lundi 24 mai 2010

Il y a deux cents ans aujourd'hui : le jeudi 24 mai 1810 [Histoire]

7ème épisode de notre feuilleton sur la Semaine de Mai (Semana de Mayo), qui entama il y a deux cents ans le processus qui devait aboutir à la fondation de l'actuelle Argentine...

Le 24 mai, un jeudi, le Cabildo met en place la Junta dont l'institution a été votée l'avant-veille lors d'un interminable Cabildo Abierto dont je vous ai parlé samedi dernier. Le Cabildo a nommé Baltasar Hidalgo de Cisneros, ex-Vice Roi destitué mais non pas désavoué deux jours plus tôt grâce à l'habileté du juriste Juan José Paso, Cornelio Saavedra, Juan José Castelli, Juan Nepomuceno Solá, qui est prêtre, et José Santos Incháurregui. Cisneros préside la Junta, dont il est aussi le commandant militaire. Les membres sont en nombre égal deux Criollos (Saavedra et Castelli, qui avaient été le mardi porteurs de la formule qui a rassemblé le plus de votes pendant le Cabildo Abierto) et deux Espagnols (Solá et Incháurregui). Cette Junta temporaie, aussi peu en rupture que possible avec l'ordre colonial, doit administrer le Vice Royaume jusqu'à la tenue d'une Assemblée composée de députés de toutes les villes de la région, qui constituera, elle, une Junta de Gobierno qui prendra complètement la place et du Cabildo et de cette Junta intérimaire.

Sur la proposition de Leiva, un officiel du Cabildo colonial, la Junta intérimaire se dote d'un règlement constitutionnel qui établit que le pouvoir judiciaire reste aux mains de l'Audience (le tribunal ordinaire des instances espagnoles), que le Président ne peut pas agir sans avoir l'aval des autres membres de la Junta, que le Cabildo peut faire arrêter les membres de la Junta qui trahiraient leurs fonctions et qu'il doit approuver les propositions d'impôts nouveaux qui pourraient être faites. Le règlement constitutionnel prévoit aussi une amnistie générale pour toutes les opinions qui ont été émises le 22 mai lors du Cabildo Abierto et une demande adressée aux Cabildos de l'Intérieur d'envoyer des députés à Buenos Aires pour une consultation générale concernant toute l'étendue du Vice Royaume, qui comprend, ne l'oublions pas, l'actuel Paraguay et l'actuel Uruguay.

Les commandants militaires acceptent cette Junta temporaire. Mais il n'en va pas de même du peuple lorsque l'information est diffusée dans Buenos Aires.

Le mouvement populaire, qui était apparu, pour la première fois, en armes, sur la Plaza Mayor (aujourd'hui Plaza de Mayo) le 20 mai, se manifete à nouveau, toujours animé par Domingo French et Antonio Beruti : les 600 hommes de la Légion Infernale, qui arboraient le ruban blanc pour l'union entre les Criollos et les Espagnols, ces mêmes hommes qui ont investi, en armes, la Plaza Mayor pour s'assurer que le Cabildo Abierto se composait majoritairement de Criollos, ces mêmes hommes ou à peu près les mêmes qu'on avait incités le 23 à rester calmes et à s'abstenir de toute action contraire à l'ordre public, ces mêmes hommes, que dirigent Domingo French et Antonio Beruti, qu'on avait vus chez Rodríguez Peña et à la savonerie de Vieytes parmi les révolutionnaires des 19 et 20 mai, envahissent à nouveau la Plaza Mayor pour protester contre le maintien au pouvoir de Cisneros. Eux ne veulent pas seulement qu'il soit mis fin à l'institution que représente le Vice Roi, ils veulent aussi et surtout le désaveu politique et personnel de Cisneros.

Un certain nombre d'officiers supérieurs voient que la situation devient explosive : ils craignent des débordements de colère de la part de la foule s'ils continuent d'appuyer la Junta montée par le Cabildo avec Cisneros comme président. Or il leur est politiquement impossible de faire tirer sur la foule. Plutôt que d'obéir, la troupe pourrait bien alors se retourner contre son commandement.

Un groupe de révolutionnaires, parmi lesquels se trouve Antonio Beruti, se réunit à nouveau chez Rodríguez Peña, comme les 19 et 20 mai. On émet des doutes sur la loyauté aux idéaux révolutionnaires de Saavedra, commerçant criollo devenu colonel d'un régiment, mais Castelli, ex-fonctionnaire criollo du Cabildo qui avait rejoint le 22 mai les positions de Saavedra, intervient, lui qui connaît admirablement l'administration coloniale : il promet de peser de tout son poids pour faire procéder à une nouvelle consultation populaire. Puis une délégation de trois notables, Mariano Moreno, Matías Irigoyen et Feliciano Chiclana, part négocier avec les officiers supérieurs pour les rassurer et et rassurer puis faire se disperser la foule populaire et jeune de la Plaza Mayor.

Dans la nuit, une délégation de révolutionnaires criollos, à la tête de laquelle se trouvent Saavedra et Castelli, membres de la toute jeune Junta intérimaire, se présente au domicile privé de Cisneros. La délégation informe l'ex-Vice Roi de l'agitation populaire et exige sa démission de ses fonctions de Président de la Junta. Cisneros s'engage oralement à démissionner mais ils n'obtiennent aucun écrit de sa main.

Pendant ce temps, la maison de Leiva, autre fonctionnaire de l'administration coloniale, est encerclée par la foule qui exige qu'il convoque une nouvelle fois le peuple pour une nouvelle consultation. Leiva commence par soutenir la formalité du droit (le Cabildo avait toute lattitude pour établir la Junta, il l'a fait, il n'y a pas lieu de revenir là-dessus). Mais il sent vite que l'heure n'est plus au formalisme juridique. Il cède donc et promet une nouvelle consultation.

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