Les enfants adoptifs de la propriétaire du journal Clarín, Marcela et Felipe Noble Herrera, sont depuis de nombreuses années considérés par l'association des droits de l'homme Abuelas de Plaza de Mayo (grands-mères de la Place de Mai) comme de possibles enfants enlevés à leurs parents en bas âge pendant la dictature militaire.
Dans les deux procédures d'adoption, à quelques mois d'intervalle l'une de l'autre, il y a des vices de forme et des points obscurs qui rappellent les méthodes employées par la Dictature pour soustraire à des familles d'opposants (le plus souvent péronistes) des enfants dont on modifia l'identité et que l'on confia, en adoption plénière, à des sbires de la Junte au pouvoir.
Depuis de nombreuses années, les avocats de Ernestina Herrera de Noble, la mère adoptive, font traîner les procédures. Récemment, il a été ordonné de faire procéder à une analyse d'ADN en comparant des échantillons prélevés sur les deux jeunes gens avec les analyses ADN des familles recherchant un enfant. A nouveau, les avocats ont fait jouer tous les détails du code de procédure pour empêcher la réalisation des comparaisons. Le dernier de ces actes de procédure a été la récusation de la juge en charge de l'affaire par Ernestina Herrera. Et cette fois, la Presidente de Abuelas, Estela de Carlotto, a porté plainte contre la patronne de Clarín pour obstruction à la justice.
Elle a même donné une conférence de presse avec Horacio Verbitsky, le président du Centre d'Etudes légales et sociales, qui écrit souvent dans Página/12 et dresse la même analyse de la situation que Madame Carlotto. A savoir que les méthodes employés par les avocats Herrera, notamment par un ancien juge embauché comme juriste par la famille, ressemblent comme deux gouttes d'eau aux arguments qui étaient déjà déployés pendant la Dictature pour justifier toutes les atteintes aux droits élémentaires des personnes.
En effet, si la juge est dessaisie du dossier et jugée par ses supérieurs hiérarchiques coupables de parti pris dans l'affaire, c'est toute sa procédure qui sera considérée comme nulle et non avenue. Les échantillons déjà prelevés ne pourront plus être utilisés. Il faudra saisir un autre juge, que celui-ci réordonne la saisie d'échantillons sur les intéressés, que les officiers judiciaires chargés d'opérer reprennent milles et une précaution pour s'assurer que les échantillons sont bien ceux des intéressés (on craint en effet des substitutions avec des prélèvements sur des domestiques, cheveux, brosses à dents et autres ustensiles qui pourraient être manipulés), etc.
Au cours de la conférence de presse, tant Estela de Carlotto qu'Horacio Verbitsky ont rappelé toutes les attentions qui avaient été prises pour respecter la dignité des deux jeunes gens et les précautions qui avaient aussi été déployées pour éviter qu'on ne traite en criminelle potentielle la mère adoptive, dont ils veulent croire qu'elle a pu adopter en toute bonne foi, ce qui lui éviterait d'être poursuivie pour crime contre l'humanité (consistant à falsifier intentionnellement l'identité d'un enfant pour le faire adopter de sorte que sa famille ne puisse plus jamais se mettre en contact avec lui). L'affaire est en train de tourner à un véritable scandale de déni des droits de l'homme. Página/12 (concurrent de Clarín et profondément pro-Madres et pro-Abuelas) fait largement écho à la conférence de presse tandis que le site de Clarín n'en parle même pas.
Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 de ce jour
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