai déjà parlé et plus d’une fois) à consister à restaurer le style d’interprétation et d’exécution musicale de ces orchestres, en détaillant les enregistrements par un démixage en pistes individuelles, instrument par instrument, pour restituer les orchestrations, les arrangements et les spécificités techniques. On a en fait peu de traces écrites de ce que jouaient ces orchestres. Ce qui nous est parvenu, ce sont les enregistrements. Car les partitions qui servaient aux répétitions et aussi, parfois, aux exécutions en public (quand il y avait des partitions) n’étaient considérées comme dignes d’un quelconque intérêt historique par personne en ce temps-là. Elles ont donc rarement été conservées par les musiciens, qui y voyaient surtout des brouillons de travail. Sans parler d’une tradition très importante dans l’histoire du tango et de ses orchestres : le jeu a la parilla, c’est-à-dire le jeu sans partition, en forme d’improvisation collective, qui fait authentiquement partie du génie même de cette musique et permet de comprendre sa vitalité et sa variété stylistiques.
Cecilia et Gabriel ont donc reconstitué ainsi, note après note, morceaux après morceaux, des pans entiers de la tradition qu’il s’agit à présent de transmettre aux générations présentes (et futures) avec, autant qu’il sera possible, le concours des grands anciens. Et ces chanteurs, à présent d’âge respectable, sont le maillon indispensable à cette transmission dans le respect de ce qui a été.
Le travail de Cecilia Orrillo et de Gabriel Soria, qui gagnent leur vie tous deux dans les médias, elle comme attachée de presse, lui comme journaliste, conférencier et animateur radio, a donc abouti, comme l’année dernière, à un spectacle, qui s’intitule Cantores de Típica. Ce spectacle est programmé à deux occasions : au Festival de tango de La Falda, le 17 juillet prochain, en formation trio de chanteurs (Podestá, Ribó et Cané) -ce sera sa création- et le 16 août prochain (je vais tâcher de ne pas le rater, celui-là), dans le cadre du Festival de Tango de Buenos Aires, en formation de quintette (Podestá, Ribó, Cané, Martel et Godoy, comme sur la photo).
A La Falda, le spectacle doit se donner dans l’Amphithéâtre Carlos Gardel, avec l’orchestre de Roberto Siri pour accompagner les trois chanteurs.
Bien sûr, la situation actuelle m’oblige à signaler que les manifestations du festival de La Falda sont susceptibles d’être annulées d’un jour à l’autre, vu que le Festival a lieu en période culminante d’épidémie hivernale. C’est malheureusement le sort en ce moment même de tous les spectacles et concerts que j’annonce dans Barrio de Tango. Hier l’hommage à Piazzolla n’a finalement pas eu lieu, à la Academia Nacional del Tango, parce que l'un des intervenants est tombé malade. Et aujourd’hui même, ce sont les théâtres eux-mêmes qui viennent de décider de baisser le rideau pour une dizaine de jours, le temps que le gros de l’épidémie soit passé, avec les jours les plus froids de l’année...
Pour en savoir plus sur le spectacle, il faut consulter le site créé à cet effet.