lundi 31 mai 2010

Rubén Juárez vient de nous quitter [Actu]


C'est une énorme peine qui vient de s'abattre sur la communauté tanguera mondiale aujourd'hui : le Maestro Rubén Juárez, compositeur, bandonéoniste et chanteur, vient de succomber à un cancer, dans une clinique de Buenos Aires, où il avait été admis en soins intensifs le samedi 22 mai, après avoir été transporté dans la capitale depuis son domicile de Villa Carlos Paz, non loin de Córdoba. On a appris la nouvelle tôt ce matin, à Buenos Aires, donc dans l'après-midi en Europe, après la parution d'un premier article sur ce blog, ce qui est inhabituel sur Barrio de Tango, où, lorsque disparaît une personnalité de cette envergure, il n'y a jamais qu"un article : celui consacré au disparu...

La Legislatura Porteña s'apprête à accueillir dans ses locaux sa chapelle ardente dès ce soir.

Rubén Juárez avait 62 ans. Il était né le 5 novembre 1947 à Ballesteros, dans la Province de Córdoba, une ville et une Province à laquelle il était passionnément attaché et dans laquelle il était intervenu pour soulager la misère et développer la culture et notamment la musique pour tous. Il y vivait depuis une dizaine d'années, après avoir quitté Buenos Aires pour gérer autrement sa carrière et son oeuvre. Il a vécu plus longtemps à Buenos Aires où il avait passé une bonne partie de son enfance et avait commencé l'étude de la musique à 6 ans, par le bandonéon et la guitare...

Il avait été découvert par le public et la critique dans la tanguería Caño 14 en 1969, là où Roberto Goyeneche lui-même donnait des tours de chant qui sont restés légendaires. Son parrain dans le monde du tango avait été ni plus ni moins que Pichuco lui-même, à cette époque-là. A Palermo, il avait fondé et dirigé pendant plusieurs années le Café Homero, qui ne lui appartenait plus depuis longtemps mais est resté un lieu qui accueille les artistes de tango. Il avait joué dans l'orchestre de Troilo mais n'a jamais enregistré ni avec lui ni avec Piazzolla, ce qui restait les deux grands regrets de sa vie artistique.

Paris l'avait reçu le 10 novembre 2009 pour un concert organisé à la dernière minute (voir mon article à ce propos). Pour ma part, j'avais eu la chance immense de le voir et de l'écouter, à la clôture du 10ème Festival de Tango de Buenos Aires en août 2008. Je garde de ce concert le souvenir d'un homme de scène doté d'une formidable présence et d'un grand musicien. Bien sûr, sa voix n'était plus ce qu'elle avait été (les traitements anti-cancer de ses dernières années devaient y être pour quelque chose) mais il conservait l'amour et la passion de la scène, du chant et du public...

Un des grands moments qui le concernent dans ce blog avait été sa participation presqu'à l'improviste à l'une des soirées El Tango vuelve al Barrio, au Bar el Faro, organisée par Cucuza et Moscato (voir le retour en images que j'avais publié à ce propos en novembre 2008). Aujourd'hui, je pense bien à Cucuza que cette nouvelle va beaucoup affecter (les photos qui illustrent cet article ont été prises pendant cette soirée mémorable à El Faro), et aussi à Solange Bazely qui vient de diffuser par mail un hommage très ému à cet artiste.

Les quotidiens argentins rendent hommage dès aujourd'hui au musicien disparu :
Página/12 (nécrologie)
Clarín (nécrologie)
Clarín (analyse de sa carrière)
La Nación (nécrologie avec inclusion de vidéos)


Ici, en France, à Lyon, samedi 5 mai, un hommage lui sera rendu à l'Opéra de Lyon, où Solange Bazely donne cette semaine deux conférences sur le tango et le bandonéon.

Pour ce mois de mai 2010 qui fut et qui n'aurait dû être qu'un mois de fête, voilà une bien triste fin... Sale année pour le bandonéon, qui perd coup sur coup Chula Clausi et Rubén Juárez.